CIV.3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10131 F
Pourvoi n° P 17-13.972
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Alain X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant à Mme Caroline Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 janvier 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. X..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à Mme Y... de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir enjoint, sous astreinte, à M. X... de procéder à divers travaux sur son immeuble sis [...] , et de l'avoir condamné à payer la somme de 4.000 € à Mme Y... à titre provisionnel, à valoir sur la liquidation de son préjudice ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, « le président peut toujours; même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état .qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour, faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; que l'existence d'une contestation sérieuse n'empêche pas que le juge des référés puisse ordonner des mesures préventives ou destinées à faire cesser un trouble dès lors qu'il est constaté son caractère manifestement illicite ; que selon son rapport d'expertise, M. A... a relevé dans la pièce en marteau, au rez-de chaussée, à l'arrière du bâtiment principal du n°66, des tâches d'humidité dans le plâtre qui habille le mur séparatif entre le n°66 et le n°68, et que l'autre face de ce mur, côté n°68; n'est plus protégé contre la pluie et ses effets ; qu'il est également relevé des tâches d'humidité sur les plâtres du mur séparatif aux 1er et 2ème étages ; que côté n°68, l'expert a observé que la façade et la couverture ainsi que les planchers du bâtiment sur rue avaient été refaits ; qu'il a noté que les huisseries extérieures n'étaient pas encore posées, que les bouchements provisoires des baies de la façade sur rue n'étaient pas satisfaisantes et n'empêchaient pas des intrusions de tiers ; qu'il était facile de rendre efficacement hors d'eau ce bâtiment en le laissant ventiler ; qu'il a précisé en réponse aux dires qu'il n'y a plus de présence d'humidité dans le volume principal de l'habitation de Mme Y... mais qu'elle est encore existante dans le grand mur arrière ; qu'il a encore relevé que le bâtiment central était en ruine, à démolir complètement sauf peut-être sa façade arrière ce qui impliquerait d'intervenir sur les murs séparatifs entré le n°68 et le 66 ; que selon le rapport, il existe un risque de voir des plaques d'enduit se décoller sur le mur écrêté de Mme Y..., au niveau du bâtiment central du n°68 après un hiver avec un fort gel ; qu'en effet, il est noté que le parement du mur côté n°68 est en briques vétustes, que l'eau y pénètre et que l'enduit du mur côté n°66 est fissuré ; que l'expert indique que si des poutres cassent dans le volume central du n°68, il-y a un risque de voir les murs séparatifs se déformer par flambage et même de déchausser des briques ; qu'il a relevé sur ce point que le volume intermédiaire était en ruine, que la charpenté était pourrie, que la toiture n'existait plus, que les bâches sommaires n'empêchaient pas la pluie de ronger les bois du solivage des planchers, ce qui provoquait ce risque de voir les poutres principales se briser ; qu'il a encore relevé que le mur séparant les deux cours est en mauvais état, bien plus du côté n°68 que .66, que le mortier des joints est érodé ou a disparu et qu'une rangée de pierres calcaires se brise à 30 cm sous le couvre-mur de sorte qu'elles tombent en cassons sur le dallage du n°66 ; que l'expert indique que le mur est humide et que l'eau ronge le mortier des joints, que le gel fait gonfler l'eau et fait éclater les pierres ; qu'il conclut à la nécessité de réparer ou de remonter complètement cette portion du mur comprise entre l'arrière du volume central du n°68 et l'avant du volume en fond de parcelle ; que ce mur séparatif est vraisemblablement mitoyen sans que cela soit déterminé avec certitude selon le rapport et, en tout état de cause, M. X... ne prétend pas qu'il serait la propriété privative de Mme Y... ; qu'il lui appartient donc de l'entretenir au moins pour la partie dont il est propriétaire ; qu'enfin, l'expert fait observer que la surélévation du terrain de Mme Y..., à une date indéterminée et peut-être très ancienne, et la poussée des terres en résultant n'est pas à l'origine de toutes les dégradations du mur ; que s'agissant du bâtiment arrière, M. A... a indiqué qu'il était réparable, qu'il était urgent de refaire la charpente et la zinguerie de la toiture pour faire cesser la dégradation du haut des murs, notamment celui qui surplombe le fond du terrain du n° 66, où les briques et les pierres tombent en partie sur le sol de la cour ; que les murs de ce bâtiment étaient affectés de fissures ; qu'il a noté que ce mur ne présentait pas de signes de mitoyenneté ; que l'expert a en effet émis son avis sur un projet global de réhabilitation de l'immeuble mais il se limite à l'enveloppe des volumes et à leur structure, à la mise hors eau.et hors d'air conclut clairement à la nécessité de réaliser les travaux nécessaires pour faire, cesser les trouble de jouissance subis par Mme Y... et éviter la réalisation de risques, notamment quand les poutres traversantes du bâtiment central en ruine casseront ; que dès lors qu'il est constaté que de l'absence d'entretien de son immeuble, il résulte des risques pour la sécurité des personnes et pour la pérennité de l'immeuble voisin, dont certains se sont déjà réalisés, telle la présence de tâches d'humidité, la chute de briques, la demande de travaux est justifiée ; que l'astreinte s'impose pour assurer l'exécution de la décision, en considération notamment du temps écoulé depuis l'apparition des désordres et l'arrêté de péril ; qu'en conséquence, il convient de retenir les travaux suivants que M. X... devra faire réaliser, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant 6 mois : démolition du bâtiment central (point 8.1 du rapport de M. A...), mise en place d'un. couvre-mur scellé au-dessus du mur séparatif haut, écrêté entré les n°66 et 68 (point 8.2), réfection du mur de soutènement entre les deux cours (point 8.3), nettoyage et reprise du parement du mur entre le n°66 et le n°68, depuis la façade .arrière du bâtiment sur rue jusqu'à la façade arrière du bâtiment central (point 8.4), mise à sec de la toiture du bâtiment arrière- (point 8.5), réparation de l'enduit habillant la face vue du mur entre le n°66 et le-n°68 au-dessus des volumes arrières du n°66 et au-dessus du jardin, jusqu'au mur bas entre les deux terrains (point 8.6), réfection du réseau d'évacuation des eaux de pluie (point 8.7) ; que sur la demande de provision, l'expert a retenu que les infiltrations qui perdurent dans les zones arrières de la propriété de Mme Y..., ainsi que le surcoût de frais de chauffage induits par l'absence de fermeture efficace et donc d'isolation au vent et au froid, entraînent un préjudice de jouissance qui peut être évalué à 195 € par mois ; que ce préjudice est établi au vu des conclusions du rapport d'expertise et du procès-verbal de constat établi par l'huissier de justice le 12 septembre 2013 ; que l'évaluation de l'expert, représentant 15% du montant d'un loyer mensuel (1.300 €) mérite d'être retenue ; qu'en conséquence, il convient de condamner M. X... à payer à Mme Y... la somme de provisionnelle de 4.000 € à valoir sur son préjudice ;
1°) ALORS QUE le juge peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent est celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente se perpétue ; que M. X... faisait valoir que les désordres se limitaient à des tâches d'humidité et que l'expert judiciaire ne faisait qu'évoquer des désordres hypothétiques qui pourraient intervenir pendant la période d'hiver en cas de fort gel (concl., p. 3 § 5 et s.) ; que la cour d'appel a constaté que l'expert judiciaire avait relevé qu'il existait un risque de voir « les plaques d'enduit se décoller sur le mur écrêté de Mme Y..., au niveau du bâtiment central du n° 68, après un hiver avec un fort gel » et que « si des poutres cassent dans le volume central du n° 68, il y a un risque de voir les murs séparatifs se déformer par flambage et même de déchausser des briques » (arrêt, p. 4 § 7 et 8) ; qu'en jugeant, pour enjoindre à M. X... de faire réaliser divers travaux, qu'il résultait de l'absence d'entretien de son immeuble des risques pour la sécurité des personnes et pour la pérennité de l'immeuble voisin, sans caractériser le caractère sérieux des risques relevés et par conséquent le caractère imminent des dommages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article de l'article 809 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, le motif dubitatif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant, pour enjoindre à M. X... de faire réaliser divers travaux, dont la réfection du mur de soutènement entre les deux cours, que ledit mur était « vraisemblablement mitoyen, sans que cela ne soit déterminé avec certitude selon le rapport » et qu'il « appartient donc [à M. X...] de l'entretenir, au moins pour la partie dont il est propriétaire » (arrêt, p. 5 § 2), la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif dubitatif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en l'espèce, Mme Y... affirmait que le mur séparatif était mitoyen (concl., p. 2 § 4) ; qu'en jugeant, pour enjoindre à M. X... de faire réaliser divers travaux, dont la réfection du mur de soutènement entre les deux cours, que ledit mur était vraisemblablement mitoyen car « M. X... ne prétend pas qu'il serait la propriété privative de Mme Y... » et qu'il « lui appartient donc de l'entretenir, au moins pour la partie dont il est propriétaire » (arrêt, p. 5 § 2), tandis que l'absence d'affirmation par M. X... du caractère privatif du mur ne valait pas à lui seul reconnaissance de son caractère mitoyen, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement, M. A..., expert judiciaire, a indiqué dans son rapport, s'agissant du mur séparatif entre les deux cours, qu'« il y a très vraisemblablement la poussée de terres du terrain du 66 qui participe à la dégradation de ce mur ; on ignore quand le niveau du sol de la cour a été surélevé » (rapport, p. 14 § 2) ; que la cour d'appel a relevé que l'expert judiciaire avait observé que « la surélévation du terrain de Mme Y..., à une date indéterminée et peut-être très ancienne et la poussée des terres en résultant, n'était pas à l'origine de toutes les dégradations du mur » (arrêt, p. 5 § 2) ; qu'il résulte ainsi des constatations de la cour d'appel que le mauvais état du mur qu'elle a relevé était imputable, en partie à tout le moins, à Mme Y... ; qu'en enjoignant néanmoins à M. X... de faire réaliser divers travaux, dont la réfection du mur de soutènement entre les deux cours, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE l'existence d'une contestation sérieuse fait obstacle à l'octroi d'une provision en référé ; que Mme Y... soutenait qu'elle subissait un trouble de jouissance en raison de l'humidité persistante dans son immeuble et demandait à la cour d'appel de condamner M. X... à lui payer la somme de 4.500 € à titre de provision (concl., p. 10 § 10, p. 11 § 7) ; que M. X... faisait valoir que les désordres constatés par l'expert judiciaire « avaient pour origine » le fait de Mme Y... elle-même et que « l'hypothèse d'une absence de ventilation avait été clairement évoquée » (concl., p. 3 § 5 et 7), de sorte qu'il résultait de ces écritures que les tâches d'humidité étaient dues à l'absence de ventilation de l'immeuble de Mme Y... ; qu'en jugeant, pour condamner M. X... à payer à Mme Y... la somme provisionnelle de 4.000 €, que les infiltrations et le surcoût des frais de chauffage avaient causé un préjudice de jouissance à Mme Y..., sans examiner le caractère sérieux de la contestation opposée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile.