COMM.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10170 F
Pourvoi n° Y 16-24.304
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Alain Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 9 juin 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre C), dans le litige l'opposant à la société Crédit Lyonnais, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, Mme A..., avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Ortscheidt, avocat de M. Y..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit Lyonnais ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le CREDIT LYONNAIS n'a pas manqué à son devoir de mise en garde et, en conséquence, condamné Alain Y... à payer au CREDIT LYONNAIS les sommes suivantes : au titre de l'engagement du 9 décembre 2009 en garantie de l'avenant au contrat d'un prêt d'équipement et dans la limite de 200.404,12 euros, la somme de 115.094,65 euros outre intérêts au taux de 5,05 % l'an majoré de 3 points ; au titre de l'engagement du 9 décembre 2009 garantissant la caution donnée par le CREDIT LYONNAIS au titre des loyers et dans la limite de 115.000 euros, la somme de 31.215,60 euros, outre intérêts au taux de 4% l'an majoré de 3 points ; au titre de l'engagement du 4 mars 2010 en garantie du contrat de prêt de 700.000 euros et dans la limite de 800.000 euros (somme mentionnée en lettres), la somme de 576.626,10 euros outre intérêts au taux de 4% l'an majoré de 3 points ; au titre de l'engagement de caution du 30 avril 2010 en garantie d'une ligne d'aval, la somme de 80.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2012 ; au titre de l'engagement de caution à objet général du 2 juillet 2010, la somme de 150.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2012 ; au titre de l'engagement de caution du 17 août 2010 garantissant la caution donnée à la société G STAR, la somme de 80.178,76 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2012 ;
AUX MOTIFS QU'Alain Y... reproche encore au Crédit Lyonnais d'avoir manqué à son devoir de mise en garde envers lui, tant en sa qualité de dirigeant de la société SLB Diffusion, que de caution ; qu'il soutient à cet égard qu'il doit être considéré comme une caution non avertie et non impliquée dans la direction de la société SLB Diffusion ; qu'il est constant que ce n'est qu'envers un emprunteur non averti et une caution non avertie et s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt qu'un établissement de crédit est tenu d'une obligation de mise en garde ; qu'il convient tout d'abord d'observer que le manquement de la banque à son devoir de mise en garde ne se résout pas comme le soutient Alain Y... par l'inopposabilité des engagements de caution, mais par l'allocation de dommages intérêts qu'Alain Y... ne sollicite pas en l'espèce ; qu'il convient néanmoins de rechercher s'il est fondé à se prévaloir de sa qualité de caution non avertie ; que des pièces produites par le Crédit Lyonnais, il ressort que l'activité professionnelle d'Alain Y... est depuis de nombreuses années orientée vers le commerce ; qu'il a dirigé des sociétés anonymes dont l'activité était le commerce de véhicules automobiles (la société VAB, la société Rabatau Automobiles), il ne conteste pas qu'il exerce de nombreux mandats sociaux au sein de différentes SCI, il dirige la société Financière Alain Y... au capital de 1.682.274 euros qui selon ses propres indications exerce son activité principale dans le domaine de la promotion immobilière, et il est gérant de la SCI Bou.Carres qui loue des terrains et autre biens immobiliers ; que contrairement à ce qu'il suggère, la société SLB Diffusion n'a pas été créée en 2009 pour faire du commerce de vêtements en ligne, mais son immatriculation remonte au mois d'octobre 2008 ; que l'activité de la société était alors la vente de produits textiles se rapportant à l'habillement ; qu'Alain Y... en a été le gérant jusqu'en 2011 et la société Financière Alain Y... est l'un des trois associés ; que lorsque la société SLB Diffusion a décidé en 2009 de réorienter son activité vers le commerce en ligne, Alain Y... qui a une vaste et longue expérience dans le domaine des affaires, disposait de toutes les compétences pour appréhender les risques liés à l'opération ainsi que les risques attachés à ses engagements, peu important qu'il n'ait pas oeuvré précédemment dans ce type de commerce ; qu'il doit être considéré comme une caution avertie envers laquelle le Crédit Lyonnais n'était tenu à un devoir de mise en garde ; qu'il ne soutient et a fortiori ne démontre pas que la banque disposait sur la société qu'il dirigeait depuis 2008, d'informations que lui-même ignorait ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le Crédit Lyonnais n'a pas respecté son devoir de mise en garde envers Alain Y... ;
