CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 avril 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10268 F
Pourvoi n° E 17-15.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Philippe Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'EPIC Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] ,
2°/ à la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP, dont le siège est [...] ,
3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] SP 07,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 mars 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme C..., conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lévis, avocat de M. Y..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens et de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP ;
Sur le rapport de Mme C..., conseiller, l'avis de Mme Z..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et de ses demandes subséquentes ;
AUX MOTIFS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... a été atteint d'affections chroniques du rachis lombaire reconnues comme maladie professionnelle du tableau 97 par arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 12 avril 2012 sur la base d'un avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Orléans du 15 septembre 2011, mentionnant « l'existence d'un lien de causalité entre la maladie déclarée le 13 avril 2004 et la conduite d'un véhicule de type SC 10 que Monsieur Y... a conduit pendant plus de 13 années, de 1989 à 2002 » ; que la discussion sur le délai de prise en charge et la liste des travaux du tableau 97 est donc inopérante ; qu'il ne peut être déduit de la seule inscription d'une maladie sur un tableau de maladies professionnelles, une faute inexcusable de l'employeur, d'autant que dans le cas de Monsieur Y..., le tableau 97 n'a été créé que par décret du 15 février 1999 et que la conduite de bus ne faisait pas partie de la liste limitative des travaux exposant au risque professionnel, d'où la saisine du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'il convient donc de rechercher si Monsieur Y... établit d'une part, la connaissance par la RATP des risques qu'il encourait en conduisant son véhicule, et d'autre part, l'absence de mesures prises par elle pour le préserver de ce risque ; que la reconnaissance de maladie professionnelle ayant été obtenue sur la base de la conduite d'un véhicule de type SC 10 de 1989 à 2002, c'est au regard de l'usage de ce véhicule et sur cette période que la responsabilité de l'employeur sera examinée ; que les documents concernant ce véhicule antérieurs et postérieurs à 2002 dont il n'est pas établi qu'ils aient été portés à la connaissance de la RATP seront écartés à savoir : la note technique établie par les services internes de la RATP le 25 janvier 2012, les procès-verbaux de réunion du CRE RATP du 24 septembre 2003, du 24 mars 2004, du 9 septembre 2004 (visant une déclaration de maladie professionnelle de Monsieur A... du 23 mai 2003), du 22 septembre 2004, et la note technique « Synthèse des niveaux vibratoires mesures aux postes de conduite dans les matériels roulants » de la RATP du 25 janvier 2012, ceux qui sont étrangers à la RATP tels que le rapport de l'INRS d'octobre 1994, et le rapport APTEIS de septembre 2013 ; qu'il est produit par ailleurs, un courrier du 9 avril 2002 dans lequel Monsieur B..., machiniste-receveur, saisit le CHSCT à propos des douleurs lombaires et sciatiques engendrées selon lui par l'état des sièges machinistes ; qu'aucun élément n'est donné sur la réception de ce courrier et la suite apportée à celui-ci ; que si la directive 2002/44/CE et le décret du 4 juillet 2005 la transposant fixent des seuils au delà desquels une action de prévention est nécessaire, ils n'existaient pas entre 1989 et 2002, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas les avoir anticipés ; que si l'étude technique dressée par l'UTAC à la demande de la RATP en 1967, et les études réalisées le 18 avril 1990 sur les sièges équipant les véhicules SC 10, et le 9 décembre 1990 sur les différentes catégories de bus du parc RATP relèvent des vibrations comparables aux seuils retenus par le décret 27 ans plus tard, aucune de ces études ne tirait de conséquence particulière des taux retenus et n'alertait l'employeur sur le danger potentiellement encouru, notamment le lien entre ces vibrations et d'éventuelles douleurs lombaires ; que la production du dossier médical de Monsieur Y... établi par médecin du travail permet de retrouver la chronologie des épisodes lombaires douloureux, mais aucune mention ne permet d'en déduire que le médecin en a averti l'employeur et surtout, aucun avis d'inaptitude même partiel n'a été établi par lui, de sorte que l'attention de l'employeur n'a pas été spécialement appelée sur sa situation ; que dans le procès-verbal de réunion du CRE RATP du 28 juin 2000, il est fait état d'une étude épidémiologique lancée en 1998, dont il ressort que 432 agents ont été déclarés inaptes incluant 4,6 % de machinistes-receveurs, que ces inaptitudes ont une cause psychopathologique dans 47 % des cas et une cause rhumatologique dans 22 % des cas ; qu'il est noté une augmentation des causes rhumatologiques mise en parallèle toutefois avec une modernisation du matériel en cours et la fin de la mise en service des autobus SC 10 fin 2001 ; qu'ainsi, il est constaté, au travers des études diligentées à la requête de la RATP, de l'étude technique dressée par l'UTAC en 1967, des études réalisées les 18 avril et 9 décembre 1990 et de l'étude épidémiologique lancée en 1998, que celle-ci a une politique de surveillance et de vigilance pour tenter de faire diminuer les pathologies rencontrées par ses salariés ; mais qu'aucun élément ne permet d'établir que de 1989 à 2002, la RATP ait eu conscience du danger qu'elle faisait encourir à son salarié, pas plus qu'elle n'aurait dû en avoir conscience, faute d'avoir été alertée soit à titre général sur les dangers générés par la conduite d'un bus SC10, soit à titre particulier sur la situation de Monsieur Y... ; qu'en conséquence, la faute inexcusable ne sera pas reconnue et le jugement entrepris sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QU'aucune étude fiable n'est venue démontrer le lien entre la conduite d'un autobus SC10 avec l'apparition d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 97 ; que parmi les milliers d'agents de la RATP exerçant la même fonction, seul Monsieur Philippe Y... a déclaré une pathologie dudit tableau ; que le CHSCT n'a été saisi d'aucune demande liée aux prétendus effets néfastes de la conduite prolongée d'un tel véhicule ; que la médecine de prévention et la médecine du travail n'ont procédé à cet égard à aucune alerte de l'employeur sur un éventuel risque lié à cette activité ; qu'enfin, Monsieur Y... ne démontre pas la violation par son employeur d'une obligation particulière de sécurité imposée par la réglementation ; que dans ces conditions, la RATP ne pouvait avoir aucune conscience du prétendu danger lié à la conduite des autobus SC10 ;
