SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme GOASGUEN, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10385 F
Pourvoi n° G 16-21.300
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 février 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Antinea 76 gardiennage, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 mai 2016 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Arnaud Y..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 2018, où étaient présentes : Mme Goasguen, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Antinea 76 gardiennage, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Antinea 76 gardiennage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Antinea 76 gardiennage à payer la somme de 276 euros à M. Y... et la somme de 2 724 euros à la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Antinea 76 gardiennage.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR jugé que le contrat de travail à durée de M. Y... n'était pas un contrat à durée indéterminée « de chantier », que son licenciement ne pouvait donc être motivé pour fin de chantier et qu'il était ainsi sans cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la société Antinea 76 gardiennage à verser à M. Y... 9 000,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en plus des indemnités de licenciement et de préavis, mais aussi d'avoir ordonné à la société de rembourser à l'Assedic Pôle emploi les indemnités qu'elle a versées à M. Y... dans la limite de 6 mois d'indemnités,
AUX MOTIFS PROPRES QUE, le 10 mars 2011, la société Antinea 76 gardiennage faisait signer à M. Y... un contrat de travail dit « contrat à durée indéterminée de chantier » en qualité d'agent de sécurité, l'achèvement du chantier constituant, aux termes du contrat, une cause de licenciement, le contrat étant soumis à l'application de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité privée ; la société Antinea 76 gardiennage verse le contrat de prestation de service qu'elle a signé le 18 décembre 2009 avec la société Quille pour cette surveillance et la lettre de résiliation du contrat de prestation du 3 janvier 2013 de cette entreprise pour le 30 mars 2013 ; M. Y... était affecté à la surveillance de nuit de la base vie de la société Quille sur le site de construction de l'EPR. Le 8 février 2013, la société Antinea 76 gardiennage informait M. Y... de l'issue de son contrat au 30 mars 2013 en raison de la rupture du contrat de prestation de service avec la société Quille et entamait la procédure de licenciement ; elle lui proposait le 28 mars 2013 « deux postes en Seine Maritime, soit l'usine Citron, commune de Rogerville à 10 km du Havre soit un C.D.I de 35 heures avec les mêmes conditions » en lui demandant de répondre dans les plus brefs délais. Le 2 avril 2013, M. Y... refusait la proposition de son employeur. Le 8 avril 2013, elle le licenciait pour « fin de chantier ». Il apparaît que rien dans le contrat de travail de M. Y... ne mentionnait la réalisation d'un chantier particulier et d'ailleurs, l'employeur se réservait le droit de l'affecter suivant l'évolution des sites ou des contrats des clients ; ce contrat de travail a été inexactement qualifié de « contrat à durée indéterminée de chantier » puisque l'entreprise n'appartient pas aux entreprises habituellement concernées par cette pratique (entreprise des secteurs du bâtiment et des travaux publics, la réparation navale, le cinéma, l'aéronautique et la construction mécanique) et que le secteur d'activité du gardiennage et de la sécurité ne peut être concerné, la convention collective applicable ne le prévoyant pas et la société Antinea 76 gardiennage n'invoquant aucun accord d'entreprise ou de branche l'ayant envisagé ; dès lors, la «fin du contrat de prestation de service » de gardiennage entre l'employeur et l'entreprise où s'exécute le contrat du salarié ne pouvait être qualifiée de «fin de chantier » ; en conséquence, le motif du licenciement de M. Y... ne pouvait être une «fin de chantier » et il convient de confirmer le jugement entrepris pour les motifs pertinents que la cour adopte et qui a conclu que le licenciement de M. Y... était sans cause réelle et sérieuse ; M. Y... sollicite la confirmation de la condamnation de la société Antinea 76 gardiennage à lui verser une indemnité compensatrice de préavis qui n'est pas contestée par l'employeur, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire et réclame la confirmation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 9 000 euros. Si la société Antinea 76 gardiennage n'est pas contestée par M. Y... dans son affirmation d'occuper moins de 11 salariés, il apparaît dans l'attestation Pôle emploi que la société Antinea 76 gardiennage avait mentionné la présence de 34 salariés dans l'entreprise de sorte