COMM.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10135 F
Pourvoi n° H 16-24.818
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. François X...,
2°/ Mme Evelyne X...,
tous deux domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 28 juillet 2016 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Aurélie Lecaudey, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. François X...,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Z..., avocat général référendaire, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. et Mme X..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Aurélie Lecaudey, ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller, l'avis de Mme Z..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR autorisé la SELARL LECAUDEY ès qualités de liquidateur judiciaire de M. X... à poursuivre devant le tribunal de grande Instance de NEVERS en la forme de la saisie immobilière, la vente des immeubles de M. X... situés sur la commune de [...] (NIEVRE) et comprenant maison d'habitation, hangar, bergerie, garage, parcelles de prés, sur la mise à prix de 250 000 euros avec faculté de baisse de dixième en dixième jusqu'à adjudication en cas de carence d'enchères,
AUX MOTIFS QUE « (
) sur le caractère disproportionné de la saisie des biens de M. et Mme X... ; que la demande présentée par M. et Mme X... est fondée sur l'article L 121-2 du Code des procédures civiles d'exécution qui précise que "Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie"; qu'en l'espèce, la cour relève que l'assimilation de la SELARL LECAUDEY, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de M François X... avec le "créancier" visé par le Code des procédures civiles d'exécution n'est pas justifiée ; qu'en effet, la législation relative à procédure collective exige du mandataire liquidateur judiciaire, représentant des créanciers et non pas simple "créancier", de recourir à tous les moyens légaux pour parvenir à l'apurement du passif, et au besoin à la vente des biens du débiteur ; que s'agissant de la saisie immobilière des biens du débiteur, l'article L 642-18 du code du commerce prévoit expressément qu' « en cas de liquidation judiciaire d'un débiteur personne physique, le tribunal peut, en considération de sa situation personnelle et familiale, lui accorder des délais de grâce dont il détermine la durée pour quitter sa maison d'habitation principale » ; qu'en l'espèce, la durée de la procédure tant devant le juge commissaire qui a renvoyé l'examen de l'affaire et a mis plusieurs mois pour statuer d'une part, que d'autre part, devant cette cour du fait du sursis à statuer jusqu'à la décision du juge administratif, conduit à considérer que M. et Madame X... ont de facto bénéficié de larges délais pour quitter leur résidence principale ; que par ailleurs, des événements personnels tels que la perte d'un enfant, aussi tragiques soient-ils, ne peuvent constituer une cause d'objection l'accomplissement d'une procédure régulière et légitime ; qu'enfin, les époux X... qui invoquent les dispositions de l'article R 112-2 du Code des procédures civiles d'exécution qui énumère parmi "les biens insaisissables comme étant nécessaires d la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille" notamment "15°) les animaux destinés à la subsistance du saisi ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage" et "16° - les instruments de travail nécessaires à l'exercice personnel de l'activité professionnelle, ne justifient par aucune pièce produite aux débats, leur affirmation selon laquelle ils exploiteraient une activité agricole sur les parcelles visées dans la requête déposée par SELARL LECAUDEY, liquidateur judiciaire ; qu'en conséquence, la demande présentée par la SELARL LECAUD EY, liquidateur judiciaire de M. Français X..., sera acceptée (
) » (arrêt attaqué, pp. 3 et s.),
ALORS QUE 1°), dans leurs conclusions d'appel (pp. 18 et s.), M. et Mme X... invoquaient notamment l'insaisissabilité des biens qu'ils exploitaient dans le cadre d'une activité agricole ; que le liquidateur judiciaire ne contestait pas l'existence de cette exploitation agricole, mais prétendait simplement que « les règles régissant les procédures collectives sont d'ordre public et qu'il ne saurait y être dérogé » (conclusions du liquidateur, p. 7) ; qu'en jugeant que M. et Mme X... ne justifiaient pas « leur affirmation selon laquelle ils exploiteraient une activité agricole sur les parcelles visées dans la requête déposée par (le liquidateur judiciaire) », quand la réalité de cette exploitation agricole était un fait constant et non contesté, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), en toute hypothèse, le liquidateur judiciaire ne peut poursuivre l'apurement du passif d'un débiteur en recourant à des mesures portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile ; que M. et Mme X... faisaient notamment valoir que la demande du liquidateur judiciaire tendait à les priver de tous les biens dont ils avaient besoin pour vivre, en particulier de leur maison d'habitation ; que la vente sollicitée provoquerait inéluctablement leur ruine totale et qu'ils n'auraient plus aucun moyen de subsister ni de se loger (conclusions, pp. 16 et s.) ; qu'en se bornant à affirmer que « la législation relative à la procédure collective exige du mandataire liquidateur judiciaire (
) de recourir à tous les moyens légaux pour parvenir à l'apurement du passif, et, au besoin, à la vente des biens du débiteur », sans rechercher si, dans les circonstances particulières de l'espèce, cette vente était de nature à porter une atteinte totalement disproportionnée au droit de M. et Mme X... au respect de leur vie privée et familiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 642-18 du code de commerce et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.