SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. FROUIN, président
Décision n° 10369 F
Pourvoi n° U 16-17.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Ares et Company France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 29 mars 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. Benoît X..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Ares et Company France, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ares et Company France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ares et Company France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Ares et Company France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société Ares, employeur, à payer à monsieur X..., salarié, la somme de 82.231,26 € « à titre de dommages et intérêts pour avoir respecté la clause illicite de non concurrence » ;
AUX MOTIFS QUE sur la clause de non-concurrence, le principe de droit applicable : l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répondait à la nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle, le salarié était en droit de prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de non concurrence alors même qu'il avait retrouvé un emploi, dès lors qu'il avait respecté l'interdiction de non-concurrence, étant précisé qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve d'une éventuelle violation de la clause de non-concurrence, et par ailleurs, en l'absence de contrepartie financière, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail était nulle ; que sur l'application du droit à l'espèce : monsieur X... demandait le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence prévue à l'article 15 de son contrat de travail en ces termes : « En raison de la nature des fonctions exercées par monsieur X..., en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, monsieur Benoit X... s'interdit de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer en tout ou partie celle de la société. / Cette interdiction de concurrence est limitée à une période d'un an à compter de la cessation effective d'activité et couvre la France Métropolitaine. / En contrepartie, la société versera à monsieur Benoit X..., pendant la durée de la non-concurrence, une indemnité mensuelle égale à 5/10ème de la moyenne mensuelle des appointements dont monsieur Benoit X... a bénéficié au cours des 12 derniers mois de présence dans la société, et ce tant que monsieur Benoit X... n'a pas retrouvé un emploi et dans la limite de la durée de non concurrence » ; que le salarié avait déjà sollicité le paiement de cette contrepartie par courrier le 18 janvier et 25 février 2013, ce qui n'était pas contesté par l'employeur ; que par courrier du 22 janvier 2013, la société Ares avait indiqué au salarié que le paiement de la contrepartie financière était conditionné par le fait que le salarié ne devait pas avoir retrouvé un emploi ; que par courrier du 8 février 2013, maître C... , avocat de la société Ares, avait confirmé au salarié « que la société Ares (...) n'entend nullement se soustraire au paiement de (l') indemnité de non-concurrence, mais (...) subordonne son règlement au fait que vous n'ayez pas repris une activité professionnelle depuis le 25 décembre 2012 et que vous êtes toujours chercheur d'emploi » et lui avait rappelé qu'il n'était pas « libéré » de la clause de non-concurrence ; qu'ainsi rédigée, la clause de non-concurrence avait pour effet, soit d'interdire au salarié de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle, portant ainsi atteinte à la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle, soit de priver l'obligation de non concurrence de contrepartie financière, et dès lors, d'une condition de validité ; qu'en conséquence, la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de monsieur X... était nulle ; que la société Ares faisait valoir de façon inopérante que le départ à l'étranger de monsieur X... ne s'inscrivait pas dans le cadre du respect de la clause de non concurrence, mais d'un projet personnel, la vie privée de l'intéressé étant sans incidence sur l'exécution du contrat de travail et ses suites ; qu'en l'espèce, les attestations versées au débat par l'employeur témoignaient du fait que le salarié avait recherché un emploi en dehors du territoire de France métropolitaine ; que le salarié communiquait son contrat de travail aux termes duquel il était engagé par la société Chappuis Halder & Cie Limited, dont le siège social était situé à Londres, et son lieu de travail habituel était fixé à Londres ; que l'intéressé communiquait ses bulletins de salaire desquels il ressortait qu'il n'était pas soumis aux cotisations salariales applicables en France aux résidents français ; que de plus, il ressortait des éléments versés au débat que la société anglaise était sans lien avec la société parisienne Chappuis Halder & Cie France comme l'indiquait leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés respectivement
en Angleterre et en France ; que par ailleurs, l'extrait de K-bis de la société française n'indiquait aucun autre établissement ou filiale, ce que confirmait le courrier du 7 mars 2013 adressé par le cabinet français à la société Ares en réponse à la sommation interpellative du 26 février 2014 ; que la page d'accueil du site Chappuis Halder & Cie France, qui faisait état de bureaux, sous la même enseigne à Londres, ne suffisait pas à établir la mobilité des salariés entre les deux entités économiquement et juridiquement indépendantes ; que pour démontrer que le salarié menait des activités concurrentes sur le territoire français au sein du cabinet Chappuis Halder & Cie France, l'employeur produisait un extrait du site des « pages jaunes » mentionnant le numéro du bureau parisien, ainsi qu'un extrait du site « annuaire inversé » pour un numéro de mobile ; que cependant, aucun de ces deux documents n'établissait un lien entre le bureau parisien et monsieur X... dont le nom n'était pas mentionné ; que la société Ares produisait également un profil sur le réseau numérique Linked In et le courriel de démission d'un certain Ziad Z... qui avait quitté la société pour intégrer le cabinet Chappuis Halder & Cie France ; qu'or, si le projet professionnel de ce salarié présentait une ressemblance troublante avec celui de monsieur X..., qui avait également démissionné pour travailler chez Chappuis Halder & Cie Limited, ces éléments ne suffisaient pas en l'espèce à caractériser une violation de l'obligation de non-concurrence ; que le seul document caractérisant un lien entre monsieur X... et la société Chappuis Halder & Cie France, en ce qu'il y serait associé, datait de 2015 : or l'obligation de non concurrence était limitée à la durée d'un an à compter du départ effectif du salarié, soit jusqu'au 25 décembre 2013 ; qu'enfin, la société Ares communiquait plusieurs documents mettant en évidence des actes de concurrence déloyale commis par un certain monsieur A..., dont il était établi qu'il était en contact avec monsieur X... ; que cependant, aucun des documents communiqués ne prouvait que des actes de concurrence déloyale étaient également imputables à monsieur X..., d'autant que le contenu du mail, dont il était en copie, n'apparaît pas ; qu'ainsi, la société Ares ne rapportait pas la preuve que monsieur X... travaillait ou menait effectivement des activités à Paris ou en connexion avec un cabinet parisien, ni que des actes de concurrence déloyale lui soient personnellement imputables ; qu'il s'ensuivait que le salarié avait bien respecté la clause de non-concurrence illicite insérée dans son contrat de travail ; que le jugement du conseil de prud'hommes serait donc infirmé sur ce point ; que sur l'évaluation du montant de la condamnation, le salarié était bien fondé à demander des dommages et intérêts pour avoir respecté une clause de non concurrence illicite ; qu'il ressortait de la clause, telle qu'elle était rédigée, que monsieur X... pouvait prétendre pendant la durée de la non-concurrence à « une indemnité mensuelle égale à 5/10ème de la moyenne mensuelle des appointements dont monsieur Benoit X... a bénéficié au cours des 12 derniers mois de présence dans la société » ; qu'en se référant à la moyenne mensuelle des appointements et non au salaire fixe du salarié, les parties avaient étendu la notion d'appointement à la rémunération variable ; qu'il ressortait des éléments versés au débat que le salaire moyen brut de monsieur X... sur les douze derniers mois s'élevait à 13 705,21 euros par mois ; que le salarié aurait donc dû percevoir la somme de 82 231,26 euros (13 705,21 x 5/10 sur 12 mois) en contrepartie de l'obligation de non concurrence à laquelle il s'était astreint ; qu'en conséquence, la société Ares serait condamnée à verser à monsieur X... la somme de 82 231,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de la clause de non concurrence illicite (arrêt, pp. 2 à 4) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'existence de deux personnes morales distinctes, immatriculées distinctement au registre du commerce et des sociétés, même dans des pays distincts, n'est pas de nature à exclure l'existence entre elles de liens d'intérêts et, notamment, d'échanges de collaborateurs en vue de la réalisation des missions confiées à l'une ou à l'autre ; qu'en se fondant sur l'existence d'immatriculations distinctes, en Grande-Bretagne et en France, de la société de droit britannique Chappuis Halder & Cie Limited – qui avait recruté le salarié au moment de son départ de la société Ares – et de la société de droit français Chappuis Halder & Cie, pour en déduire que ces deux sociétés auraient été « sans lien » et qu'il ne pouvait donc être imputé au salarié de s'être, en méconnaissance de la clause contractuelle de non-concurrence le liant à la société Ares, engagé en France au service d'un concurrent de cette dernière, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE les déclarations aux fins d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés sont effectuées à l'initiative du déclarant et sous sa seule responsabilité, et leur éventuelle incomplétude, non détectable par les tiers, ne peut préjudicier à ceux-ci ; qu'il suit de là que l'absence de mention, dans un extrait d'immatriculation à un registre du commerce et des sociétés français, d'un quelconque établissement principal ou secondaire situé et immatriculé dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, n'est pas de nature, à elle seule, à exclure l'existence d'un tel établissement ou d'une personne morale distincte, ayant son siège dans un autre Etat de l'Union européenne et unie à la société déclarante par des liens capitalistiques ou d'intérêts ; qu'en se fondant néanmoins, pour exclure tout lien entre la société de droit français Chappuis Halder & Cie et la société de droit britannique Chappuis Halder & Cie Limited, sur l'absence de mention de la seconde dans l'extrait d'immatriculation de la première au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel, qui a encore statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles L. 123-1, L. 123-8, L. 123-9 et R. 123-53 du code de commerce ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE la page d'accueil de la société Chappuis Halder & Cie, extraite du site internet « www.consultor.fr » et produite aux débats par la société Ares sous le numéro 22, comportait notamment les mentions suivantes : « Positionnée exclusivement sur les services financiers et les commodities, la société ambitionne [
] de devenir le nouvel Oliver B... [
] (comprendre : une référence dans le conseil spécialisé aux institutions financières avec une présence et une approche globale). [
] / Branding suisse, avec des associés d'origine française et 50 consultants au bureau de Paris, CH&Cie compte 60% de ses effectifs à l'international (environ 120 consultants au total) avec des bureaux à Londres, Genève, HK, Singapour, NYC et Montréal. C'est plutôt inhabituel pour une société si jeune. / Les ambitions de croissance sont importantes (+40% pour 2014, à Paris et dans le reste du monde), après une croissance de 70% en 2013 ! / La société a récemment intégré un cabinet de conseil spécialisé dans la [...] (Newtone) et reste à l'affût de cibles, notamment aux Etats-Unis et à Londres. / [
] Pour postuler [
] Les associés à Paris : - Pierre C... – Patrick D... – Stéphane E... » ; que selon cette pièce, la société de droit français Chappuis Halder & Cie était un cabinet de conseil basé à Paris et membre d'un réseau international, d'origine suisse, de « bureaux » pratiquant une « approche globale », dont un situé à Londres, les collaborateurs étant eux-mêmes présentés comme constituant des « effectifs » globaux, répartis à hauteur de 40% à Paris et 60% à l'étranger, ce dont il ressortait sans ambiguïté l'existence de liens étroits entre les divers bureaux, y compris en ce qui avait trait aux effectifs salariés ; qu'en retenant néanmoins que cette pièce ne suffisait pas à établir la mobilité des salariés entre la société Chappuis Halder & Cie et la société Chappuis Halder & Cie Limited, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE lorsqu'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail est déclarée illicite par le juge, pour absence ou insuffisance de la contrepartie financière ou pour restriction excessive à la liberté du travail du salarié, cette clause doit être privée d'effet et le juge ne peut l'appliquer au profit du salarié, que ce soit pour lui allouer le montant de la contrepartie financière stipulée au contrat ou pour suppléer la volonté des parties dans la fixation d'une telle contrepartie ; qu'en appliquant, au profit du salarié, la contrepartie financière stipulée à la clause de non-concurrence qu'elle venait pourtant de déclarer illicite et nulle – comme portant atteinte à la liberté fondamentale du salarié d'exercer une activité professionnelle ou, alternativement, comme privant l'obligation de non-concurrence de contrepartie financière –, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil, en leur rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, et L. 1121-1 du code du travail ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si le salarié ayant respecté une clause de non-concurrence prétendument illicite est fondé à obtenir une réparation, celle-ci doit correspondre exactement au préjudice subi, que le juge est tenu d'apprécier concrètement dans l'exercice de son office ; qu'en fixant la somme prétendument due au salarié à ce titre à l'exacte contrepartie financière qu'aurait dû avoir la clause contractuelle de non-concurrence, sans apprécier concrètement le prétendu préjudice qu'aurait subi le salarié du fait de la présence au contrat de cette clause regardée comme illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, et L. 1121-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société Ares, employeur, à payer à monsieur X..., salarié, la somme de 38.976 € à titre de solde de rémunération variable pour l'année 2012 ;