qu'il convient de retenir ce chiffrage au 8 avril 2013 ; M. Y... indique avoir très mal supporté son licenciement, considérant qu'il a fait l'objet d'une mesure injuste et expose qu'il est resté plusieurs mois sans emploi avant de retrouver un emploi dans une entreprise de travail temporaire et justifie avoir perçu des allocations de retour à l'emploi entre le 13 mai 2013 et le 30 juin 2013 puis du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2013, en juin et décembre 2014 quasiment constamment, sans donner connaissance à la cour de sa situation entre les périodes intermédiaires et au-delà du 31 décembre 2013; compte tenu de ces éléments et des autres connus (son âge lors de la rupture (32 ans), son ancienneté dans l'entreprise (2 ans) et le montant de son salaire (1 490 euros), la cour évalue son préjudice à la somme de 9 000 euros justement fixée par le conseil de prud'hommes. La société Antinea 76 gardiennage qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à M. Y... la somme supplémentaire de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
et AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, Sur le contrat de travail à durée indéterminée de chantier Le contrat de chantier est celui par lequel un employeur engage un salarié en lui indiquant dès l'embauche que le louage de service est exclusivement lié à la réalisation d'un ouvrage ou de travaux précis mais dont la durée ne peut être préalablement définie avec certitude. Le contrat de chantier est un contrat à durée indéterminée particulier. II permet, en effet, de mettre un terme au contrat de travail lorsque le chantier pour lequel il a été conclu est fini. Et il faut bien que ce soit le chantier qui soit terminé, pas uniquement la mission du salarié. De cela, il découle que sur le contrat de chantier obligatoirement écrit, doit figurer impérativement le lieu précis du chantier, la nature du poste pour lequel le salarié a été embauché et la durée prévisible de la mission du salarié sur le chantier. Le contrat de travail de Monsieur Arnaud Y... indique en son article 2 intitulé "Définition de la mission" « ... Il est expressément entendu que cette mission pourra être modifiée en fonction des nécessités ou possibilités d'affectation par rapport à révolution des sites et des contrats des clients, sans constituer une modification substantielle du présent contrat ». En son article 4 intitulé "Lieu de travail", il est indiqué « vos lieux de travail sont ceux des clients de l'établissement, tels qu'ils résultent de votre planning prévisionnel ou modifié pour la nécessité de l'entreprise, les sites pourront être ceux d'un ou plusieurs clients et vous pourrez être affecté indifféremment, successivement ou alternativement sur l'un ou quelconque des sites de la société ANTINEA 76 dont elle a la charge, en fonction des nécessités de l'entreprise dans l'urgence et priorités de service et d'organisation justifiées par la vocation et la nature des prestations demandées ». Il est ainsi remarqué que le contrat de travail ne comporte ni le lieu, ni le nom du chantier et la durée prévisible de la mission du salarié sur le chantier. Il est noté, également, la souplesse d'affectation que se réserve la société ANTINÈA 76 en dehors de toute référence précise au chantier pour lequel Monsieur Arnaud Y... a été embauché. Le courrier de l'entreprise QUILLE construction du 3 janvier 2013 met un terme au contrat de prestation de gardiennage conclu le 18 décembre 2009. Il n'indique nullement la fin d'un quelconque chantier en contradiction avec ce qu'indiqué le courrier de ANTINEA 76 à son salarié le 8 février 2013. De tout cela, il est dit que Monsieur Arnaud Y... bénéficie d'un contrat à durée indéterminée ordinaire non lié à un chantier. Sur le licenciement La lettre de licenciement fixe les limites du débat, elle indique comme unique objet « licenciement fin de chantier ». Le contrat à durée indéterminée de Monsieur Arnaud Y... n'étant pas lié à un chantier bien défini, les motifs invoqués par la société ANTINEA 76 gardiennage dans la lettre de licenciement n'ont pas de base légale et seront écartés. Le licenciement de Monsieur Arnaud Y... est donc considéré comme non réel et sérieux. En application de l'article L1235-3 du Code du Travail, le défendeur est condamné à verser à Monsieur Arnaud Y... une indemnité de 9 000 euros. Sur le préavis L'article 9 de l'annexe IV de la CCNT des entreprises de prévention e de sécurité prévoit en cas de rupture du fait de l'employeur pour un salarié de niveau 3 ayant plus de deux ans d'ancienneté un délai congé de deux mois. Ce délai congé n'a pas été respecté par le défendeur, la société ANTINEA 76 gardiennage est condamnée à verser à ce titre ; Monsieur Arnaud Y... la somme de 2 500 €,
