SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme B..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10338 F
Pourvoi n° T 16-21.976
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Geneviève C..., domiciliée [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pierce et Elliott X...,
contre l'arrêt rendu le 8 juin 2016 par la cour d'appel de [...] B, chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Christian Y..., domicilié [...] ,
2°/ à l'AGS CGEA Toulouse, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2018, où étaient présents : Mme B..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Mme C..., ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme C..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme C..., ès qualités, et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme C..., ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré valable la transaction conclue le 8 janvier 2009 entre M. Y... et la société Pierce et Elliot X..., d'AVOIR dit qu'en exécution de cette transaction, il restait dû à M. Y... la somme de 86 000 €, d'AVOIR fixé sa créance à la liquidation judiciaire de la société à cette même somme et d'AVOIR ordonné la délivrance par le liquidateur d'un bulletin de paie et d'une attestation pôle emploi conforme à la transaction,
AUX MOTIFS PROPRES QU'au fond les conclusions de rejet du liquidateur et de l' AGS reposent sur la déclaration judiciaire du caractère satisfactoire de la partie du paiement faite par compensation et tendent ainsi à la réfaction de la transaction ; que cependant celle-ci ne peut pas être faite en la matière où, d'une part, aucune appréciation ni modification des concessions réciproques ne peut objectivement intervenir alors qu'aucune équivalence ni proportion entre celles-ci n'est requise à la validité de la convention seulement subordonnée à leur caractère non dérisoire ou inexistant, cas non réalisé en l'espèce, et où, d'autre part, elle affecterait la validité même de la transaction que les parties ont assortie d'une clause d'indivisibilité par la condition résolutoire du non-respect par l'une ou l'autre de son engagement à peine de nullité de l'acte entier au seul effet de la partie dont la créance n'a pas été respectée, condition valide comme non potestative puisque la faculté unilatérale de demander la nullité, elle-même licite, est ouverte au créancier de l'obligation inexécutée et non au débiteur de celle-ci ; que par ailleurs ces mêmes conclusions n'ont pas pour objet la nullité ou l'inopposabilité de la transaction pour fraude même si les faits et présomptions avancés peuvent être interprétées comme mettant en cause celle-ci, laquelle n'est évoquée par le liquidateur comme ci-dessus précisé qu'au titre d'une éventuelle action paulienne sur sa demande subsidiaire d'expertise ; qu'il en est ainsi d'une lettre de licenciement remise en main propre, d'une indemnité transactionnelle globale très importante correspondant à 20 mois de salaire pour quatre ans d'activité - soit près de 80 % des demandes faites devant la juridiction prud'homale, de la connaissance par M. Y... des difficultés financières de la société (article de presse du 17 mars 2011 sur le défaut de paiement de tous les artisans locaux depuis le mois de mars 2009), un long délai de paiement de la partie en numéraire, l'absence de mise en demeure de payer ce numéraire non réglé à la date prévue du 31 décembre 2009, la correspondance du montant du paiement par compensation avec l'intégralité du prix TTC de la construction du chalet (95 154 euro) malgré les travaux déjà réalisés, et même une vraisemblable minoration de cette contrepartie au regard de la valeur locale de vente du même type de chalet, une enquête préliminaire sur ce « montage » ; que la mesure d'instruction demandée sur les travaux exécutés et la valeur de la construction et de l'immeuble lui-même n'est pas de nature, dans le cadre du débat ainsi lié et que le juge ne peut pas modifier, à avoir une incidence sur la résolution du litige ; que le sursis à statuer demandé à titre subsidiaire ne peut pas se justifier sur la dernière base d'un courriel du ministère public du 16 septembre 2015 annonçant qu'il n'a pas été encore procédé à l'étude du dossier de sorte qu'aucune décision n'est encore intervenue ; qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement entrepris, par motifs en partie substitués ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes des dispositions de l'article 2044 du code civil, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit » ; que l'article 2052 du même code ajoute que les transactions ont, en, parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion ; qu'il résulte de ces dispositions que la transaction, contrat par lequel les parties entendent mettre fin à une contestation née ou à prévenir une contestation à naître, à mettre fin au litige pouvant résulter de la rupture du contrat de travail, nécessite, pour sa validité, des concessions réciproques dont l'existence doit s'apprécier en fonction des pré/entions des parties au moment de la signature de la transaction ; qu'il n'en demeure pas moins que le juge, amené à statuer sur la validité d'une transaction, doit apprécier l'existence, dans l'acte, des concessions que se sont faites chacune des parties ; que ce sont ces concessions qui conditionnent cette validité ; que ceci ne veut pas dire que le juge doit rechercher, en se livrant à un examen des preuves, si ces prétentions étaient ou non justifiée ; qu'il peut, néanmoins, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction et, afin de déterminer le caractère réel ou non des concessions contenues dans cet acte, se fonder sur les faits invoqués au moment de la signature du dit acte, et ce indépendamment de la qualification juridique qui a été donnée à ces derniers ; que l'AGS qui a un droit propre pour contester sa garantie, es' recevable à invoquer la nullité de la transaction ; que la transaction prévoit au titre des concessions :
« Article 1 : versement et engagement des parties
Engagement de l'employeur
La société Pierce et Elliot s'engage à verser à monsieur Christian Y... une indemnisation globale et forfaitaire nette de CENT QUATRE VINGT ET UN MILLE CENT CINQUANTE QUATRE EUROS NETS (181.154 € nets).