AUX MOTIFS QUE monsieur X..., engagé par la société Ares à compter du 1er mars 2010 en qualité de principal, par contrat de travail conclu le 9 décembre 2009, au dernier salaire mensuel brut de 10.366,41 €, avait démissionné par lettre du 25 septembre 2012 et effectué son préavis jusqu'au 25 décembre 2012 (arrêt, p. 2, premier alinéa) ; que sur la rémunération variable, le principe de droit applicable : lorsqu'elle était payée en vertu d'un engagement unilatéral, une prime constituait un élément de salaire et était obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite pouvait constituer une condition d'application d'un tel engagement, il en résultait que le salarié devait pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération avait été effectué conformément aux modalités prévues, à défaut les modalités ne lui étaient pas opposables, et il appartenait au juge de déterminer le montant de celle-ci en fonction des critères visés aux contrats et des accords des années précédentes ; que sur l'application du droit à l'espèce : l'article 6 du contrat de travail du 30 mars 2010 prévoyait le versement d'une rémunération variable en ces termes : « Monsieur Benoit X... pourra percevoir une rémunération variable individuelle en fonction de ses performances et des résultats du Cabinet, dont les modalités seront déterminées ultérieurement. / La société Ares & Company France accordera à Monsieur Benoit X... une avance sur rémunération variable d'un montant annuel de dix mille (10 000,00) euros payable en DOUZE (12) versements mensuels égaux payables en fin de mois, concomitamment au paiement de son salaire de baise mensuel » ; que par courrier du 30 mars 2010, la société Ares avait indiqué, en préalable, au salarié que « la rémunération individuelle variable peut représenter jusqu'à 50% de la rémunération de base d'un principal » et fixé ses objectifs individuels annuels de vente sont de 1,5 millions d'euros à compter de 2010 ; que la société Ares rappelait dans ses conclusions que le calcul de la prime était fonction des résultats de l'entreprise et de ceux du salarié ; qu'elle indiquait, produisant le compte de résultat de la société Ares, que son chiffre d'affaire en 2012 était moindre que celui réalisé en 2011, et précisait que le résultat net de l'entreprise serait déficitaire de 22 321 euros ; qu'elle précisait qu'à ce titre la société avait provisionné un montant pour les bonus de 117 094 euros en 2012 contre 252 635 en 2011 ; que la société exposait en outre que monsieur X... avait réalisé un chiffre d'affaire de 468 000 euros seulement et n'aurait signé aucun contrat en 2012 ; que le salarié affirmait avoir réalisé un chiffre d'affaire hors taxe de 1 962 000 euros au cours de l'année 2012 ; qu'il produisait en ce sens les contrats de prestations de service dont il n'était pas signataire ; que cependant, il ressortait de l'ensemble des éléments versés au débat que si les objectifs individuels étaient connus du salarié, les performances de l'entreprise et les modalités de calcul de la rémunération variable n'avaient pas été portées à sa connaissance ; que la société Ares ne justifiait pas les modalités de détermination du montant de la rémunération variable, non plus que le salarié n'avait pas atteint ses objectifs ; qu'il ressortait des pièces communiquées que monsieur X... avait perçu une avance sur rémunération variable de 10 000 euros ainsi qu'un bonus de 43976 euros au titre de ses performances en 2011 ; que les parties s'accordaient sur le fait que l'intéressé avait perçu un bonus d'un montant de 5000 euros en plus des avances sur rémunération variables à hauteur de 10000 euros au titre des performances pour l'année 2012 ; qu'en conséquence, la cour disposait d'éléments suffisants pour fixer le bonus dû au salarié pour l'année 2012 à la somme 43 976 euros ; que le salarié ayant déjà perçu 5 000 euros, la société Ares serait condamnée à lui verser la somme de 38 976 euros à titre de solde de rémunération variable pour l'année 2012 ; qu'en conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes serait infirmé sur ce point (arrêt, pp. 5 et 6) ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en l'état d'un engagement de l'employeur de verser à un salarié une part de rémunération annuelle variable dépendant, d'une part, de la réalisation d'objectifs individuels, d'autre