1°) ALORS QUE le banquier dispensateur de crédit est tenu de mettre en garde la caution non avertie sur les risques de son engagement ; qu'est non avertie la caution qui, bien que dirigeante, n'est pas impliquée effectivement dans la gestion de la société ; qu'en jugeant que Monsieur Y... doit être considéré comme une caution avertie, sans répondre aux conclusions de ce dernier (p. 15) faisant valoir qu'il « n'était ni impliqué ni engagé dans l'exploitation financière et commerciale de SLB DIFFUSION » malgré sa qualité de dirigeant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que Monsieur Y... faisait valoir, dans ses dernières conclusions d'appel (p. 15-16) que les difficultés financières de la société SLB DIFFUSION trouvaient leur origine « dans le caractère non viable de l'activité que la banque connaissait parfaitement pour avoir été le financeur de la société LE CLUB DES MARQUES, société venderesse du fonds de commerce » ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur Y... « ne soutient et a fortiori ne démontre pas que la banque disposait sur la société qu'il dirigeait depuis 2008, d'informations que lui-même ignorait », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de Monsieur Y..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Alain Y... de sa demande de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'invoquant un lien de causalité entre le soutien abusif du Crédit Lyonnais et l'aggravation du passif de la société SLB Diffusion, Alain Y... sollicite le paiement de la somme de 1.033.115,11 euros à titre de dommages intérêts ; que bien qu'aucune des parties n'argumente sur ce point, il convient de rappeler les dispositions d'ordre public de l'article L 650-1 du code de commerce en vertu desquelles lorsqu'une procédure collective est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si des garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci, qu'Alain Y... ne soutient nullement dans ses conclusions que le Crédit Lyonnais a eu une attitude renversant le principe de non responsabilité édicté par ce texte ; qu'en toute hypothèse, la société SLB Diffusion était créée depuis plus d'un an lorsqu'elle s'est orientée vers le commerce en ligne et aucune des pièces produites par l'intimé ne corrobore ses affirmations selon lesquelles "les chances de survie de la société SLB Diffusion étaient déjà définitivement compromises" ; que d'ailleurs, ce n'est que le 29 avril 2011, soit un an après la réorientation de l'activité, que la société SLB Diffusion a sollicité la nomination d'un mandataire ad hoc en indiquant dans sa requête : "le site Internet de la société SLB Diffusion n'a pas été aussi performant que ce qui avait été prévu. (...) Cependant les dirigeants de la société SLB Diffusion certifient qu'à ce jour, la société n'est pas en état de cessation des paiements." ; que suivent des précisions concernant le plan de restructuration élaboré par Y..., ce qui démontre s'il en était besoin, le rôle actif qu'il avait dans le fonctionnement de la société ; que le Crédit Lyonnais n'est en rien responsable de l'incapacité de la société SLB Diffusion à développer son chiffre d'affaires comme prévu et à réaliser les marges espérées ; que l'argumentation d'Alain Y... sur la responsabilité de la banque ne peut prospérer ; qu'enfin, il ne peut être fait grief au Crédit Lyonnais d'avoir assigné Alain Y... en paiement pour obtenir l'exécution des engagements de caution pris par lui ; qu'il sera débouté de sa demande de dommages intérêts ;
1°) ALORS QUE le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office l'application de l'article L. 650-1 du Code de commerce, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le banquier dispensateur de crédit engage sa responsabilité pour soutien abusif de crédit lorsqu'il accorde des crédits à une entreprise dont il connaît, au jour du crédit, la situation irrémédiablement compromise, ou lorsqu'il adopte une politique de crédits ruineux pour l'entreprise ; que pour écarter la responsabilité du CREDIT LYONNAIS, la cour d'appel a relevé que « ce n'est que le 29 avril 2011, soit un an après la réorientation de l'activité, que la société SLB Diffusion a sollicité la nomination d'un mandataire ad hoc » et que Monsieur Y... avait eu un « rôle actif dans le fonctionnement de la société » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la responsabilité du CREDIT LYONNAIS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige, devenu 1231-1 du même code ;
3°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Monsieur Y... faisant valoir que « quelques mois à peine après l'exploitation, et comme cela ressort du bilan de la société SLB DIFFUSION arrêté au 30/09/2010, le résultat d'exploitation à cette période était négatif soit (495.175 euros) et les pertes d'exploitation s'élevaient à (769.950 euros) » (dernières conclusions d'appel de Monsieur Y..., p. 24), la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE Monsieur Y... soutenait que la banque avait « rompu brutalement les pourparlers menés avec la société SLB » en décidant « sans raison et sans préavis de mettre un terme [aux] négociations [devant] aboutir à un règlement transactionnel » (dernières conclusions d'appel de Monsieur Y..., p. 27 et 29) ; qu'en jugeant qu' « il ne peut être fait grief au Crédit Lyonnais d'avoir assigné Alain Y... en paiement pour obtenir l'exécution des engagements de caution pris par lui », quand l'exposant ne reprochait pas au CREDIT LYONNAIS de l'avoir assigné en paiement, mais d'avoir rompu brutalement les pourparlers engagés en vue d'aboutir à un règlement transactionnel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de Monsieur Y..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la rupture abusive des pourparlers transactionnels entraîne la responsabilité civile de l'auteur de la rupture ; qu'en déboutant Alain Y... de sa demande de dommages intérêts pour rupture abusive des pourparlers transactionnels, motif pris qu'il ne peut être fait grief au Crédit Lyonnais d'avoir assigné Alain Y... en paiement pour obtenir l'exécution des engagements de caution pris par lui, sans rechercher si le CREDIT LYONNAIS n'était pas l'auteur d'une rupture abusive des pourparlers transactionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, devenu 1240 du même code.