SOC.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10289 F
Pourvoi n° N 16-21.143
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Ghislaine Y..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme Mélanie Y..., domiciliée [...] ,
3°/ M. Antoine Y..., domicilié [...] ,
agissant tous trois en qualités d'ayants droits de Thierry Y...,
contre l'arrêt rendu le 31 mai 2016 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Extreme, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Extrême Agency, société anonyme, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Les Corsaires, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2018, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme Ghislaine Y... et Mme Mélanie Y... et M. Antoine Y..., ayants droits de Thierry Y..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Extreme, de la société Extrême Agency et de la société Les Corsaires ;
Sur le rapport de M. Maron, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Ghislaine Y... et Mme Mélanie Y... et M. Antoine Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme Ghislaine Y..., Mme Mélanie Y... et M. Antoine Y...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le contredit et dit que le greffe transmettrait le dossier de l'affaire au greffe du tribunal de commerce de Nanterre ;
Aux motifs propres que le groupe Extrême, composé des trois sociétés défenderesses au contredit et spécialisé dans la conception et la réalisation de solutions publicitaires, a été fondé par MM. Y... et A... ; qu'en 1995, ceux-ci ont été rejoints par M. B... qui, courant 2000, est devenu président ; qu'une mésentente s'est instaurée entre les trois associés et le 1er octobre 2006 a été signé un protocole d'accord, entre M. Y..., d'une part, et les sociétés Les Corsaires et Extrême Agency, d'autre part - lesdites sociétés respectivement représentées par M. A... et M. B... ; qu'aux termes de ce protocole, ont été convenues notamment les dispositions suivantes : - la cession par M. Y... aux deux sociétés contractantes de 10 des 25 % de ses actions dans le capital d'Extrême Agency - le maintien de M. Y... comme directeur général délégué et directeur technique de la société Extrême Agency moyennant le versement de la rémunération mensuelle de 2 000 euros - l'absence d'horaire fixe pour M. Y... ce dernier « s'obligeant » effectuer, toutefois, un minimum hebdomadaire de 11 heures, étant précisé que cette rémunération devrait évoluer « dans les mêmes proportions que celle de M. A... » ; - le versement d'une indemnité de 385 000 euros à M. Y... par la société Extrême Agency en cas de rupture unilatérale du contrat de travail de M. Y... à l'initiative de cette société, sauf cas de faute grave ou lourde - la convention stipulant expressément que les héritiers de M. Y... bénéficieraient des droits résultant de celle-ci, en cas de décès de M. Y... ; que M. Y... a mis fin à ses jours le 17 mars 2009 ; que son épouse et ses enfants, les consorts Y..., estimant que le dispositions du protocole du 1er octobre 2006 n'avaient pas été respectées, ont attrait les trois sociétés devant le conseil de prud'hommes, le 3 avril 2012, afin de voir juger que M. Y... n'avait pas été réglé des salaires qui lui étaient dus en vertu du contrat de travail le liant à la société Extrême et de voir condamner en conséquence les trois sociétés au paiement de la somme de 192 000 euros à titre de rappel de salaire, en soutenant également que M. Y... avait subi un harcèlement moral de la part de MM. B... et A... ; que par le jugement frappé de contredit, le conseil de prud'hommes a fait droit à l'exception d'incompétence au profit de la juridiction commerciale, soulevée par les sociétés, fondée sur la prétendue absence de contrat de travail entre elles et M. Y... ; que, comme en première instance, les consorts Y... font plaider que M. Y... aurait démissionné de ses mandats sociaux en 2006 et disposait bien d'un contrat de travail, en qualité de directeur technique au sein de la société Extrême Agency qui le rémunérait avant de refacturer le coût de son salaire à la société Extrême ; mais qu'à supposer que la convention du 1er octobre 2006 puisse valoir formalisation d'un contrat de travail entre les parties - alors que les fonctions prétendument salariées n'y sont pas décrites, non plus que les modalités de la subordination à laquelle M. Y... aurait été astreint - les défenderesses au contredit rappellent que l'existence d'un contrat de travail ne trouve sa démonstration que par la preuve du lien de subordination qui aurait lié M. Y... à une autorité supérieure quelconque dont il aurait été tenu de suivre les instructions et à laquelle il aurait dû rendre compte de son travail ; que les éléments versés aux débats attestent d'une absence totale de subordination de M. Y... dans l'exercice de sa collaboration pour le compte de la société Extrême Agency dont il était le fondateur et encore l'associé, avec plus de 10 % d'actions après la cession de 2006 ; que l'ensemble des attestations versées de part et d'autre témoignent, certes, des qualités humaines et des compétences manifestées par M. Y..., mais ne contiennent aucun élément relatif aux conditions d'exécution de ses prestations par M. Y... donnant à penser que cette exécution se faisait sous le contrôle de qui que ce soit, avant comme après 2006 ; que la cour ne peut dans ces conditions que faire siens