part, des résultats de l'entreprise, l'employeur ne peut être tenu de faire connaître au salarié les résultats de l'entreprise avant la clôture de l'exercice comptable au titre duquel le salarié souhaite le paiement de la part variable de sa rémunération ; qu'ayant constaté que le salarié avait démissionné le 25 septembre 2012, à effet du 25 décembre 2012, c'est-à-dire avant la clôture de l'exercice comptable 2012 et donc en un temps où l'employeur n'était pas en mesure de lui faire connaître les résultats de l'entreprise pour l'année 2012, la cour d'appel, qui s'est néanmoins fondée, pour retenir l'obligation de la société Ares de payer la rémunération variable au titre de l'année 2012, sur le fait que les performances de l'entreprise n'avaient pas été portées à la connaissance du salarié, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, et L. 3211-1 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'il incombe au salarié, demandant le paiement d'une part variable de rémunération subordonnée à la réalisation d'objectifs individuels, de prouver la réalisation desdits objectifs, l'employeur étant seulement tenu de produire aux débats, en vue d'une discussion contradictoire, les éléments qu'il détient et dont dépend le calcul de la rémunération ; que la cour d'appel, qui, d'une part, a constaté que les contrats produits aux débats par le salarié au soutien du chiffre d'affaires qu'il disait avoir réalisé en 2012 n'étaient pas probants, faute d'avoir été signés par lui, d'autre part, avait été saisie par l'employeur, sous le numéro 17 du bordereau de production de pièces de ce dernier, des comptes annuels de l'entreprise pour 2012, élément nécessaire à l'appréciation du prétendu droit du salarié à une rémunération variable au titre de cette année, mais qui a retenu qu'il incombait à l'employeur de prouver que le salarié n'avait pas atteint ses objectifs, a interverti la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, et 9 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE si l'employeur qui s'engage à servir à un salarié une rémunération variable dépendant de la réalisation par ce dernier d'objectifs est tenu de préciser à l'intéressé les objectifs à réaliser ainsi que les modalités de calcul vérifiables de cette part variable, l'absence d'indication des modalités de calcul n'est de nature à ouvrir au salarié droit au paiement de la part variable que si celui-ci démontre que, pour l'année concernée, ses objectifs individuels n'ont pas été portés à sa connaissance ou ont été atteints ; que la cour d'appel, qui avait constaté que les objectifs individuels du salarié pour l'année 2012 étaient connus de lui, mais qui a retenu que l'absence de justification par l'employeur des modalités de détermination du montant de la rémunération variable l'obligeait à payer celle-ci, nonobstant l'absence de preuve par le salarié de la réalisation de ses objectifs, a violé les articles 1134 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, et L. 3211-1 du code du travail ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE l'employeur avait fait valoir (conclusions, p. 15, quatrième alinéa, p. 17, deuxième alinéa) que malgré des performances médiocres en 2012, le salarié s'était vu verser au titre de cette année une rémunération variable totale de 23.000 €, se décomposant en douze avances mensuelles sur rémunération variable, d'un montant de 1.500 € chacune, et en un bonus de 5.000 € ; qu'en retenant que « les parties s'accordaient sur le fait que l'intéressé a[vait] perçu un bonus d'un montant de 5.000 euros en plus des avances sur rémunération variable à hauteur de 10.000 euros au titre des performances pour l'année 2012 », c'est-à-dire sur l'existence d'une rémunération variable de 15.000 € déjà versée au titre de l'année concernée, cependant que le montant que l'employeur affirmait avoir versé était de 23.000 €, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU EN EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en soustrayant du montant global de ce qu'elle estimait être dû au salarié au titre de sa rémunération variable de l'année 2012, pour calculer le solde au paiement duquel l'employeur devait être condamné, une somme de 5.000 €, distincte de la somme de 15.000 € que l'arrêt disait avoir été déjà versée par l'employeur à ce titre pour l'année concernée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil, en sa rédaction applicable jusqu'au 30 septembre 2016, et L. 3211-1 du code du travail ;
ALORS, EN SIXIEME LIEU ET A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, QU'en déduisant du quantum de l'obligation de l'employeur une somme distincte de celle que l'arrêt considérait avoir été versée par celui-ci par provision, la cour d'appel s'est contredite en fait et a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.