CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10201 F
Pourvoi n° M 17-10.267
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Arnaud X...,
2°/ Mme Ludivine Y..., épouse X...,
tous deux domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2016 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige les opposant :
1°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie-Seine, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [...] ,
2°/ à M. Christophe Z..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. A..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP François-Henri Briard, avocat de M. et Mme X..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. Z..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie-Seine ;
Sur le rapport de M. A..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la CRCAM à régler à chacun des époux X..., à titre de dommages et intérêts, la somme de 103 368,82 € avec intérêts au taux conventionnel de 8,5 %, capitalisés en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter de la mise en demeure en date du 18 février 2013 et jusqu'à parfait paiement sur la somme de 91 228,42 € représentant la quote-part du capital garanti et en ce qu'il avait ordonné la compensation entre les différentes condamnations prononcées et d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la CRCAM ;
Aux motifs que « sur la responsabilité de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine [
] à l'égard de M. Arnaud X..., M. X... est associé dans la société Solab Invest et dans la société Solab NDB, sans implication dans leur direction ; qu'il est présenté dans le dossier bancaire comme étant responsable service investissements maintenance et prévention du risque, membre du comité de direction chez Cap Seine, mais ses fonctions portent sur la définition de projets, consultation d'entreprises et suivi de travaux, la maintenance préventive et curative sur sites et la gestion des installations classées, ce qui ne lui confère aucune compétence en matière de gestion d'un commerce de bouche ou dans le domaine du crédit ; qu'il doit en conséquence être considéré comme une caution profane ; que pour rechercher la responsabilité de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine, M. X... se fonde notamment sur le rapport soumis au débat contradictoire, établi par M. Jean-Louis B... non pas à la demande des époux X..., mais sur mission confiée à ce technicien expert par le tribunal à la requête de Me C... liquidateur des sociétés Solab, ainsi que sur le jugement rendu le 16 juin 2014 par le tribunal de commerce de Rouen confirmé par arrêt rendu le 17 septembre 2015 ayant annulé le contrat de franchise ; qu'il soutient que le crédit octroyé à la société Solab NDB était ruineux, la société étant dès l'origine dans l'incapacité de faire face à ses remboursements en l'absence de perspectives économiques compte tenu d'une franchise nulle, et donc nécessairement non rentable comme l'a constaté le tribunal dans le jugement de liquidation judiciaire de la société CP Création, le concept des franchises ne fonctionnant pas, et que par ailleurs la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine disposait des renseignements concernant la création du réseau de franchise et les modalités de financement des franchiseurs dont lui-même en sa qualité de caution du franchisé n'avait pas connaissance ; que le crédit a été accordé à la société Solab NDB pour financer le démarrage d'un fonds de commerce, destiné à être exploité dans le cadre d'un réseau de franchise censé développer un concept novateur, au stade de son démarrage ; que la création d'une nouvelle activité est normalement constitutive pour celui qui s'y engage d'un risque financier ; que si la banque qui accorde son concours doit préalablement analyser les éléments qui lui sont présentés pour vérifier si la capacité financière de ce dernier lui permettra d'assurer la bonne fin du remboursement, c'est dans ce contexte de création nécessairement sur la base d'éléments prévisionnels, et l'octroi du crédit ne peut en lui-même être considéré comme fautif même si l'opération financée comporte un risque particulier, s'il n'est pas démontré que la banque pouvait ou devait avoir connaissance de ce qu'elle serait ab initio vouée à l'échec ; qu'il n'est pas discuté que les documents prévisionnels soumis à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine ont été établis par la société RSM Secno, société d'expertise comptable inscrite de surcroît sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Rouen ; que ces documents ont été établis à partir des données communiquées, y compris aux époux X..., par les franchiseurs, dont M. D... spécialisé dans la franchise et M. X... [sic] traiteur expérimenté et reconnu ; que ceux-ci disposaient nécessairement de peu de recul sur leur magasin test d'Elbeuf qui venait d'ouvrir ayant servi de référence pour établir les prévisions sur le futur magasin de [...] ; que si M. B... relève dans son rapport la surestimation des marges et de la rentabilité annoncée, au vu des constatations qu'il a pu opérer avec le recul sur les débuts de l'exploitation effective, aucun élément ne permet de retenir que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine aurait pu ou dû en avoir par avance la perception ; que la nullité du contrat de franchise a été prononcée, non pas pour un vice affectant la franchise dès l'origine, mais parce que postérieurement à la création du réseau, le concept qui avait été présenté, de la création de commerces de proximité s'appuyant sur toutes les valeurs du commerce traditionnel pour la vente de produits prêts à consommer tant traditionnels qu'originaux pour la vie quotidienne et les occasions particulières, et ce avec le bénéfice d'une structure organisée, a été de fait rapidement abandonné, les franchiseurs ayant cessé la production, remplacée par la commercialisation de produits de fabrication industrielle