CIV.3
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10163 F
Pourvoi n° P 17-13.213
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société SCCV Soppim Normandie 3, société civile de construction-vente, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2016 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Paulette X..., domiciliée [...] ,
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , 92076 Paris-La Défense cedex,
3°/ à M. Gérald Y..., domicilié [...] ,
4°/ à M. Bernard Z...,
5°/ à Mme Nicole Z...,
domiciliés [...] ,
6°/ à M. Serge A...,
7°/ à Mme Myriam A...,
domiciliés [...] ,
8°/ à M. André-Gilles B..., domicilié [...] ,
9°/ à M. Joël C...,
10°/ à Mme Véronique C...,
domiciliés [...] ,
11°/ à M. Alain D...,
12°/ à Mme Fabienne D...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Donne acte à la société SCCV Soppim Normandie 3 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est diriré contre M. Y..., M. et Mme Z..., M. et Mme A..., M. B..., M. et Mme C... et M. et Mme D... ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 février 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Bureau, conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société SCCV Soppim Normandie 3, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de M. Bureau, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SCCV Soppim Normandie 3 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SCCV Soppim Normandie 3 à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... et rejette les autres demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Soppim Normandie 3
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SCCV SOPPIM NORMANDIE 3 était mal fondée en ses demandes à l'encontre de Mme X... tant sur le fondement de l'abus de droit que sur le fondement des troubles du voisinage et d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Caen en date du 29 mars 2016 en ce qu'il avait débouté la SCCV SOPPIM NORMANDIE 3 de ses demandes tendant à voir condamner Mme X... à faire réaliser les travaux de consolidation du sol d'assise sous ses fondations, à l'indemniser de ses préjudices consécutifs à l'absence de reprise du chantier et à lui régler une indemnité pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « 2. Sur le fond : Il résulte des énonciations de l'arrêt de cette cour en date du 4 août 2014, rendu dans le litige ayant opposé la SCCV aux différents intervenants à l'acte de construire cette dernière, propriétaire de la parcelle cadastrée [...] , a projeté la construction d'un immeuble de 13 logements sur sous-sol au [...] . Il existait un immeuble ancien qui a été démoli puis ont été entrepris les terrassements en masse la dernière semaine de décembre 2010. L'inondation du fond de fouille au démarrage des travaux a mis en évidence, dès avant l'organisation de l'expertise judiciaire, que le projet de construction était en l'état inadapté à la nature du sous sol et qu'il convenait de le modifier, un problème de conception s'étant révélé. Courant janvier 2011, les voisins se sont plaints de dégradations sur leurs propriétés. Les désordres qui affectent les propriétés avoisinantes (fissurations intérieures et extérieures des immeubles, menaces d'effondrement décrites et photographiées au rapport chapitre V (pages 14 à 26) engagent la responsabilité du maître d'ouvrage en ce qu'ils sont consécutifs aux travaux que la SCCV a fait entreprendre sur la parcelle. Ils ont pour-origine l'exécution de la fouille en pleine masse dans un matériau sableux-caillouteux sans dispositions adaptées, avec le choix de la technique des parois berlinoises, parois qui n'ont pas été mises en oeuvre au moment opportun et ont été suivies d'un pompage de la nappe phréatique de manière totalement inadaptée (conclusions p 81). L'expert retient que les solutions mises en oeuvre par les constructeurs, tant pour le terrassement que pour le pompage, ne pouvaient que générer les désordres constatés : ils étaient donc prévisibles à partir du moment où leur mise en oeuvre a été décidée (rapport p 27). Sont donc en cause à la fois un problème de conception et un problème d'exécution. Le chantier a été totalement arrêté par le maître d'ouvrage à compter du 25 février 2011. Une expertise a été diligentée par le juge des référés et M. E... a déposé son rapport définitif daté du 17 mars 2015. Il reprend intégralement les termes de son rapport « étape 1 » déposé le 11 juin 2013 pour les chapitres Ill, IV, V, VI, VIII, IX, X, XI, XIV et XV, et adapte le chapitre VII afin de rendre compte de l'évolution alléguée des désordres dans la propriété des consorts F... / G... après le dépôt de ce rapport. Sur la base de ce rapport, la cour a chiffré le montant des dommages et intérêts à allouer au maitre d'ouvrage et statué sur les garanties. La cour a retenu que la parcelle dont s'agit est aujourd'hui constituée de sable remanié, rapporté au titre des mesures conservatoires tendant à reboucher la fouille, ce qui constitue un facteur défavorable à la reprise de la construction en reprenant la technique des parois berlinoises. Elle a en conséquence retenu le principe d'une reprise des fondations par la technique des pieux sécants. Si cette technique présente moins de difficultés de réalisation que celle des parois berlinoises, elle présente des risques pour les avoisinants, notamment lors de l'enlèvement des vestiges de fers et bois en place censés constituer les parois berlinoises (rapport p 34). Il subsistera toujours un risque lors de l'exécution de l'infrastructure, raison pour laquelle l'expert considère que les désordres actuels doivent être parfaitement maîtrisés car les constructeurs qui reprendront le chantier ne seront pas tous les constructeurs d'origine (Réponse à dire p 55). Dans sa note 4, datée du 27 novembre 2012, il indiquait qu'il n'avait pas pour mission d'ordonner la reprise du chantier et rappelait que les travaux ne pourront reprendre que dès lors que seront réalisés les travaux de déconstruction du bâtiment et du mur de clôture de M. H... ainsi que le confortement de l'infrastructure du bâtiment propriété de Mme X... ; 2.1. Sur l'appel principal : Se plaignant d'un trouble anormal de voisinage et/ou d'un abus de droit, la SCCV demande à la cour d'ordonner qu'il soit mis fin au trouble anormal subi par elle et à cette fin, de condamner Mme X... à faire réaliser les travaux validés par l'expert E... ou subsidiairement, ceux préconisés par ses conseils techniques, dans les deux cas sous astreinte et encore à défaut, de condamner Mme X... à justifier de la réalisation des travaux ou de la cessation du trouble par la transmission de la confirmation écrite d'un géotechnicien ou maître d'oeuvre, de la réalisation effective de travaux de confortement du sol d'assise sous fondations du bâtiment pour permettre de remettre la portance de sa maison dans son état initial. Elle indique que le refus de Mme X... de réaliser les travaux nécessaires au confortement de sa propriété constitue aujourd'hui le seul obstacle à la réalisation de son projet, en ce qu'elle dispose des fonds nécessaires. Mme X... fait valoir que le montant final des travaux est impossible à chiffrer, l'expert ayant indiqué que les travaux de reprise ne pourraient être envisagés qu'après un délai de 18 mois suivant l'éventuelle édification de la Villa de Nacre. Elle ajoute que la SCCV ne peut raisonnablement pas se prévaloir des propositions de prise en charge des travaux confortatifs préconisés par l'expert alors même qu'elle-même ne les a pas acceptés et que cette situation reste discutée entre les parties. Elle souligne que cette position n'est pas le résultat d'une lubie de sa part mais d'un conseil technique parfaitement réfléchi qui lui a été donné par un professionnel, lui-même parfaitement au fait des pratiques de l'expertise judiciaire et dont la compétence n'est pas remise en cause. Il convient d'observer que les demandes présentées contre Mme X... par la SCCV n'ont pas pour objet de réparer un dommage que Mme X... lui aurait occasionné, mais de prémunir le promoteur contre les risques inhérents à la reprise d'une construction menée jusque là sans que ne soient respectées les règles de l'art, risques qui ne peuvent être mesurés, ni dans leur ampleur, ni dans leurs conséquences. Les conditions d'engagement de sa responsabilité en tant que maître de l'ouvrage sont différentes des conditions d'engagement de sa responsabilité sur le fondement du droit commun ou sur le fondement des troubles de voisinage et elle ne saurait invoquer, dans ses relations avec ses voisins, l'absence de faute qui a été retenue dans ses relations avec les architectes et les entreprises pour s'exonérer de sa responsabilité vis à vis de l'intimée. En tout état de cause, aucune autorité de chose jugée résultant de l'arrêt précité ne saurait être opposée à Mme X... qui n'était pas partie à cette procédure et il n'est pas contesté par la SCCV qu'elle a causé à Mme X... un trouble anormal de voisinage dont elle lui doit réparation. Refuser, pour Mme X..., d'entreprendre sur sa propriété les travaux demandés par son voisin dans le seul dessein de permettre à celui-ci de limiter les risques auxquels son projet expose l'immeuble riverain, n'est pas constitutif d'un abus que Mme X... ferait de son droit de propriété et de nature à justifier sa condamnation à entreprendre tel ou tel travaux sur ce fondement. Cependant, l'exercice légitime du droit de propriété, comme l'absence de volonté de nuire à ses voisins, ne sont pas des motifs suffisants pour caractériser l'absence de trouble anormal de voisinage. Il n'y a trouble de voisinage qu'autant que le dommage causé à un voisin excède les inconvénients ordinaires du voisinage, quand bien même celui-ci serait-il inhérent à une activité licite et qu'aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause. La restriction qui résulte du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage ne saurait constituer une atteinte disproportionnée au droit protégé par la Convention européenne des droits de l'homme en tant qu'elle protège le droit de propriété – art. 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (pourvoi 02-16.303). Le refus de Mme X... de procéder à des travaux de reprise en sous-oeuvre de son immeuble n'est pas, de fait, de nature à interdire au promoteur de reprendre l'opération de construction. Il ne génère aucun risque pour l'immeuble à édifier et il n'est pas de nature à ralentir ou compromettre les travaux. Il ne prive pas la SCCV de son droit de jouissance. Rien ne permet d'établir que l'immeuble de Mme X... (rapport p 16, 23 à 25) présenterait un risque d'effondrement qui exposerait la SCCV à un trouble anormal de voisinage. Au cours de ses opérations l'expert n'a nullement interdit l'accès à cette propriété (à l'inverse de ce qu'il a recommandé pour la propriété F... G... : rapport p 25). Restera entière la question du droit à réparation de Mme X... si un dommage résulte de la reprise, dans ces circonstances, de l'opération de construction. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont dit que la SCCV ne peut se prévaloir de la théorie des troubles anormaux du voisinage pour porter atteinte au droit pour Mme X... de jouir de sa propriété de la manière la plus absolue. La décision sera confirmée en ce qu'elle a débouté la SCCV de ses demandes. Il n'y a pas lieu de donner acte à la SCCV de quoi que ce soit. Le donner acte, qui ne formule qu'une constatation, n'est pas susceptible de conférer un droit à la partie qui l'a requis et obtenu. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur des demandes dépourvues de caractère juridictionnel et la décision sera infirmée de ce chef ; 2.2. Sur l'appel incident ; 2.2.1. Sur l'interdiction de construire : Les premiers juges ont relevé à juste titre que le moyen tiré de l'inadaptation de l'immeuble au site ne peut être retenu dès lors que l'expert indique, sans que son avis ne soit utilement combattu, que la construction peut être reprise et qu'en tout état de cause, le risque zéro n'existant pas, les risques encourus par l'immeuble appartenant à Mme X... ne peuvent être prévus ni dans leur ampleur ni dans leurs conséquences. Mme X... ne saurait davantage priver la SCCV des attributs de son droit de propriété en demandant qu'il lui soit fait interdiction de reprendre l'édification de l'immeuble, motifs pris d'une perte d'ensoleillement, de vue et partant d'une de perte de valeur vénale de sa propriété. Mme X... sera en conséquence déboutée de cette demande et la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a ordonné une expertise, laquelle apparaît prématurée en l'état » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Il. Sur les demandes de la SCCV SOPPIM : A) sur le trouble anormal de voisinage : En vertu de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements. Il est par ailleurs de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. La SCCV SOPPIM soutient que le refus illégitime de Mme X... de procéder aux travaux de confortement du sol d'assise de sa maison lui cause un trouble anormal résultant de l'impossibilité de reprendre son opération immobilière et de la privation totale de son droit de construire et de jouissance de sa propriété. Il résulte du rapport d'expertise que l'affaissement du terrain côté parcelle [...] , consécutif aux travaux de terrassement, a entraîné sur la propriété de Mme X... les dégradations suivantes : - déstabilisation de la terrasse ainsi que de différents ouvrages extérieurs (regard, emmarchements) ; - déstabilisation de la modénature de briques au droit du balcon de l'étage ; - dégradation des joints du linteau en briques de la croisée du séjour ; - défaut de fonctionnement du portail ; - blocage de la baie de la chambre arrière ; - microfissures sur plafond du séjour. Mr E... estime que le confortement partiel du sol sous les fondations de l'immeuble X... est indispensable avant d'envisager l'édification de l'immeuble litigieux. Il précise que ces travaux de consolidation constituent non seulement la reprise des désordres subis, en redonnant au sol déstabilisé sa portance d'origine, mais également une valeur ajoutée pour son bien, étant observé que la SA ALLIANZ accepte de les prendre en charge. Au final, les travaux de remise en état sont chiffrés par l'expert à la somme de 41271,57 €, se décomposant comme suit : - 31271,57 € TTC (confortement du sol + maîtrise d'oeuvre) ; - 10.000 € (réparation des divers désordres évalués forfaitairement faute de chiffrage présenté par Mme X...). La défenderesse a accepté ce montant. Le choix de la méthodologie à adopter pour la reprise du sol sous fondations a donné lieu à une âpre discussion au cours des opérations d'expertise. S'agissant de, la parcelle de la SCCV SOPPIM, Mr E... a retenu la technique des pieux sécants, selon lui la plus adaptée pour préserver au mieux les avoisinants déjà affaiblis. Cette solution technique a été entérinée par la Cour d'appel. En ce qui concerne la propriété de Mme X... l'expert a de manière très argumentée, après avoir répondu aux nombreux dires des parties, rejeté la solution d'une reprise par micropieux preconisée par la défenderesse et son maître d'oeuvre, Mr I..., pour retenir la technique d'injection de résine expansive bi-composant selon le procédé URETEK. Il a expliqué les avantages de cette méthode. Il a aussi répondu techniquement, point par point, aux objections du conseil de Mme X... ainsi qu'aux interrogations posées par le juge des référés dans son ordonnance du 13 février 2014. Il suffit de se référer au rapport d'expertise pour se convaincre que la solution de reprise URETEK, validée tant par l'expert judiciaire que par le sapiteur géotechnicien (TECHNOSOL), la SOCOTEC et BTP CONSULTANTS, est adaptée à la situation. Pour autant, malgré l'absence de réserve de Mr E..., il est incontestable et admis par ce dernier que le risque zéro de trouble aux avoisinants n'existe pas. A cet égard, l'expert préconise d'effectuer, après achèvement de l'infrastructure au [...] , un nouvel état des lieux afin de déterminer d'éventuelles aggravations, voire l'apparition de nouveaux désordres cf rapport page 59). Mme X... se prétend ainsi légitime à ne pas exécuter les travaux de remise en état car ils permettraient la reprise de l'ouvrage par la SCCV SOPPIM, ce qui ferait courir un risque à sa propriété.
Un trouble est considéré comme anormal dès lors que la limite des inconvénients supportables entre voisins est franchie. En l'espèce, c'est la construction SOPPIM qui a été à l'origine d'un dommage excessif à l'immeuble de Mme X.... Le présent litige ne s'inscrit donc pas dans le cadre de relations ordinaires entre voisins. L'attitude de Mme X... répond au souhait légitime de protéger son bien, son droit de propriété, contre un programme immobilier qui lui a d'ores et déjà causé un sinistre. Ainsi, la situation de blocage dont se plaint la SCCV SOPPIM a pour origine sa propre responsabilité tenant à la mise en oeuvre d'un projet de construction inadapté à la nature du sous-sol et entaché d'un défaut de conception. Compte tenu de ces circonstances, le refus de la défenderesse d'exécuter les travaux confortatifs de son sol, même s'ils présenteraient pour elle un intérêt, ne constitue pas un trouble anormal de voisinage à l'égard de la SCCV SOPPIM. Il convient de rappeler que l'indemnisation des désordres subis n'est jamais conditionnée à l'exécution effective par la victime des solutions réparatoires. Seulement, dans ce cas de figure, Mme X... s'expose au risque de voir les dommages se perpétuer et s'aggraver sans pouvoir exercer un quelconque recours à l'encontre de la SCCV SOPPIM. S'agissant du moyen tiré de la privation du droit de construire et de jouissance, le Tribunal le considère comme non fondé. En effet, l'absence de reprise des fondations de l'immeuble X..., si elle est susceptible de compromettre la poursuite du projet SOPPIM, ne rend pas pour autant la parcelle inconstructible. La requérante a toujours la possibilité de modifier son programme et de réaliser un bâtiment adapté à la configuration des lieux, étant observé que Mr H... et la Commune de [...]ont pu entreprendre des travaux de reconstruction et de reprise des réseaux, à proximité du terrain de Mme X..., sans aggraver la situation. Dans ces conditions, la SCCV SOPPIM ne peut se prévaloir de la théorie des troubles du voisinage pour porter atteinte an droit pour Mme X... de jouir de sa propriété de la manière la plus absolue. Ses demandes présentées sur ce fondement sont donc rejetées. B) Sur l'abus de droit : La défense du droit de propriété ne peut en aucun cas dégénérer en abus. L'abus de ce droit suppose qu'un propriétaire use de ses biens, non dans son intérêt ou pour son agrément, mais uniquement en vue de causer un préjudice à son voisin. Il appartient à la SCCV SOPPIM de démontrer qu'en s'opposant aux travaux de consolidation préconisés par l'expert, Mme X... n'a d'autre but que de lui nuire. S'il est incontestable que la défenderesse souhaite empêcher la reprise du programme projeté, il apparaît néanmoins que sa résistance repose sur un motif légitime, à savoir la protection de son droit de propriété. En effet, elle a un intérêt à s'opposer à l'édification, en limite de sa parcelle, d'un immeuble collectif de 13 logements, d'une hauteur de 12 m sur 16 m de long, qui a déjà occasionné des dégâts à sa propriété et qui va nécessairement générer des nuisances (à tout le moins un préjudice esthétique et une perte de tranquillité), quand bien même elles ne seraient pas qualifiées d'anormales dans un contexte urbain. Elle a également un intérêt sérieux à vouloir préserver sa maison de tout risque de nouveau sinistre, ce malgré la fiabilité de la solution de reprise préconisée par Mr E.... Ce dernier indique qu'il ‘subsistera toujours un risque d'atteinte aux avoisinants tant que l'infrastructure ne sera pas totalement achevée'. Enfin, s'il est exact que le confortement de ses fondations mettrait fin aux désordres causés à son immeuble tout en lui apportant une valeur ajoutée, Mme X... reste libre de faire le choix qu'elle considère comme lui étant le plus favorable. Il ressort de ces éléments que l'attitude de la défenderesse n'est pas dictée par la malveillance, la volonté de nuire à la SCCV SOPPIM, mais qu'elle a pour finalité la préservation de ses intérêts de propriétaire. L'abus de droit n'est donc pas caractérisé. Dès lors, la SOPPIM, dont la construction a occasionné un trouble, ne saurait contraindre Mme X... à exécuter des travaux sur son propre fonds, en vue de la réalisation de son projet. Au regard de ce qui précède, la requérante est déboutée de ses demandes visant à voir condamner Mme X... à faire réaliser les travaux de consolidation du sol d'assise sous ses fondations, à l'indemniser de ses préjudices consécutifs à l'absence de reprise du chantier et à lui régler une indemnité pour résistance abusive. Il convient de lui donner acte de ce qu'elle dénie toute responsabilité "liée aux conséquences de la non réalisation des travaux sur la propriété X... en cas d'aggravation des dommages pour elle ou un tiers et du fait de la perpétuation du dommage résultant de l'absence de, reprise de l'ouvrage par la SCCV SOPPIM NORMANDIE 3". Sur les demandes reconventionnelles de Mme X... : A) sur l'interdiction de reprise des travaux : Mme X... sollicite qu'il soit fait interdiction à la SCCV SOPPIM de reprendre les travaux de construction à raison du trouble majeur que cela lui occasionnerait. Le moyen tiré de l'inadaptation de l'ouvrage au site ne peut être retenu dès lors que Mr E... a énoncé les solutions techniques qui permettraient la reprise du projet immobilier sans affecter les propriétés voisines. Si le risque zéro n'existe jamais en matière de construction, il ne peut ici être qualifié de majeur au regard de l'absence de réserve émise par l'expert tant sur les méthodes préconisées que sur la poursuite du chantier. Cela suppose bien évidemment que les travaux de confortement soient réalisés sur les deux propriétés en litige » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; qu'en l'espèce, pour juger que le refus de Mme X... de procéder à des travaux de confortement de l'infrastructure de sa maison ne constituait pas un trouble anormal de voisinage, la Cour d'appel ne pouvait affirmer que ce refus n'était pas, de fait, de nature à interdire à l'exposante de reprendre l'opération de construction (arrêt p. 7 § 8), après avoir elle-même constaté, par motifs propres et adoptés, que l'expert judiciaire avait indiqué dans son rapport que la réalisation des travaux de confortement de l'infrastructure de la maison de Mme X... était un préalable indispensable à la reprise de l'opération de construction projetée par l'exposante (arrêt p. 6 § 4 et jugement p. 2 § 10 et p. 4 § 4) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE pour juger que le refus de Mme X... de procéder à des travaux de confortement de l'infrastructure de sa maison ne constituait pas un trouble anormal de voisinage, la Cour d'appel ne pouvait affirmer que ce refus n'était pas, de fait, de nature à interdire, ralentir ou compromettre la reprise de l'opération de construction projetée par l'exposante (arrêt p. 7 deux derniers paragraphes), sans répondre au moyen de cette dernière qui faisait valoir qu'avant de reprendre l'opération de construction selon la méthode des pieux sécants préconisée par l'expert judiciaire, il était nécessaire de retirer les parois berlinoises qui avaient été implantées sur la propriété de Mme X... et que ces parois ne pouvaient être retirées tant que les travaux de confortement de l'infrastructure de sa maison n'avaient pas été réalisés (conclusions p. 26 et 28) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EGALEMENT SUBSIDIAIREMENT, QUE l'exercice du droit de propriété dégénère en abus lorsque n'étant justifié par aucune utilité appréciable en vue de satisfaire un intérêt sérieux et légitime, il a été inspiré par une intention malveillante ; qu'en l'espèce, pour juger que le refus de Mme X... de procéder à des travaux de confortement de l'infrastructure de sa maison n'était pas constitutif d'un abus de droit, la Cour d'appel ne pouvait affirmer, par motifs adoptés, que celle-ci avait un intérêt sérieux à vouloir préserver sa maison de tout risque de nouveau sinistre qu'engendrerait la reprise de l'opération de construction projetée par l'exposante (jugement p. 6 § 1 et 3), après avoir elle-même énoncé, par motifs propres et adoptés, pour rejeter la demande de Mme X... tendant à voir interdire la reprise de l'opération de construction, que la solution de reprise par des pieux sécants préconisée par l'expert judiciaire était adaptée et ne présentait pas de risque majeur pour son immeuble (arrêt p. 8 § 6 et jugement p. 6 § 11) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS, ENFIN, QUE l'exercice du droit de propriété dégénère en abus lorsque n'étant justifié par aucune utilité appréciable en vue de satisfaire un intérêt sérieux et légitime, il a été inspiré par une intention malveillante ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que « refuser, pour Mme X..., d'entreprendre sur sa propriété les travaux demandés par son voisin dans le seul dessein de permettre à celui-ci de limiter les risques auxquels son projet expose l'immeuble riverain, n'est pas constitutif d'un abus que Mme X... ferait de son droit de propriété » (arrêt p. 7 § 4), sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 31 à 38), si le refus de Mme X... n'était pas motivé par l'intention de nuire à l'exposante et dénué de tout motif légitime et sérieux ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.