1° - ALORS, d'une part, QUE un contrat peut être conclu pour la durée d'un chantier dans tous les secteurs d'activités, sous la seule réserve que l'entreprise exerce une profession pour laquelle la rupture pour fin de chantier est de pratique habituelle ; que pour juger que le contrat de M. Y... n'était pas un contrat de chantier mais un contrat à durée indéterminée ordinaire, la cour d'appel a affirmé que l'entreprise n'appartient pas aux entreprises habituellement concernées par cette pratique (des secteurs du bâtiments et travaux publics, la réparation navale, le cinéma, l'aéronautique et la construction mécanique) et que le secteur d'activité du gardiennage et de la sécurité ne peut être concerné, aucune convention collective ne le prévoyant ; qu'en se référant à une liste limitative et figée de secteurs et en exigeant, à défaut, la prévision d'une convention collective, alors qu'il lui revenait de rechercher si la rupture de fin de chantier n'était pas une pratique habituelle pour la surveillance des sites pris en charge par la société Antinea, la cour d'appel a violé l'article L.1236-8 du code du travail,
2° - ALORS, d'autre part, QUE contrairement au contrat à durée déterminée, la loi ne subordonne la validité du contrat à durée indéterminée de chantier à aucune condition de forme particulière, les juges devant uniquement s'assurer que, au moment de l'embauche, l'employeur a mis le salarié en mesure de savoir avec suffisamment de précision que son contrat a été conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés ; que pour juger que le contrat de M. Y... n'était pas un contrat de chantier, la cour d'appel a aussi affirmé que rien dans le contrat ne mentionnait la réalisation d'un chantier particulier ; qu'en statuant ainsi alors qu'il n'était pas contesté que la page 1 du contrat stipulait par une clause reprise de façon manuscrite par M. Y..., que « M. Y... a connaissance du sens précis d'un contrat de travail à durée indéterminée de chantier, que cette situation est temporaire et précise, l'achèvement du chantier constitue une cause de licenciement
», la cour d'appel a violé, par motifs propres et adoptés, l'article L.1236-8 du code du travail,
3° - et ALORS encore QUE, la validité du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d'un chantier est subordonnée à l'existence dans le contrat de travail ou la lettre d'embauche, ou un autre document remis au salarié, d'une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés ; que pour juger que le contrat de M. Y... n'était pas un contrat de chantier, la cour d'appel a aussi affirmé que le contrat de M. Y... ne mentionnait pas la réalisation d'un chantier particulier et que d'ailleurs, l'employeur se réservait le droit de l'affecter suivant l'évolution des sites ou des contrats des clients ; qu'en statuant ainsi, alors que le contrat peut être conclu pour plusieurs chantiers, la cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'imposaient de ses propres constatations et violé l'article L.1236-8 du code du travail,
4° - ALORS également QUE, la validité du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d'un chantier suppose seulement que le salarié ait été mis en mesure de déterminer avec précision le ou les chantiers pour lesquels il a été embauché ; que pour juger que le contrat de M. Y... n'était pas un contrat de chantier, la cour d'appel a aussi affirmé que le contrat de M. Y... ne mentionnait la réalisation d'un chantier particulier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si par l'article 5 du contrat - qui précisait que l'entreprise Quille était donneur d'ordre - ou par les plannings qui lui étaient systématiquement notifiés - à savoir pour une seule affectation, celle de la surveillance du cantonnement Quille sur le chantier EPR de Flamanville - M. Y... n'avait pas été en mesure de connaitre précisément le ou les chantiers déterminés sur lesquels il était affecté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1236-8 du code du travail ;
5° - et ALORS enfin et à supposer les motifs adoptés QUE, la résiliation par une société donneuse d'ordre du contrat de prestation de service, en l'occurrence d'un chantier de gardiennage, qu'elle avait confié à une autre société justifie que celle-ci licencie son salarié pour fin de chantier ; que pour juger que la société Antinea 76 gardiennage n'avait pu licencier M. Y... pour fin de chantier, les premiers juges ont également affirmé que le courrier de l'entreprise Quille construction du 3 janvier 2013 met un terme au contrat de prestation de gardiennage conclu le 18 décembre 2009, mais n'indique nullement la fin d'un quelconque chantier en contradiction avec ce qu'indique le courrier de Antinea 76 à son salarié le 8 février 2013 ; qu'à supposer ces motifs adoptés, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L.1236-8 du code du travail.