CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10209 F
Pourvoi n° N 17-15.052
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Joël X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2016 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de M. X..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Kamara, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR évalué à la somme de 10.000 €, le préjudice subi par M. X..., en conséquence du manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde, et D'AVOIR débouté M. X... de ses plus amples demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE, sur le manquement allégué à l'obligation de prise de renseignements et de mise en garde, M. X... soulève à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE un manquement à son obligation de prise de renseignements et de mise en garde, en soutenant qu'elle ne s'est pas assurée que le cautionnement souscrit était compatible avec les patrimoine et revenus de l'appelant ; que cette argumentation s'analyse en une mise en cause de la responsabilité contractuelle de la BANQUE POPULAIRE sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; que l'intimée se prévaut d'une fiche de renseignements dont elle soutient qu'elle l'a faite remplir par M. X... ; que ce document, intitulé "renseignements sur la caution" est produit en original et consiste en un feuillet imprimé recto-verso ; que si le recto est rempli en ce qui concerne l'identité de la caution et de son conjoint, comme en ce qui concerne ta nature de leur activité professionnelle, le verso consacré au revenus et au patrimoine de la caution demeure vierge de toute indication : que de même, le verso ne porte trace d'aucune mention concernant la date du document, qui n'est pas signé ; qu'il s'avère donc que la BANQUE POPULAIRE s'est contentée d'un document manifestement incomplet, puisque les renseignements les plus importants pour apprécier la situation financière de la caution sont manquants ; que sont notamment ignorés les ressources et les charges du foyer, comme la consistance de son patrimoine immobilier alors qu'il est mentionné sur le recto que M. X... est propriétaire de son logement ; que la banque s'est ainsi fondée sur une pièce ni datée, ni signée, et manifestement incomplète, ce qui démontre qu'elle n'y a guère attaché d'importance ; que comme le rappelle M. X..., cette fiche de renseignements personnels apparaît d'autant plus essentielle en l'espèce que ce dernier la caution était client d'une autre banque et y était titulaire de cartes de crédit ; que si, comme le soutient la BANQUE POPULAIRE, M. X... s'est "gardé de répondre" à la demande de renseignements relatifs à ses revenus et à son patrimoine, la conséquence aurait dû être l'exigence de ces renseignements ou, à défaut, le refus d'accepter son engagement de caution ; que l'engagement de caution litigieux a été souscrit le 3 avril 2010, soit près de seize mois après le contrat de crédit-bail garanti ; qu'il est manifeste que cette prise de garantie doit être rapprochée de la situation délicate dans laquelle se trouvait l'entreprise dont M. X... était le gérant ; qu'en effet, ce dernier produit les bilans et comptes de résultat des exercices 2007 à 2010, dont il résulte que le résultat net est passé de 17.296 € au 30 septembre 2007, à 4.839 € au 30 septembre 2008, et qu'il est devenu négatif au 30 septembre 2009 en accusant une perte de 21.388 € ; que la BANQUE POPULAIRE fait valoir que le cautionnement était nécessaire à la continuation de l'activité de l'entreprise, et qu'il n'y avait pas d'autre garantie possible ; qu'elle reconnaît donc qu'elle connaissait au jour du cautionnement la situation obérée de la société cautionnée ; que le fait que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont faisait l'objet la société des A... X..., cette société a sollicité par l'intermédiaire de son conseil, le 11 mars 2011, la poursuite du contrat de crédit-bail est sans pertinence sur les circonstances de la souscription de l'acte de caution près d'un an plus tôt ; qu'en revanche, au moment de l'engagement de caution, la société des A... X... était à jour du paiement des loyers du crédit-bail litigieux, puisqu'il résulte de la déclaration de créance faite par la BANQUE POPULAIRE lors du redressement judiciaire que le premier loyer impayé est celui du 15 janvier 2011 ; qu'il faut en conclure que la BANQUE POPULAIRE, avisée de la situation