les motifs pertinents du conseil de prud'hommes - sous réserve de la qualification de « cadre dirigeant », attribuée à tort par les premiers juges à M. Y... puisque celle-ci aurait fait de l'intéressé, un salarié ; que par une exacte appréciation des attestations, notamment, produites, nullement remise en cause devant la cour, le conseil a estimé qu'en dépit d'une certaine apparence, la réalité des faits ne militait pas en faveur d'un lien de subordination entre M. Y... et la société Extrême ou l'une des autres sociétés du groupe - et qu'en l'absence de preuve de toute subordination de M. Y..., ce dernier ne pouvait être considéré comme titulaire d'un contrat de travail effectif - les termes de la convention du 1er octobre 2006 qualifiant, d'ailleurs, M. Y... de « consultant » pour les trois sociétés en lui ménageant une parfaite latitude en matière d'horaire et autres contraintes de travail ; qu'il convient de rejeter le contredit des consorts Y... et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre, ainsi qu'il est dit au dispositif ;
Et aux motifs adoptés qu'il n'est pas démontré par les défenderesses à l'exception que l'article 3 du protocole n'est pas autre chose qu'une apparence de contrat de travail utilisant les termes ayant trait au salariat (indemnités légales de licenciement, contrat de travail, salaire mensuel
), destinée seulement à fixer les éléments financiers de la fin d'une collaboration (
) ; que le conseil ayant constaté de l'ensemble des faits et documents exposés, l'absence de réalité du statut de salariat, M. Y... ne justifiant pas avoir exécuté son activité sous l'autorité d'un employeur lui ayant donné des ordres et des directives, en ayant contrôlé l'exécution et avoir sanctionné ses manquements et donc qu'il n'a pu se trouver à un quelconque moment dans un lien de subordination avec les sociétés du groupe Extrême, dont il était mandataire social, le litige n'oppose pas un employeur et un salarié ;
Alors 1°) que les juges ne peuvent statuer par voie d'affirmation ; qu'en ayant retenu que « les éléments versés aux débats attestent d'une absence totale de subordination de M. Y... dans l'exercice de sa collaboration pour le compte de la société Extrême Agency », sans indiquer sur quelle pièce elle se fondait pour affirmer une telle circonstance, pourtant expressément contestée par les consorts Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que la qualité d'associé non-gérant n'est pas exclusive de celle de salarié ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. Y... était le fondateur de la société Extrême Agency et encore son associé, avec plus de 10 % d'actions après la cession de 2006, inopérante pour écarter un travail de M. Y... dans un lien de subordination à l'égard de cette société, et à plus forte raison à l'égard de sa filiale la société Extrême, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Alors 3°) qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que M. Y... avait démissionné en octobre 2006 de tous ses mandats sociaux pour demeurer seulement directeur technique et que des bulletins de paie avaient continué à être émis à ce titre, n'établissaient pas l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Alors 4°) et subsidiairement qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient au juge de rechercher si la preuve de son caractère fictif est rapportée par le ou les employeurs apparents ; que les premiers juges avaient relevé que l'article 3 du protocole était une « apparence de contrat de travail » et que l'arrêt a constaté une « certaine apparence » d'un lien de subordination de M. Y... envers la société Extrême ou l'une des autres sociétés du groupe ; qu'il est constant que des bulletins de paie ont été délivrés par la SAS Extrême à M. Y... pendant 7 ans (2003-2010), produits aux débats, que les salaires correspondants ont été payés et les cotisations sociales afférentes versées ; que le protocole d'accord du 1er octobre 2006 mentionne que M. Y... était « maintenu » directeur général délégué et directeur technique de la société Extrême Agency, moyennant une rémunération mensuelle de 2 000 euros et qu'il percevrait une indemnité en cas de rupture unilatérale de son « contrat de travail » par la société Extrême Agency ; qu'en décidant néanmoins qu'en l'absence de preuve de toute subordination « entre M. Y... et la société Extrême ou l'une des autres sociétés du groupe », ce dernier n'était pas titulaire d'un contrat de travail effectif, cependant qu'il résultait de ses propres constatations et des éléments acquis aux débats, l'existence de contrats de travail apparents tant à l'égard de la société holding Extrême Agency que de sa filiale Extrême, dont il lui appartenait donc de rechercher si la preuve de leur caractère fictif était rapportée par les employeurs apparents, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1315 du code civil ;
Alors 5°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en ayant relevé que les termes de la convention du 1er octobre 2006 qualifiaient M. Y... de « consultant » pour les trois sociétés en lui ménageant une parfaite latitude en matière d'horaire et autres contraintes de travail, la cour d'appel a dénaturé par omission ce protocole qui se référait, à plusieurs reprises, à l'existence d'un contrat de travail ; que la cour d'appel a ainsi méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.