d'autres distributeurs sans l'originalité requise au regard des produits vendus par un charcutier traiteur classique, de sorte que le savoir-faire faisait défaut ; que l'échec constaté de la franchise ne met pas en cause les crédits accordés aux franchiseurs et au franchisé qui en eux-mêmes ne peuvent être qualifiés de ruineux ; qu'il tient notamment à une modification, après le démarrage de l'exploitation financée, du concept initialement prévu, à la suite de laquelle les magasins ouverts ne présentaient pas d'attrait particulier pour la clientèle ; que [toutefois] aucun élément ne permet d'établir que le projet initialement présenté, de magasins franchisés présentant des produits de fabrication artisanale et personnalisables d'un charcutier traiteur de proximité, aurait nécessairement et de façon prévisible été voué à l'échec ; que dans ces conditions, et alors que par ailleurs le cautionnement sollicité n'excédait pas ses capacités financières, M. X... est mal fondé à rechercher la responsabilité de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine ; que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine au paiement de dommages et intérêts » (arrêt, pages 14 à 17) ;
1° Alors que pour débouter M. X... de sa demande en indemnisation à l'encontre de la CRCAM, l'arrêt retient que si M. B... relève dans son rapport la surestimation des marges et de la rentabilité annoncée au vu des constatations qu'il a pu opérer avec le recul sur les débuts de l'exploitation effective, aucun élément ne permet de retenir que la banque aurait pu ou dû en avoir par avance la perception ; que le rapport du technicien relevait pourtant qu'« aucune rémunération pour la gérance » n'était prise en compte dans les éléments prévisionnels remis à la banque, puis soulignait que l'étude rédigée par l'expert-comptable ne comportait pas de précision s'agissant de la notion de « point mort », qualifiée par M. B... de « vitale en matière de création de fonds de commerce » en ce qu'« elle permet de déterminer le montant du chiffre d'affaire minimum à partir duquel une boutique commence à équilibrer son résultat et à générer un bénéfice » ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
2° Alors que pour débouter M. X... de sa demande en indemnisation à l'encontre de la CRCAM, l'arrêt retient que la nullité du contrat de franchise a été prononcée, non pas pour un vice affectant la franchise dès l'origine, mais parce que le concept qui avait été présenté a été de fait rapidement abandonné postérieurement à la création du réseau, de sorte que le savoir-faire faisait défaut ; qu'il n'était pourtant pas affirmé dans les motifs de la décision du 17 septembre 2015, ayant annulé le contrat de franchise pour absence de cause sur le fondement de l'article 1131 du Code civil, que le vice affectant la validité de cette convention serait postérieur à la formation du contrat ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt du 17 septembre 2015, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
3° Alors que l'existence de la cause d'une obligation, qui est une condition essentielle à la validité d'une convention, s'apprécie au moment de la formation du contrat ; que pour débouter M. X... de sa demande en indemnisation à l'encontre de la CRCAM, l'arrêt retient que la nullité du contrat de franchise a été prononcée, non pas pour un vice affectant la franchise dès l'origine, mais parce que postérieurement à la création du réseau, le concept qui avait été présenté a été de fait rapidement abandonné, de sorte que le savoir-faire faisait défaut ; qu'en se prononçant de la sorte, quand l'annulation du contrat de franchise ne pouvait sanctionner qu'un défaut de cause présent dès la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1131 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;
4° Alors que la banque est tenue, à l'égard des cautions considérées comme non averties, d'un devoir de mise en garde à raison de leurs capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, cette obligation n'étant donc pas limitée au caractère disproportionné de leur engagement au regard de leurs biens et ressources ; que pour débouter M. X... de sa demande en indemnisation à l'encontre de la CRCAM, l'arrêt, après avoir relevé que la caution n'était pas avertie et constaté que l'opération financée présentait un risque puisqu'elle visait la création d'une nouvelle activité commerciale dans le cadre d'un réseau de franchise censé développer un concept novateur encore au stade de son démarrage, décide nonobstant qu'il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, les crédits accordés ne pouvant être qualifiés de ruineux et le cautionnement sollicité n'excédant pas les capacités financières de la caution ; qu'en statuant ainsi, sans en déduire l'existence d'un risque caractérisé d'endettement né de l'octroi du prêt impliquant une mise en garde de la caution, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
5° Alors, subsidiairement, que la banque est tenue, à l'égard des cautions considérées comme non averties, d'un devoir de mise en garde à raison de leurs capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, cette obligation n'étant donc pas limitée au caractère disproportionné de leur engagement au regard de leurs biens et ressources ; que pour débouter M. X... de sa demande en indemnisation à l'encontre de la CRCAM, l'arrêt se borne à retenir qu'il n'y a pas lieu d'engager la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, les crédits accordés ne pouvant être qualifiés de ruineux et le cautionnement sollicité n'excédant pas les capacités financières de la caution ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'aurait pas dû mettre la caution en garde contre le risque d'endettement né de l'octroi du prêt lié au défaut de prise en compte de la rémunération de la gérance dans les documents prévisionnels remis à l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.