SOC.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10324 F
Pourvoi n° Y 16-23.660
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Nouvelle Omsy, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2016 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à M. Jean-Philippe Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 février 2018, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Basset, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Nouvelle Omsy, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Basset, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nouvelle Omsy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nouvelle Omsy à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Nouvelle Omsy
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit établis le harcèlement moral et la discrimination syndicale et condamné la société Nouvelle Osmy à payer à M. Jean-Philippe Y... la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE, sur la préservation de l'état de santé des salariés et le harcèlement moral, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que M. Y... établit avoir reçu une mise en garde comminatoire le 9 mars 2010, s'être vu notifié un avertissement le 6 août 2010 et imposer l'obligation de remettre un rapport journalier le 15 novembre 2010 ; qu'au surplus, M. A..., ancien salarié de la SARL Nouvelle Omsy, dans un témoignage qui n'est pas dépourvu de valeur probante au seul motif qu'il entretient des rapports amicaux avec M. Y... et travaille actuellement chez un concurrent, indique que M. B... faisait en sorte de « lancer » la fabrication des commandes de M. Y... en retard pour ne pas assurer les livraisons et qu'il était alors obligé de les faire lui-même ; qu'il rapporte également que M. H... , dirigeant de la société, et M. B..., son proche collaborateur, ont plus fois appelé M. Y... « Jean C... » car il était marié à une kabyle et que lorsqu'il chargeait une commande sur sa galerie de voiture ils pouvaient s'exclamer « Jean C... va au bled » ; que M. D..., attaché commercial qui a été en relation avec M. B..., atteste pour sa part qu'à l'occasion d'un rendez-vous professionnel en décembre 2010 celui-ci a monologué sur le compte de M. Y..., lui montrant les articles de presse relatif au mouvement de grève, et lui disant notamment qu'il lui pourrirait la vie afin qu'il dégage de la société et qu'il trouverait n'importe quel moyen pour « virer ce syndicaliste» ; que M. Y... produit également deux photos de son bureau, dont la sincérité n'est pas discutée, qui montrent un local en mauvais état particulièrement peu agréable ; qu'enfin, M. Y... qui a bénéficié d'arrêt de maladie au mois d'août 2010, produit un certificat médical daté du 18 novembre 2010 dans lequel le docteur E..., psychiatre, indique qu'il souffre d'un syndrome dépressif caractérisé, soigné par chimiothérapie, en relation avec une tension excessive dans son milieu de travail mais qu'il refuse de continuer à bénéficier d'arrêts de maladie ; que ces éléments pris dans leur ensemble suffisent à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la SARL Nouvelle Omsy rétorque qu'elle a fait preuve de patience puisqu'elle n'a reproché à M. Y... l'insuffisance de son chiffre d'affaires que le 9 mars 2010, que dans ses réponses M. Y... ne s'est jamais plaint de harcèlement moral et qu'il a organisé un montage de son dossier avec l'aide d'un syndicat ; qu'elle tire aussi argument du fait que M. Y... avait été déclaré apte par le médecin du travail et que le médecin psychiatre n'avait pas qualité pour attester de l'origine des difficultés psychologiques de M. Y... ; qu'elle établit que M. Y... avait des difficultés financières puisqu'il subissait une saisie sur salaire ; qu'en revanche, elle ne démontre pas que les agissements laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il convient, infirmant le jugement, de dire le harcèlement moral établi et de lui allouer en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à son intégrité physique la somme de 3.000 € ; (
) que l'établissement d'une discrimination syndicale obéit aux mêmes règles de preuve que celles applicables au harcèlement moral ; qu'au titre de la discrimination syndicale, M. Y... se prévaut des mêmes faits que ceux qui ont conduit la cour, constatant que la SARL Nouvelle Omsy ne les justifiait pas par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, à estimer établi le harcèlement moral ; que dès lors qu'il n'est pas discuté que M. Y... était syndiqué, que cette appartenance syndicale a été à l'origine de mouvements sociaux dans l'entreprise et que M. D... atteste que l'employeur prenait en compte la qualité de syndicaliste de M. Y..., pour les mêmes raisons que s'agissant du harcèlement moral, il convient de considérer établie la discrimination syndicale ;
1) ALORS QUE le simple exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, de direction ou de contrôle ne constitue pas un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la décision de première instance, dont la société Nouvelle Osmy sollicitait la confirmation sur ce point, avait écarté l'existence d'un harcèlement moral, en relevant que les demandes régulières de la société Nouvelle Osmy, à savoir compte rendu et développement du chiffre d'affaires, ne constituaient pas un harcèlement dans le cadre du travail ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que M. Jean-Philippe Y... établissait avoir reçu une mise en garde comminatoire le 9 mars 2010, s'être vu notifier un avertissement le 6 août 2010 et imposer l'obligation de remettre un rapport journalier le 15 novembre 2010 , sans préciser en quoi ces éléments ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'un exercice normal du pouvoir disciplinaire, de direction ou de contrôle de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2) ALORS, EN OUTRE, QUE le juge ne peut retenir l'existence d'un harcèlement moral, sans examiner les justifications invoquées par