CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10214 F
Pourvoi n° T 17-12.780
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP, dont le siège est [...] ,
2°/ l'EPIC Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme Virginie E... , domiciliée [...] ,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 février 2018, où étaient présents : M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP et de la Régie autonome des transports parisiens, de la SCP Boulloche, avocat de Mme E... ;
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP et à la Régie autonome des transports parisiens du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Donne acte à la Régie autonome des transports parisiens du désistement de son pourvoi ;
Donne acte à la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP du désistement du premier moyen de cassation ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP et la condamne à payer à Mme E... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Cadiot, conseiller, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, Mme Szirek, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la décision de rejet implicite la commission de recours amiable de la CCAS de la RATP, dit que l'accident dont Madame E... a été victime le 4 décembre 2012 est un accident du travail qui sera pris en charge au titre de la législation professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la matérialité de l'accident du 4 décembre 2012. La caisse conteste la matérialité de l'accident et reproche au jugement entrepris d'avoir retenu des souffrances le jour des faits tout en constatant que les propos menaçants n'étaient pas établis et sans lien avec la situation professionnelle conflictuelle établie. Madame E... indique au contraire que l'accident est en lien direct avec ses fonctions, qu'il a eu lieu sur son lieu de travail et qu'il est établi tant par les témoignages de ses collègues que par le certificat médical initial. En vertu de l'article L 411-1 du Code de Sécurité Sociale, pour bénéficier de la présomption d'origine professionnelle, il appartient au salarié d'apporter la preuve que l'accident non seulement s'est réellement produit mais encore qu'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Il est donc nécessaire d'établir un fait ayant date certaine et en lien avec le travail et cette preuve, qui ne peut résulter de ses seules propres affirmations, ne peut être faite qu'autant que le demandeur soumet des éléments corroborant ses allégations mais d'origines extérieures à lui-même. Il appartient alors dans un deuxième temps à l'employeur de détruire la présomption d'origine professionnelle qui en découle en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail. En l'espèce, Madame E... a effectué par mail du 4 décembre 2012 une première déclaration d'accident du travail pour des faits du même jour, expliquant : « le 04.12.12, à 11 h 20, je suis convoquée chez Philippe Z..., responsable d'unité, dans son bureau pour étudier avec lui et en présence de Véronique A..., RRHU, et de Jacques B..., directeur du CCAS l'alarme du CHSCT concernant mon entité... alarme déclenchée suite à une série d'événements concernant le comportement de M. B... à l'égard de mes collaborateurs et de moi-même ». Lors de cette réunion, M. B... et mon responsable hiérarchique direct m'agresse verbalement et me menace de conséquences professionnelles lors de mon prochain EAP, me déclare que je n'ai aucun pouvoir et qu'il n'a aucune confiance en moi. Ces propos insultants et menaçants et cette humiliation en présence de M. Z... et de Mme A... sont contraires au code éthique de la RATP et portent atteinte à mon intégrité physique et psychique. Je m'effondre en larmes et suis prise de tremblements. A l'issue de cette réunion, je suis accompagnée pour consulter l'espace santé où je suis reçue par le Docteur C... qui m'établit un CMI avec arrêt de travail du 04/12/12 au 11/12/12. » Le certificat médical initial du Dr C... en date du 04/12/12 vise des « signes cliniques de souffrance psychologique : pleurs, angoisse, insomnies, tremblements ». Le 07/12/12, la caisse en la personne de Mme A..., RRH, établit une deuxième déclaration d'accident du travail, reprenant entre guillemets les termes de la propre déclaration de Madame E..., précisant que le siège des lésions est la tête et la nature, un trouble psychologique. Cette déclaration sera suivie d'une lettre de réserves du 10/12/12 sous la signature de M. B..., où celui-ci rappelle le contexte des alarmes sociales déposées pour des pratiques managériales avec intimidations répétées, la teneur de l'entretien du 04/12/12, et où il indique avoir pris la parole notamment pour annoncer la nomination d'un PDG assumant la responsabilité des décisions prises en matière de AT/MP, concluant que « Madame E... s'était mise à pleurer ». Il en résulte que le 4 décembre 2012, durant le temps et sur le lieu du travail, la salariée s'est retrouvée en pleurs, ce qui constitue bien un fait en relation avec les conditions de travail. Même si le climat décrit apparaît difficile entre les protagonistes, peu importe qu'il y ait eu ou non des propos insultants, menaçants ou humiliants, dès lors qu'il est établi que ce jour- là précisément un fait soudain et particulier est survenu, la crise de larmes. Cet état de pleurs est confirmé notamment par Madame Martine F..., cadre, qui ajoute même des tremblements, tout comme M. Franck G..., agent de maîtrise, Mme H..., employée, M. Didier I..., employé. Le caractère lésionnel se déduit aussi du certificat médical dans lequel le médecin prescripteur évalue l'état comme suffisamment grave pour justifier un arrêt de travail. Le caractère professionnel de l'accident est donc établi et la caisse n'apporte aucun élément de nature à démontrer que cet état présenté par Madame E... le 4 décembre 2012 proviendrait d'une cause totalement étrangère au travail. En conséquence, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris » ;
AUX MOTIFS A LES PRESUMER ADOPTES QUE « il n'est pas contesté qu'un désaccord relatif au traitement d'un dossier et opposant le directeur de la CCAS à Madame E..., a été évoqué au cours de la réunion. Ce désaccord, qui constituait l'objet même de l'entretien, avait donné lieu au déclenchement d'une « alarme sociale » interne à l'entreprise, ainsi qu'à une enquête du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et revêtait de ce fait une certaine importance. Aussi, s'il n'est pas démontré que les souffrances psychologiques et l'état de stress constatés dans le certificat médical initial résultent de propos précis et circonstanciés qu'auraient tenus le directeur de la CCAS de l'époque, il apparaît que ces symptômes se sont manifestés concomitamment à la réunion de travail du 4 décembre 2012 lors de laquelle un désaccord a opposé la requérante à son employeur. Il s'ensuit que madame E... établit la matérialité de l'accident du travail dont elle se prévaut » ;
ALORS QUE l'accident du travail est un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle ; que la prise en charge d'une lésion au titre d'un accident du travail implique ainsi d'établir l'existence d'un fait accidentel à l'origine d'un dommage corporel, et ne saurait en aucun cas résulter de la seule apparition d'une pathologie au cours de son travail ; que la seule apparition d'un trouble psychique à la suite d'un entretien s'étant déroulé sans heurt ne saurait dès lors être qualifiée d'accident du travail, dès lors que, en cette hypothèse, le caractère accidentel du fait générateur fait défaut ; qu'au cas présent en jugeant que « Même si le climat décrit apparaît difficile entre les protagonistes, peu importe qu'il y ait eu ou non des propos insultants, menaçants ou humiliants, dès lors qu'il est établi que ce jour- là précisément un fait soudain et particulier est survenu, la crise de larmes »
(Arrêt p. 5), la cour d'appel a déduit la qualification d'accident du travail de l'apparition soudaine d'une lésion sans constater l'existence d'un fait accidentel à l'origine du trouble psychique de la salariée, et a ainsi violé l'article 77 du règlement intérieur de la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de RATP et l'article 3 du décret n° 2004-174 du 23 février 2004 relatif au régime de sécurité sociale du personnel.