difficile de la société des A... X..., a souhaité obtenir une garantie supplémentaire, sans mettre en garde ni cette société, ni M. X... à titre de caution personnelle, sur les risques d'endettement encourus compte tenu de la situation financière de la société ; qu'enfin, le simple fait que M. X... ait été le gérant de la société garantie ne suffit pas à démontrer qu'il était suffisamment averti de la situation compromise de son entreprise, dès lors que son chiffre d'affaires avait augmenté de 199.232 € au 30 septembre 2007, à 248.118 € au 30 septembre 2008, et se maintenait à 241.425 € au 30 septembre 2009, et que, dans le cadre de la procédure collective initiée le 3 mars 2011, il a bénéficié de plusieurs reconductions de la période d'observation, puis d'un plan de redressement avec continuation jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire le 18 octobre 2013 ; que la société des A... X... a donc poursuivi son activité pendant près de trois années et demi après la souscription de l'engagement de caution ; que dès lors, en obtenant de M. X... un cautionnement personnel et solidaire sans satisfaire à son obligation de mise en garde, la BANQUE POPULAIRE a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle ; que le préjudice en résultant pour M. X... consiste en une perte de chance de ne pas souscrire la garantie, quitte à mettre un terme plus précoce aux activités de sa société dans des conditions plus favorables que celles qu'elle a effectivement connu, notamment en ce qui concerne la revente de la pelle mécanique objet du crédit-bail qu'en effet, ce matériel a été acheté 156.078 € le 12 décembre 2008, et finalement revendu aux enchères publiques pour 32.000 €, alors que M. X... justifie d'une offre de rachat à hauteur de 70.000 € dès 2011 (pièce n° 13) ; que M. X... sollicite une somme équivalente à celle qui lui est réclamée en dédommagement de ce préjudice ; mais que la perte d'une chance ne saurait équivaloir à l'intégralité du montant réclamé au titre de la caution litigieuse ; que les éléments de la cause permettent de fixer cette indemnisation à la somme de 10.000 € ; que s'agissant de la fixation d'une indemnité, les éventuels intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter du jour de la notification de la présente décision, et non, comme le demande M. X..., à compter du jour de l'assignation ;
ALORS QUE le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter, sans que l'indemnisation de cette perte de chance puisse équivaloir à l'intégralité de la garantie ; qu'en indemnisant la caution à hauteur de la chance perdue en évaluant son préjudice à la somme de 10.000 € « au vu des éléments de la cause » sans mieux motiver sa décision, ni apprécier l'intérêt que M. X... avait à garantir la conclusion d'un contrat de crédit-bail, ni rechercher s'il existait une forte probabilité que même s'il avait été mis en garde, il n'aurait pas renoncé à s'engager, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure applicable en l'espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. X... à payer à la banque la somme de 44.620,59 € outre les intérêts légaux à compter du 19 août 2011 ;
AUX MOTIFS QUE sur l'allégation de disproportion de l'engagement de caution, M. X... se fonde sur les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation pour soutenir que l'engagement de caution litigieux était manifestement disproportionné à ses biens et à son revenu ; que la preuve de cette disproportion lui incombe, en application des dispositions de l'article 1315 du code civil ; que le montant des loyers prévus par le contrat de crédit-bail était au jour du cautionnement de 2.958,90 € par mois ; qu'il a été vu ci-dessus qu'aucun renseignement précis n'a été recueilli par la BANQUE POPULAIRE sur la situation patrimoniale de la caution ; qu'elle ne peut donc se prévaloir de cette carence pour rejeter la prise en compte des charges grevant le revenu de la caution, et notamment des crédits à la consommation souscrits par ailleurs ; que sur le recto de la fiche de renseignement que M. X... serait propriétaire de son logement ; qu'il résulte de l'acte de donation-partage du 27 juillet 2004 que l'épouse de M. X... a recueilli de son père la propriété d'une parcelle située [...] sur laquelle elle a obtenu en 2004 le permis de construire la maison d'habitation du couple ; qu'il s'agit donc d'un bien propre de l'épouse, qui n'est par ailleurs pas intervenue