l'employeur ; qu'en l'espèce, en se bornant à considérer pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, que M. A..., ancien salarié de la société Nouvelle Omsy, dans un témoignage qui n'était pas dépourvu de valeur probante au seul motif qu'il entretenait des rapports amicaux avec M. Jean-Philippe Y... et travaillait actuellement chez un concurrent, indiquait que M. B... faisait en sorte de « lancer » la fabrication des commandes de M. Jean-Philippe Y... en retard pour ne pas assurer les livraisons et qu'il était alors obligé de les faire lui-même, sans examiner les attestations de M. F... et de M. G... produites au débat par la société Nouvelle Osmy, qui déclaraient, au contraire, n'avoir pas reçu la consigne de freiner les livraisons du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3) ALORS QUE la cour d'appel ayant estimé que les faits, sur lesquels elle s'est fondée pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, étaient aussi constitutifs d'une discrimination syndicale, la cassation à intervenir sur la première ou deuxième branche du moyen, entraînera la cassation du chef du dispositif ayant dit établie la discrimination syndicale, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement abusif et condamné la société Nouvelle Osmy à payer à M. Jean-Philippe Y... la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
AUX MOTIF QUE l'insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède, soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ; que le contrat de travail de M. Y... ne comporte pas de fixation d'objectifs, la clause relative aux objectifs annuels à réaliser et celle relative au calcul de la prime en fonction de la réalisation des objectifs portant la mention « A définir ultérieurement » ; que, par courrier du 9 mars 2010, cet objectif a été fixé unilatéralement par l'employeur au montant mensuel de 50.000 € et que M. Y... a immédiatement émis des doutes sur sa capacités à réaliser un tel objectif ; qu'il établit en produisant un courrier de la SAS Marteau datée du 10 décembre 2010 le remerciant de l'effort consenti pour leur livrer la veille une couvertine, malgré les conditions climatiques déplorables et plusieurs attestations de clients déclarant qu'il était très réactif, faisait preuve de beaucoup de professionnalisme et que, pour pallier aux délais que la société ne respectait pas, faisait lui-même les livraisons avec sa voiture de fonction ; qu'il produit également de nombreux mails illustrant la réalité de son activité professionnelle ; que la SARL Nouvelle Omsy, pour sa part, ne communique aucun élément sur le nombre de clients affecté à chaque commercial, ni sur l'importance de l'activité desdits clients ; qu'alors que M. Y... discute la fiabilité de la comparaison que la société opère avec l'autre commercial celle-ci ne communique pas même un tableau récapitulatif, se bornant à produire un listing de l'évolution des ventes clients qui ne met pas en évidence de façon certaine l'identité du commercial à l'initiative de la vente ; que les témoignages de M. G..., salarié de la SARL Nouvelle Omsy et de M. F..., chef d'atelier, qui déclarent qu'ils n'avaient pas reçu la consigne de freiner les livraisons de M. Y... ne donnent aucune information sur la qualité des prestations de M. Y... ; que, finalement, l'insuffisance professionnelle reprochée à M. Y... n'est pas établie ; qu'il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE dans ses conclusions d'appel, la société Nouvelle Osmy faisait valoir que la lettre de licenciement mentionnait que le salarié, au titre des mois de janvier, février, mars, avril et mai, était à l'origine d'un chiffre d'affaires moyen d'environ 11.000 €, alors que pour la même période, l'autre salarié exerçant l'activité commerciale générait environ 125.000 € de chiffre d'affaires moyen ; qu'à cet égard, dans ses conclusions d'appel, la société Nouvelle Osmy visait la pièce n° 8 intitulé « tableau comparatif CA annuel commerciaux », cette pièce figurant aussi dans le bordereau des pièces communiquées, annexé aux conclusions d'appel ; qu'en déclarant pourtant qu'alors que M. Jean-Philippe Y... discutait la fiabilité de la comparaison que la société opérait avec l'autre commercial, celle-ci ne communiquait pas même un tableau récapitulatif, se bornant à produire un listing de l'évolution des ventes clients, la cour d'appel a dénaturé par omission le « tableau comparatif CA annuel commerciaux » produit au débat et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QU'aucune des parties n'a prétendu que M. Jean-Philippe Y... avait été licencié pour insuffisance professionnelle ; que la société Nouvelle Osmy s'était, en effet, placée sur le terrain disciplinaire, en faisant valoir, tant dans ses conclusions d'appel que dans la lettre de licenciement, que malgré un avertissement et une mise en demeure, le salarié avait persisté dans son comportement et qu'il entendait dissimuler son insuffisance de résultats en refusant de remettre des rapports d'activité ; qu'en fondant sa décision sur le fait que l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié n'était pas établie, pour retenir que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3) ALORS, AU SURPLUS, QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs formulés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, la société Nouvelle Osmy reprochait au salarié son refus persistant d'établir des rapports d'activité, en lui rappelant que le 6 août 2010, il avait fait l'objet d'une mise en demeure en raison notamment de son refus persistant d'établir des rapports d'activités, malgré l'avertissement du 6 août 2010 ; qu'en se bornant à retenir que l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié n'était pas établie, pour considérer que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, sans examiner le grief relatif au refus persistant du salarié d'établir des rapports d'activité, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.