Cette somme de cent quatre-vingt et un mille cent cinquante-quatre euros (181.154 €) revêtant un caractère indemnitaire, celle-ci sera soumise à ce litre, à CSG et CRDS et donnera lieu à établissement d'un bulletin de paie.
Il est expressément indiqué que la CSG CRDS resteront à la charge de la société Pierce Elliot.
Il est expressément convenu que le paiement de cette transaction interviendra sous deux formes, la première en la compensation de la créance du salarié à l'égard de son employeur à concurrence de quatre vint quinze mille cent cinquante-quatre euros (95.154 €) correspondant au prix toutes taxes comprises de la construction d'un chalet à Eynes (66000), la seconde en numéraire.
La créance sus visée appartenant à la société Moderne de Développement du Cambre d'Aze, société appartenant au même groupe, la société Pierce Et Elliot devient débitrice de la société Moderne de Développement du Cambre d'Aze à concurrence de la somme précitée. Les deux sociétés ayant conclu une délégation de créances ce même jour.
Le solde de l'indemnité transactionnelle convenue ci avant soit la somme de QUATRE VINGT SIX MILLE EUROS (86.000 €) interviendra en numéraire et de manière différée. La société Pierce Elliot s'engage à verser cette somme de QUATRE VINGT SIX MILLE EUROS avant le 31 décembre 2009 à M. Christian Y....
Au moment du versement, la société établira un bulletin de paie correspondant ainsi qu'une attestation ASSEDIC rectificative, sans le versement complet de cette somme, la présente transaction ne pourra revêtir l'autorité de la chose jugée.
Monsieur Christian Y... reconnaît expressément en conséquence être pleinement indemnisé de l'ensemble des préjudices qu'il a subi du fait de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Engagement du salarié
Le salarié renonce expressément et de manière définitive à invoquer devant l'autorité judiciaire compétente toute indemnisation tiré de tout préjudice résultant de la conclusion, de l'exécution ou de la rupture de con contrat de travail.
C'est donc en pleine connaissance de cause que le salarié renonce expressément et de manière définitive à invoquer devant l'autorité judiciaire compétente :
les éventuelles difficultés liées à l'exécution du contrat, notamment les questions relatives à sa rémunération, sa qualification, ou ayant trait à la durée du travail et aux congés payés,
la caractère abusif de la rupture de son contrat de travail,
l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,
l'irrégularité de la procédure de licenciement,
ou plus généralement, à toute indemnisation de tout préjudice résultant de la conclusion ou de l'exécution ou de la rupture de son contrat de travail.
Par conséquent, monsieur Christian Y... s'engage à se désister de l'instance engagée devant le conseil de prud'hommes de Perpignan.
Article 2 : indivisibilité de la transaction
La société Pierce et Elliot d'une part, monsieur Christian Y... d'autre part, conviennent que tous les engagements prix par les différentes parties au présent accord constituent des éléments indissociables dans la présente transaction.
En conséquence, tout engagement qui ne serait pas respecté par l'une ou l'autre des parties, remettrait en cause l'intégralité de la présente transaction et, sur le seul effet de la volonté de la partie dont la créance n'a pas été respectée, entraînerait la nullité de la transaction et de la totalité des engagements consentis, en ce compris le versement de l'indemnité transactionnelle ;
(...) qu'il n'est pas discuté que l'accord transactionnel passé entre l'employeur et le salarié a été conclu après la rupture du contrat de travail, soit après la notification du licenciement ; que l'attribution au salarié d'une indemnité destinée à compenser les conséquences dommageables du licenciement en tenant compte de la situation personnelle de celui-ci au regard de son âge, de ses charges de famille, de son ancienneté, de sa qualification professionnelle ou de ses difficultés de reconversion professionnelle, correspondrait à une concession, puisque l'employeur octroierait alors un avantage qu'il n'a pas l'obligation d'accorder, dès lors par ailleurs que la lettre de licenciement est correctement motivée ; qu'est régulière, en la forme et au fond, la transaction conclue entre les parties pour mettre fin au différend les opposant au sujet de la rupture du contrat de travail dès lors d'une part, qu'elle est intervenue à la suite d'un licenciement régulier, précédé d'un entretien, d'autre part, que le salarié a donné son accord à un moment où il n'était plus sous la subordination de son employeur et se trouvait pleinement au courant de sa situation de fait et des conséquences juridiques qui en découlaient ; qu'en l'espèce, le conseil relève que M. Y... a été embauché par la société Pierce Et Elliot X... en qualité de directeur, avec une rémunération annuelle, au jour du licenciement, de 110.000 euros brut ; qu'il sollicitait en outre devant le conseil de prud'hommes de Perpignan la somme de 220.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive, celles de 10.000 euros en raison du caractère vexatoire du licenciement et de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'indemnité ainsi comprise dans la transaction était destinée à réparer les préjudices que le salarié estimait avoir subis du fait de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve de pressions dont il aurait fait l'objet pour accorder les dites sommes au salarié et signer ce protocole d'accord ; que l'objet de la transaction litigieuse portait sur la réparation de l'intégralité des préjudices qu'estimait subir le salarié du fait de son départ de l'entreprise et l'indemnité était versée à titre de dommages et intérêts comme en contrepartie de sa renonciation à toute autre somme, quel qu'en soit le montant ou la nature et liée à la conclusion, l'exécution ou la rupture du contrat de travail ; qu'ainsi qu'il a été exposé supra, aucune pièce ne vient prouver que la volonté de l'employeur a été viciée et rien dans les pièces ne vient prouver que des concessions réciproques n'ont pas existé ; qu'il convient dans ces circonstances de déclarer valable la transaction conclue entre la SARL A... Y... et de condamner maître Frontil, es qualité, à délivrer au salarié un bulletin de paie et une attestation ASSEDIC conformément à la transaction déclarée valable, et sans qu'il soit utile d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
1. ALORS QUE la transaction est revêtue de l'autorité de la chose jugée s'agissant notamment du montant de l'indemnité transactionnelle ; qu'en l'espèce, la transaction prévoyait le versement, par la société Pierce et Elliot X..., à M. Y..., en contrepartie de sa renonciation à agir en justice, d'une indemnisation globale et forfaitaire nette de 181 154 €, payée sous deux formes, d'une part, par compensation avec la dette de M. Y... à l'égard de la société moderne du Cambre d'Aze, appartenant au même groupe, pour la construction d'un chalet à [...], et d'autre part, le solde en numéraire ; que par conséquent, dès lors que la réalisation à titre gracieux du chalet avait une valeur au moins égale à l'indemnité globale de 181 154 €, le salarié ne pouvait prétendre au paiement d'un quelconque solde en numéraire, sans qu'il s'agisse là d'une réfaction de la transaction ; qu'en jugeant cependant que les conclusions du liquidateur reposant sur la déclaration judiciaire du caractère satisfactoire de la partie du paiement faite par compensation tendaient à la réfaction de la transaction, et en refusant par conséquent de rechercher si le salarié n'avait pas déjà été rempli de ses droits au titre de l'exécution de la transaction par l'allocation d'un chalet d'une valeur au moins égale à l'indemnisation globale de 181 154 € prévue par la transaction, la cour d'appel a violé l'article 1134 dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 2044 et 2052 du même code ;
2. ALORS QUE Me C..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Pierce et Elliot X..., faisait valoir que si le prix réel de construction du chalet excédait celui de 95 154 € mentionné dans la transaction, cette dernière ferait naître à la charge de l'employeur des obligations excédant notablement celles de M. Y... ce qui rendrait la transaction lésionnaire et permettrait au liquidateur d'en poursuivre l'annulation sur le fondement de l'article 1167 du code civil (conclusions d'appel, p. 9) de sorte que ces conclusions évoquaient bien la perspective de l'annulation de la transaction pour fraude, même si c'était au vu des résultats de l'expertise sollicitée sur la valeur de la construction ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que les conclusions du liquidateur n'avaient pas pour objet la nullité ou l'inopposabilité de la transaction pour fraude, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE la transaction prévoyait le versement, par la société Pierce et Elliot X..., à M. Y..., en contrepartie de sa renonciation à agir en justice, d'une indemnisation globale et forfaitaire nette de 181 154 €, payée sous deux formes, d'une part, la prise en charge par l'employeur de la dette de M. Y... à l'égard de la société moderne du Cambre d'Aze, appartenant au même groupe, pour la construction d'un chalet à [...], et d'autre part, le solde en numéraire ; que par conséquent, ainsi que le faisait valoir le liquidateur, si le prix réel de construction du chalet s'avérait excéder celui de 95 154 € mentionné dans la transaction, cette dernière ferait naître à la charge de l'employeur des obligations excédant notablement celles de M. Y... ce qui remettrait en cause l'existence de concessions réciproques et donc la validité de la transaction, et qu'en outre, cela rendrait la transaction lésionnaire et permettrait au liquidateur d'en poursuivre l'annulation sur le fondement de l'article 1167 du code civil ou de l'article L. 632-1 du code de commerce ; qu'en affirmant que la mesure d'instruction demandée sur les travaux exécutés et la valeur de construction n'était pas de nature à avoir une incidence sur la résolution du litige, la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du code civil, l'article 1167 du même code, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 143 du code de procédure civile.