1/ ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que cette conscience s'apprécie au regard de l'attitude attendue d'un professionnel normalement avisé, auquel il appartient de s'enquérir des risques auxquels les salariés sont exposés ; que pour dire que la RATP n'avait pas, ni n'aurait dû avoir conscience du danger qu'elle faisait courir à son salarié, la cour d'appel a écarté, au motif qu'il était « étranger à la RATP », le rapport de l'INRS d'octobre 1994 intitulé « Ergonomie de la conduite d'autobus urbains (poste de conduite et conditions de travail) » mettant en évidence les cas de dorsalgies et douleurs articulaires liées à l'activité de conduite et préconisant la mise en place d'actions de préventions ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à l'employeur de s'enquérir des études relatives aux risques auxquels les salariés conducteur d'autobus étaient exposés, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2/ ALORS, en outre, QU'à supposer adoptés les motifs du jugement, la cour d'appel ne pouvait affirmer péremptoirement qu' « aucune étude fiable n'est venue démontrer le lien entre la conduite d'un autobus SC10 avec l'apparition d'une maladie professionnelle inscrite au tableau 97 » quand le rapport de l'INRS d'octobre 1994 mettait expressément en évidence les cas de dorsalgies et douleurs articulaires liées à l'activité de conduite d'autobus ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, des articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3/ ALORS, au surplus, QUE la conscience que l'employeur avait ou aurait dû avoir du danger auquel un salarié était exposé peut être établie au moyen de documents postérieurs à la période d'exposition au danger ; qu'en écartant les procès-verbaux de réunion du CRE RATP des 24 septembre 2003, 24 mars 2004 et 22 septembre 2004, qui faisaient état de circonstances antérieures de nature à démontrer que la RATP avait ou aurait dû avoir conscience du risque encouru par les machinistes-receveurs du fait de la conduite des autobus, au motif inopérant que la date de ces documents était postérieure à 2002, c'est-à-dire à la période au cours de laquelle M. Y... avait conduit des autobus SC10, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, des articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4/ ALORS, en outre, QU'ayant constaté qu'il ressortait de l'étude épidémiologique lancée par l'employeur en 1998 et du procès-verbal de réunion du CRE RATP du 28 juin 2000 que l'augmentation des cas d'inaptitude ayant une cause rhumatologique avait été mis en parallèle avec la nécessaire modernisation du matériel et en particulier la fin de la mise en service des autobus SC10 prévue pour la fin de l'année 2001, en retenant néanmoins que l'employeur n'avait pas eu conscience du danger encouru et, partant, n'avait pas manqué à son obligation de mettre en place les mesures nécessaires pour en préserver le salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5/ ALORS QU'en énonçant qu'il n'était donné aucun élément sur la réception par le CHSCT du courrier du 9 avril 2002 par lequel M. B..., machiniste-receveur, avait saisi le CHSCT à propos de douleurs lombaires et sciatiques engendrées selon lui par la conduite des autobus, sans examiner les courriers adressés à ce salarié à la suite de cette saisine, desquels il résultait que le CHSCT et, notamment le représentant de l'employeur y siégeant, avait reçu et traité ce courrier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6/ ALORS, de surcroît, QUE le fait qu'au jour où le juge statue, aucun autre salarié exerçant des fonctions similaires à celle de l'intéressé n'ait effectué une déclaration de maladie professionnelle identique à celle de ce dernier ne constitue pas un élément de nature à exclure que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé ; qu'en se fondant sur cet élément, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, violant de nouveau l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
7/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées, M. Y... faisait valoir que le procès-verbal de la réunion du CRE RATP du 28 juin 2000 faisait état de la nécessité de faire évoluer le tableau n° 97 des maladies professionnelles afin d'y inclure expressément la conduite des autobus de manière à permettre la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux affections du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences, ce dont il résultait que l'employeur était nécessairement informé des conséquences engendrées, à terme, par la conduite des autobus (conclusions, p. 19 et 20) ; ; qu'en ne répondant pas à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8/ ALORS, au demeurant, QU'étant constant que l'employeur avait, dès 1967 et à deux reprises en 1990, commandé des études sur les vibrations enregistrées sur les sièges des véhicules SC10, et qu'il avait, en 1998, lancé une étude épidémiologique portant notamment sur le métier de machiniste-receveur, la cour d'appel, en s'abstenant de rechercher si, compte tenu de son importance, de son organisation et de la nature de son activité, la RATP n'aurait pas dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé avant même d'avoir été spécialement avertie par un tiers sur les dangers générés par la conduite desdits véhicules, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, des articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail et de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
9/ ALORS, à tout le moins, QU'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de M. Y... faisant valoir que compte tenu de son importance, de son organisation, de la nature de son activité, et en particulier de l'ampleur de la population salariée occupant un poste de machiniste-receveur, la RATP n'avait pas accordé une vigilance suffisante sur les affections susceptibles de découler de la conduite des autobus (conclusions, p. 18 et 35), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile