CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. SAVATIER, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10255 F
Pourvoi n° C 17-15.342
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Julien Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2017 par la cour d'appel de Poitiers (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la Caisse de mutualité sociale agricole de la Vendée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 février 2018, où étaient présents : M. Savatier, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. Y..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD ;
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Compagnie d'assurances Allianz à payer à monsieur Y... la seule somme de 15.141 €, provisions de 22.000 € déduites, en réparation de son dommage, et notamment d'AVOIR limité à la somme de 12.000 € l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE ce poste vise à compenser une invalidité temporaire spécifique qui concerne uniquement les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à sa consolidation ; que l'évaluation doit être faite in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation ; que le premier juge a retenu comme base de calcul un revenu mensuel de 1.500 € relevant que monsieur Y... n'exerçait son activité de travailleur indépendant de pêcheur à pied que depuis peu et précisant que sur la période antérieure à la consolidation, monsieur Y... n'avait été en arrêt complet que pendant une très courte période et ne pouvait prétendre à un arrêt de travail total sur l'ensemble de la période considérée ; que cependant, il résulte de l'expertise du Docteur B... que monsieur Y... a déclaré n'avoir pu reprendre son activité professionnelle qu'au 1er mars 2010, ce qui est parfaitement compatible avec les blessures qu'il avait subies, sachant que sa profession de pêcheur à pied nécessite une certaine condition physique ; qu'il a donc été privé totalement de ressources pendant quasiment 8 mois et, en retenant comme le premier juge une base de revenu mensuel de 1.500 €, il peut être alloué à monsieur Y... la somme de 12.000 € (arrêt p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE monsieur Y... demande à être indemnisé de ce préjudice à hauteur de 16.000 € représentant la perte de revenus sur huit mois ; que monsieur Y... fait valoir qu'il était marin-pêcheur, activité ayant généré un revenu mensuel de 2345 € en décembre 2006, 2409 € en janvier 2009 et 6210 € en février 2009, qu'il a en mars 2009, décidé de s'installer à son compte en qualité de pêcheur professionnel à pied ; que monsieur Y... expose qu'en trois mois, il avait pêché des palourdes soit pour 7872 € et qu'il a ainsi, après déduction des frais, bénéficié d'un revenu supérieur à 2000 € par mois ; qu'Allianz IARD n'a présenté aucune offre de réparation en opposant que le préjudice allégué n'est pas démontré ; qu'il est établi que monsieur Y... exerce son activité de travailleur indépendant à pied, depuis peu, trois mois ; qu'il convient de rappeler que sur la période antérieure à la consolidation, monsieur Y... a été en arrêt complet pendant une très courte période ; qu'au regard de l'appréciation du déficit fonctionnel temporaire, à laquelle monsieur Y... adhère, il ne peut prétendre à un arrêt de travail total sur l'ensemble de la période ; que par ailleurs, le changement d'activité professionnelle de monsieur Y... ne permet pas de prendre en considération son niveau précédent de revenus en qualité de salarié ; qu'à retenir comme base de calcul un revenu mensuel de 1500 €, il est alloué à monsieur Y..., au regard des périodes visées au déficit fonctionnel temporaire, la somme de 4865 € (jugement p. 4) ;
ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, monsieur Y... réclamait une somme de 16.000 €, soit 2000 € par mois sur la base des revenus perçus durant les trois mois avant l'accident (7872 €) ; qu'il rappelait que la compagnie d'assurances du responsable de l'accident lui avait offert une indemnisation sur la base d'un revenu de 1900 € par mois ; qu'en retenant « comme le premier juge une base de revenu mensuel de 1500 € » sans nullement expliciter cette base de calcul, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Compagnie d'assurances Allianz à payer à monsieur Y... la seule somme de 15.141 €, provisions de 22.000 € déduites, en réparation de son dommage, et notamment d'AVOIR rejeté la demande de monsieur Y... au titre de la tierce personne ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE monsieur Y... conteste le rejet de sa demande d'indemnisation au titre du besoin d'assistance d'une tierce personne maintenant que ce besoin était de 10 heures par semaine et ce, de sa sortie de l'hôpital, le 15 juillet 2010 jusqu'au 15 octobre 2011, soit durant 64 semaines ; que toutefois, le premier juge a relevé que ce poste de préjudice n'avait pas été retenu par le Docteur B... qui notait, au contraire, que monsieur Y... avait très rapidement voulu être autonome, qu'il n'avait passé que deux ou trois jours chez sa mère à sa sortie d'hôpital puis avait préféré rentrer chez lui ; que c'est donc à juste titre que la demande présentée de ce chef par monsieur Y... a été rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE monsieur Y... sollicite, en l'espèce, l'allocation d'une indemnité de 8320 € calculée sur la base de 13 € de l'heure à raison de 10 heures par semaine et ce, dès sa sortie de l'hôpital, le 15 juillet 2010 au 15 octobre 2011 soit durant 64 semaines ; que monsieur Y... fait valoir que « sa mère venait tous les deux jours à son domicile pour faire l'entretien de la maison et les courses, qu'elle faisait également à manger quand il s'agissait de préparation de poisson ou de légumes, que l'entretien de la maison s'est poursuivi après le 21 octobre 2010 » ; que ce poste de préjudice n'a pas été retenu par le Docteur B..., laquelle a, au contraire, noté que monsieur Y... a très rapidement voulu être autonome ; qu'à sa sortie de l'hôpital, monsieur Y... est allé deux ou trois jours chez sa mère, laquelle l'a l'aidé une fois ou deux à faire sa toilette, puis monsieur Y... a préféré rentrer chez lui ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter la demande présentée à ce titre par monsieur Y... ;
ALORS QUE 1°), le montant d'une indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que l'état de santé de monsieur Y... avait, à sa sortie de l'hôpital, nécessité de passer quelques jours chez sa mère pour l'assister dans les tâches quotidiennes ; qu'en refusant dès lors d'allouer une quelconque indemnisation de ce chef, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
ALORS QUE 2°), dans son rapport d'expertise du 25 octobre 2010 (p. 2, production), le docteur B... avait, quinze mois après l'accident, constaté que la mère de monsieur Y... « vient tous les deux jours, encore actuellement pour s'occuper de l'entretien de la maison [pour lui faire] les courses car il n'a pas encore repris à conduire [et lui faire] à manger » ; qu'ainsi, au jour de son rapport, établi plus d'un an après l'accident, l'expert avait constaté le besoin d'assistance de la victime ; qu'en énonçant dès lors, pour rejeter toute indemnisation au titre de la tierce personne, que le Docteur B... avait noté que « monsieur Y... avait très rapidement voulu être autonome, qu'il n'avait passé que deux ou trois jours chez sa mère à sa sortie d'hôpital puis avait préféré rentrer chez lui », la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise du docteur B..., en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Compagnie d'assurances Allianz à payer à monsieur Y... la seule somme de 15.141 €, provisions de 22.000 € déduites, en réparation de son dommage, et notamment d'AVOIR rejeté la demande d'indemnisation de monsieur Y... au titre de l'incidence professionnelle ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE ce poste de préjudice vise à indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle ; qu'en l'espèce, monsieur Y... présente un déficit fonctionnel permanent de 9 % et l'expert a pu constater qu'il avait repris son activité professionnelle antérieure et toutes ses activités sans relever une incidence particulière quant à l'exercice de l'activité professionnelle étant précisé que les incidences normales ont été prises en compte par la réparation du déficit fonctionnel permanent évalué à 9 % ; que monsieur Y... produit divers certificats médicaux, du Docteur C..., le 22 janvier 2013, et du Docteur Z... le 25 avril 2013, mais ces médecins ne font que rapporter ses doléances, notamment le fait qu'il serait moins efficace en proportion de 50 %, sans toutefois objectiver d'une quelconque manière, par des éléments médicaux concrets, la réalité des troubles allégués ; que la décision querellée ne pourra donc qu'être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnisation d'une incidence professionnelle qui n'est pas démontrée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, monsieur Y..., qui présente un déficit fonctionnel permanent de 9% sollicite une indemnité réparatrice de 30.000 € ; que l'incidence professionnelle alléguée n'est pas démontrée par la production d'un certificat médical établi le 25 mars 2013 par le docteur Z... (jugement p. 5) ;
ALORS QUE 1°), le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, dans son rapport d'expertise du 25 octobre 2010 (p. 3 à 5, production), le docteur B... avait indiqué que monsieur Y... « garde un enraidissement du poignet et du pouce droit et surtout une fatigabilité et une lenteur par rapport à ce qu'il faisait avant et il a toujours des fourmillements et une hypoesthésie du pouce droit et du bord cubital de la main droite » ajoutant que « le travail est plus difficile qu'avant étant donné son membre supérieur droit moins fort et moins endurant, il va moins vite qu'avant » ; que l'expert avait ainsi expressément retenu une incidence de l'accident sur l'activité professionnelle de monsieur Y... ; qu'en énonçant, dès lors, que l'expert n'avait relevé aucune « incidence particulière quant à l'exercice de l'activité professionnelle », la cour d'appel a encore dénaturé le rapport d'expertise du docteur B... et a, de nouveau, violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause,
ALORS QUE 2°), le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le docteur C... avait, dans son rapport d'expertise médico-légale du 2 mai 2012, constaté qu'« à l'examen de ce jour du 2 mai 2012, monsieur Y... présente une force de préhension mesurée au dynamomètre qui est de 35 kg à droite, de 70 kg à gauche, elle est donc très diminuée compte tenu de la dominance droite, surtout chez un travailleur manuel » pour en conclure « qu'il existe une incidence professionnelle (...) en rapport direct et certain avec son accident du 5 juillet 2009 » ; que le médecin avait ainsi constaté par lui-même l'incidence professionnelle de l'accident sur l'activité de la victime, notamment par l'utilisation du dynamomètre ; qu'en retenant dès lors que le médecin ne faisait que « rapporter ses doléances (
) sans objectiver d'une quelconque manière, par des éléments médicaux concrets, la réalité des troubles allégués », la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise médico-légale du Docteur C... du 2 mai 2012 et a derechef violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.