SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10396 F
Pourvoi n° R 17-10.455
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Elie A... , société anonyme, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre), dans le litige l'opposant à M. Germain Y..., domicilié chez M. Serge Y...[...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 février 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, MM. Maron, Pietton, conseillers, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Elie A... , de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. Chauvet, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Elie A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Elie A... à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Elie A... .
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société Elie A... à verser à Monsieur Y... les sommes de 72 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE "l'article L.1235-7 du Code du travail dispose que : "Toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement" ;
QUE le délai de douze mois prévu par le second alinéa de l'article L.1235-7 du Code du travail n'est applicable qu'aux contestations susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
QUE la cour étant saisie de la cause et de la régularité d'un licenciement individuel pour motif économique, l'action de Germain Y... n'est pas soumise au délai prévu à l'article L.1235-7 du Code du travail ; qu'il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré dans ses motifs que la contestation de la régularité ou de la validité du licenciement de Germain Y... et les demandes liées ne pouvaient aboutir en vertu des dispositions de l'article L.1235-7 du Code du travail et, statuant à nouveau, de les déclarer recevables" ;
1°) ALORS QU'en déclarant être "
saisie de la cause et de la régularité d'un licenciement individuel pour motif économique" sans s'expliquer sur les conclusions de la Société Elie A... et les pièces produites aux débats (procès-verbaux de réunion de la DUP et du comité d'entreprise) dont il résultait que le licenciement de Monsieur Y... s'inscrivait dans un licenciement économique de sept salariés la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article L.1235-7 dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, "Toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement" ; que selon l'article L.1235-7-1, issu de cette même loi, les litiges concernant l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; que "le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation et, par les organisations syndicales et les salariées, à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance (
)" ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L.1235-7 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 ne peut concerner les litiges élevés pour absence ou insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, mais doit s'appliquer aux contestations de la cause réelle et sérieuse de licenciement économique ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société Elie A... à verser à Monsieur Y... les sommes de 72 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE "aux termes de l'article L.1232-6 du Code du travail, l'employeur qui décide de licencier un salarié doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; que le licenciement verbal, en l'absence de notification écrite de la rupture, est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
QUE Germain Y... a été convoqué le 13 mars 2012 au siège de la SA Elie A... où Frédéric A... es qualités lui a remis en main propre une lettre de convocation à l'entretien préalable à son licenciement ; qu'il affirme qu'à cette occasion, Frédéric A... lui a annoncé son licenciement, qui est ainsi survenu avant l'envoi de la lettre de licenciement, qui ne peut le régulariser ; que Germain Y... verse aux débats le procès-verbal d'audition de Frédéric A..., qui a été entendu par les services de la Caisse primaire d'assurance maladie le 21 août 2012 dans le cadre de son enquête administrative sur l'accident du travail du salarié ;
QU'aux termes de son audition, Frédéric A... reconnaît avoir convoqué personnellement Germain Y... et son collègue Monsieur B... pour leur annoncer que la société voulait fermer le magasin de [...] qui n'était plus rentable ; qu'il précise : "je voulais qu'ils entendent "ma" vérité pour éviter les phénomènes d'interprétation entre cette lettre et la fermeture. Je voulais qu'ils entendent les raisons à l'origine de cette fermeture : unité de temps et unité de lieu" ; que s'agissant des faits survenus le 13 mars 2012, Frédéric A... déclare avoir informé Germain Y... de sa décision de fermer le magasin de [...] et lui avoir propose de reprendre le fonds de commerce pour l'euro symbolique, ce que le salarié a refusé ; que Frédéric A... reconnaît alors avoir souligné son expérience professionnelle et l'avoir invité à voir chez leurs fournisseurs car Germain Y... avait la possibilité de rebondir en raison de son refus de s'installer à son compte ; qu'il précise que Germain Y... n'a pas compris sa décision, qu'il trouvait absurde ; qu'il a expressément reconnu avoir dit à Germain Y... que le magasin allait fermer, qu'il ne serait pas gardé, qu'il avait les compétences pour trouver un emploi n'importe où ;
QU'en indiquant expressément à Germain Y... la fermeture du magasin dans lequel il travaillait, en lui proposant de reprendre le fonds de commerce à son compte personnel et en lui notifiant expressément qu'il ne pouvait pas le garder, Frédéric A... a notifié verbalement sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail le 13 mars 2012 lors de la remise de la convocation à entretien préalable ;
QUE la décision prise dès le 13 mars 2012 par l'employeur de licencier le personnel est confirmée par Monsieur C..., qui a été convoqué par Frédéric A... le même jour, juste avant Germain Y... ; qu'il confirme que ce dernier lui a annoncé sans ménagement son licenciement économique ; qu'Hélène D... atteste que Gilles B... avec lequel elle a travaillé plusieurs années lui a téléphoné le 15 mars 2013 et lui a alors annoncé qu'il venait d'être soudainement licencié par la SA Elie A... ainsi que son responsable de service Germain Y... ;
QUE ces éléments établissent ainsi que Frédéric A... a expressément notifié verbalement à Germain Y... son licenciement économique et sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail lors de la remise de la convocation à l'entretien préalable ; que le licenciement de Germain Y... étant ainsi intervenu avant l'entretien préalable, il convient de le déclarer sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens (
)" ;
ALORS QUE le licenciement est l'acte unilatéral par lequel l'employeur manifeste de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que ne caractérise pas une telle volonté claire et non équivoque la cour d'appel qui se borne à constater que le représentant légal de la société employeur a indiqué au salarié en lui remettant sa convocation à l'entretien préalable sa décision de fermer l'établissement et le fait "qu'il ne pouvait pas le garder", de tels propos caractérisant uniquement l'annonce au salarié de l'arrêt de l'exploitation d'une branche d'activité et la suppression de son poste de travail, sans exclure la recherche d'un reclassement, mentionnée comme étant en cours par la lettre de convocation ; qu'en considérant néanmoins que ce comportement de l'employeur aurait caractérisé une volonté de rompre le contrat de travail constitutive d'un licenciement verbal, la cour d'appel a violé les articles L.1221-1, L.1233-3, L.1233-4 et L.1233-15 du Code du travail, ensemble l'article 1134 devenu 1103 et 1104 du Code civil.