à l'acte de cautionnement ; qu'au jour de l'engagement de caution, M. X... justifie par l'avis d'imposition 2010 sur les revenus de l'année 2009 que ses revenus étaient de 25.813 €, ceux de son épouse de 20.117 €, tandis que le couple disposait en outre des revenus fonciers à hauteur de 3.360 € ; qu'il précise cependant que ces revenus fonciers provenaient de la location à son entreprise du garage personnel de la maison d'habitation appartenant à son épouse, et qu'ils ont cessé avec la liquidation de la société des A... X... ; que M. X... établit par ailleurs qu'il réglait des prêts à la consommation Carrefour/Pass pour 152 € par mois et Sofinco pour 300,01 € par mois, un crédit-bail Citroën pour 256,51 € par mois tandis que son épouse payait 226,74 € par mois au titre d'un crédit Finaref ; que le couple payait encore 95 € au titre d'un crédit revolving BANQUE POPULAIRE Courtois ainsi qu'un crédit revolving Carte Pass ; que M. et Mme X... étaient donc engagés à hauteur d'environ 1.000 € par mois au titre de ces divers crédits à la consommation ; qu'ils ont par ailleurs deux enfants à charge ; qu'ainsi, au jour de l'engagement de caution, le revenu mensuel de M. et Mme X... était de 4.107,50 € par mois, tandis qu'ils supportaient déjà environ 1.000 € de charges de remboursement ; que le cautionnement exigé à hauteur de 44.620,59 €, en garantie de loyers d'un montant de 2.958,90 € par mois, était donc manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution ; que l'article L. 341-4 précité permet néanmoins au créancier de se prévaloir du cautionnement dès lors que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à ses obligations au moment où celle-ci est appelée ; que la BANQUE POPULAIRE fait valoir qu'au 19 août 2011, jour où elle a mis en demeure M. X..., ce dernier disposait de revenus fonciers à hauteur de 3.360 € par an, et qu'il a recueilli le 28 octobre 2011, dans le cadre de la succession de ses parents, 1/5 de la pleine propriété de diverses parcelles situées à [...] , dont sa part a été estimée à 19.710 € et une soulte de 40.478,13 €. Ses parents sont en effet décédés respectivement les [...] et le 1er octobre 2010, donc avant que la caution ne soit appelée ; que M. X... ne produit pas l'avis d'imposition afférent à l'année 2011 ; mais qu'il y a lieu de considérer que ses revenus devaient être constants par rapport à l'année précédente, dans la mesure où sa société était toujours en activité ; que pour la même raison, les revenus fonciers tirés de la location du garage à la société des A... X... étaient toujours perçus ; qu'il faut donc considérer que la situation financière de la caution s'était nettement améliorée puisque M. X... a perçu plus de 60.000 € dans le cadre de la succession de ses parents, ce qui lui aurait permis de régler le montant réclamé de 44.620,59 € ; qu'en conclusion, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l'engagement de caution sera écarté ;
1. ALORS QUE de la combinaison des articles 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure applicable à l'espèce, et L. 341-4 du code de la consommation, il résulte qu'il incombe au créancier professionnel, qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; qu'en tenant pour établi que les revenus de M. X... étaient constants, même à défaut de production de l'avis d'imposition afférent à l'année 2011, et que sa situation s'était améliorée par cela seulement qu'il avait hérité de ses parents décédés le [...] et le 1er octobre 2010, avant qu'il ne soit appelé, la cour d'appel qui a suppléé la carence de la banque dans l'administration de la preuve des revenus de la caution dont elle avait la charge, a violé les dispositions précitées, ensemble les articles 6, 7 et 9 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE de la combinaison des articles 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure applicable à la cause, et L. 341-4 du code de la consommation, il résulte qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; qu'en tenant pour établi que les revenus de M. X... étaient constants, même à défaut de production de l'avis d'imposition afférent à l'année 2011, et que sa situation s'était améliorée par cela seulement qu'il avait hérité de ses parents décédés le [...] et le 1er octobre 2010, la cour d'appel, qui a supposé que ses revenus n'avaient pas varié, sans que la preuve en soit positivement rapportée, a violé les dispositions précitées.