CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10183 F
Pourvoi n° Z 17-15.086
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Biagio X..., domicilié [...]                          ,
contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2017 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Rémi Y..., domicilié [...]                                                      , venant aux droits d'D... Y...,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, débouté M. X... de l'intégralité de ses demandes, et notamment de sa demande tendant à voir condamner M. Rémi Y..., en qualité d'héritier de sa mère décédée, Mme Y..., à lui payer la somme de 54.000 euros ;
Aux motifs propres que « Sur la demande de M. X... : par application de l'article 1319 du code civil, l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ; que toutefois, s'agissant d'énonciation des parties et non pas de faits personnellement constatés par l'officier public, la preuve contraire est admise contre celles-ci, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'inscription de faux ; qu'en l'espèce, M. X..., pour contrer la mention contenue dans l'acte de vente du 2 août 2002 selon laquelle Madame Y... s'est acquittée du prix de vente, hors comptabilité du notaire et avant même la réitération du contrat en la forme authentique, se prévaut d'un document daté du 3 août 2002 aux termes duquel Madame Y... se reconnaîtrait toujours débitrice de la somme de 54.000 euros, expliquant qu'elle avait prétendu avoir payé le prix du terrain pour pouvoir obtenir un crédit de 122.000 euros, s'engageant à payer le prix au plus tard en décembre 2006 sur le vente des deux villas à édifier ou d'un autre bien immobilier, et précisant que, si elle venait à décéder son fils Rémi devrait payer le prix, y compris aux héritiers de M. X..., et ce, à titre de donation ; que ce document indique, en outre, qu'une copie de celui-ci serait remise au notaire chargé de la vente des villas ; que M. X... verse également un courrier en date du 20 octobre 2005 adressé par Maître A..., notaire à Vienne, à Madame Y..., ainsi rédigé : "J'ai bien reçu votre courrier concernant la création de votre frère de 54.000 euros pour l'acquisition du terrain, dont je prends note. Pourriez-vous m'indiquer si je dois faire état de votre demande immédiatement à votre fils qui risque de mettre en vente la seconde villa" ; que la cour observe que ce courrier visant la créance, et non la création, de Monsieur X..., est daté de 2005, soit plus de trois années après la rédaction de la prétendue reconnaissance de dette, sans que soit produite la lettre à laquelle ce courrier fait référence ni même copie de la reconnaissance de dette prétendument remise au notaire ; que par ailleurs, le document du 3 août 2002, versé en copie, rédigé par la compagne de Monsieur X..., commence par "je soussignée Madame Y... D... " porte sa seule signature sous la mention "Monsieur et Madame Y..." et présente un contenu incohérent visant, en toute fin, le versement de la somme litigieuse de 54.000 euros, aux héritiers de Monsieur X... à titre de donation ; que de surcroît, il n'est pas démontré, au regard du manque de concordance entre les divers exemplaires de signatures concernant Madame Y... produits, que celle-ci ait effectivement signé la reconnaissance de dette ; que dans ces conditions, le document du 3 août 2002 présente un caractère douteux sans force probante ; qu'enfin, Monsieur X... produit les attestations de Monsieur et Madame B... qui indiquent, qu'étant amis de la famille, ils connaissaient l'arrangement entre Monsieur X... et Madame Y... concernant cette somme de 54.000 euros ; que toutefois, les termes mêmes employés par les attestants qui indiquent avoir été contactés fin juin 2014 pour témoigner sur la reconnaissance de dette et sur le fait que Monsieur Y... leur a rappelé la soirée du 2 août 2002 et leur a donné les détails sur cette soirée, impose la plus grande prudence quant au caractère probant de ces témoignages : que par voie de conséquence, les nombreuses incohérences des éléments soumis à la cour justifient de débouter M. X... de sa demande en paiement et de confirmer le jugement déféré » (arrêt p. 3-4) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « les mentions d'un acte authentique selon lesquelles un paiement a été effectué hors la comptabilité du notaire ne font foi que jusqu'à preuve contraire ; mais qu'il appartient à celui qui a donné quittance dans l'acte authentique d'apporter cette preuve contraire ; qu'en l'espèce, M. Biagio X... prétend apporter cette preuve contraire en produisant la photocopie d'un document manuscrit de deux feuillets non numérotés, intitulé "Attestation" et indiqué comme réalisé en trois exemplaires daté du 3 août 2002, soit le lendemain de l'acte notarié portant quittance ; (
) qu'en outre, il apparaît manifestement rédigé par une autre personne que par Mme Y... au regard de la très importante différence de forme entre la signature et l'écriture manuscrite du texte ainsi que celle figurant sur les pièces de comparaison produite par M. Rémi Y... – où apparaissent une forme d'écriture bien plus proche de la signature que l'écriture de l'acte du 3 août 2002 ; qu'en outre, M. Rémi Y... produit plusieurs attestations mentionnant que Mme Y..., native d'Italie, ne sait pas écrire le français ; que dans ces conditions, la validité même du document du 3 août 2002 dont l'original n'est même pas produit et qui n'est absolument pas corroboré par une quelconque autre pièce apparaît sujette à caution et en toute hypothèse insuffisamment probant pour rapporter la preuve contraire de la quittance annoncée dans l'acte notarié du 2 août 2002 ; que M. E... X... doit en conséquence être débouté de ses demandes » (jugement p. 3) ;
1) Alors que le juge ne peut statuer en se fondant sur un acte dont l'écriture ou la signature est déniée sans procéder à une vérification d'écriture ; que la vérification d'écriture doit le conduire à trancher la question de la véracité de l'écriture ou de la signature contestée ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande en paiement, M. X... produisait une reconnaissance de dette de Mme Y... en date du 2 août 2002, dont la signature était contestée par M. Y..., venant aux droits de sa mère ; qu'énonçant, pour débouter M. X... de sa demande, qu' « il n'est pas démontré, au regard du manque de concordance entre les divers exemplaires de signatures concernant Madame Y... produits, que celle-ci ait effectivement signé la reconnaissance de dette », la cour d'appel, qui a statué sans trancher au préalable la question de la véracité de la signature de la reconnaissance de dette du 3 août 2002 dont elle a tenu compte, a violé l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
2) Alors que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, l'acte du 3 août 2002 produit par M. X... comportait deux signatures sous la mention « Monsieur et Madame Y... » ; qu'en énonçant que cet acte comportait la seule signature de Madame Y... sous cette mention, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'obligation du juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
3) Alors que les énonciations faites par les parties dans un acte notarié et ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public peuvent faire l'objet de la preuve contraire sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; qu'en se fondant en l'espèce, pour écarter la preuve contraire de l'énonciation de l'acte authentique du 2 août 2002 selon laquelle la somme de 54.000 euros avait déjà été payée hors la comptabilité du notaire, sur les circonstances que l'acte du 3 août 2002 indiquant que Mme Y... était toujours débitrice de cette somme portait la seule signature de Mme Y... sous la mention « Monsieur et Mme Y... », et visait, en toute fin, le versement de la somme litigieuse de 54.000 euros aux héritiers de Monsieur X... « à titre de donation », la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants à écarter cet élément, a violé l'article 1319 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4) Alors que les énonciations faites par les parties dans un acte notarié et ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public peuvent faire l'objet de la preuve contraire sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par un courrier du 20 octobre 2005, maître A..., notaire, accusait réception d'un courrier de Mme Y... portant sur la créance de 54.000 euros de M. X... au titre de la vente du terrain ; qu'en écartant néanmoins ce courrier, pour la circonstance que celui-ci était « daté de 2005, soit plus de trois années après la rédaction de la prétendue reconnaissance de dette, sans que soit produite la lettre à laquelle ce courrier fait référence ni même copie de la reconnaissance de dette prétendument remise au notaire », au lieu d'examiner la teneur même de ce courrier, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, en violation de l'article 1319 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5) Alors que la copie d'un acte sous seing privé est susceptible de valoir comme élément de preuve ; qu'en se fondant, pour dénier toute force probante à la reconnaissance de dette du 3 août 2002, sur la circonstance que cette dernière était versée « en copie », la cour d'appel a violé l'article 1348 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
6) Alors qu'en relevant, pour dénier toute force probante à la reconnaissance de dette du 3 août 2002, que celle-ci avait été rédigée par la compagne de M. X..., sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p.6,), si cette circonstance s'expliquait par l'aide habituelle apportée par Mme C..., compagne de M. X..., à Mme Y... qui connaissait des difficultés à écrire le français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1319 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.