SOC.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10271 F
Pourvoi n° X 16-27.661
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 avril 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Jolie France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2016 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Claire Y..., domiciliée [...] ,
2°/ à Pôle emploi de Honfleur, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Mme Y... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2018, où étaient présentes : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme L..., conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Jolie France, de Me Z..., avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme L..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation des pourvois principal et incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Jolie France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a condamné la société JOLIE FRANCE à payer à Madame Y... les sommes de 3192,61 euros à titre de rappel pour heures supplémentaires et de 319,26 euros à titre de congés payés afférents, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... expose qu'elle ne faisait pas 35 heures mais 42 heures de travail par semaine, travaillant tous les jours de la semaine de 10h à 12h15 et de 13h à 16h45 ; qu'elle se prévaut des attestations susvisées aux tenues desquelles les témoins qui attestent des conditions dans lesquelles ils ont été en mesure de constater sa présence jusqu'au 11 novembre attestent également de ses horaires ; que Mme A..., qui a tenu un stand les 6 et 7 octobre 2012 à proximité de la billetterie atteste que Mme Y... était à son travail dès 10 heures du matin jusqu'à 16h45 et qu'elle l'a vue faire une pause de 12h30 à 13 h ; que Mme B... atteste avoir vu, passant chaque jour devant la billetterie pour se rendre à son travail, Mme Y... à son poste tous les matins à 10h et les après-midis aux alentours de 15h30, outre l'avoir vue passer devant la crêperie où elle travaille entre 12h15 et 13 h ; que M. C... atteste qu'à chaque fois qu'il venait voir son épouse qui conduisait le petit train touristique il constatait que Mme Y... était à son guichet dès 10h ; que Mme D..., qui indique qu'elle faisait les remplacements pour le petit train de HONFLEUR qui se gare devant la billetterie, atteste que Mme Y... travaillait de 10h à 12h15 et de 13h à 16h45 tous les jours de la semaine ; que la société JOLIE FRANCE objecte sans être contestée que les horaires du train étant pour l'après-midi 16h30 et 17h30 et la tournée durant 45 minutes, cette personne ne pouvait affirmer avoir constaté une présence à la billetterie à 16h45 ; que Mme E... atteste que, passant tous les jours devant la billetterie pour se rendre chez sa mère, elle peut affirmer que Mme Y... était bien à son poste de 10h à 12h15 et de 13h à 16h45 tous les jours de la semaine ; qu'il est certes établi que les horaires de départ du bateau JOLIE FRANCE étaient 11h30, 14h30 et 16h30, mais ceci ne renseigne pas sur les horaires de la billetterie ni n'exclut un minimum de travail à accomplir après le dernier départ ; que Mme Y... conclut encore expressément, et sans que ses conclusions appellent quelque critique que ce soit, qu'en première instance, l'employeur avait produit une attestation de Mme E... attestant qu'elle travaillait de 10h/l0h30 à 12h/12h30 et de 13h/13h30 à 16h30, une attestation de Mme F... indiquant que les horaires des saisonniers étaient de 10 à 12h et de 13h30 à 16h30 et que dans sa réponse à l'inspecteur du travail, l'employeur indiquait qu'elle s'absentait 1 heure pour déjeuner ; que force est de relever que Mme Y... étaye en conséquence sa demande et que la société JOLIE FRANCE ne produit aucun élément de nature à justifier les horaires effectués (qu'elle prétend être de 10h30 à 12 h et de 13h30 à 16h30, ce qui au demeurant ne représente pas 35 heures), le livre de caisse produit aux débats qu'elle ne prend pas la peine d'analyser et de commenter de façon précise pour indiquer quels seraient les jours où Mme Y... n'aurait pas travaillé et les raisons des absences de sorties, ne prouvant rien quant aux horaires effectués puisque l'absence de sortie, à raison semble-t-il du mauvais temps, ne prouve rien quant aux conditions et circonstances d'ouverture de la billetterie ;
ALORS QUE, premièrement, la charge de la preuve de l'accomplissement des heures supplémentaires n'incombe à aucune des deux parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux heures de travail effectivement réalisées pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en décidant, en l'espèce, que Madame Y... avait produit des éléments suffisamment précis pour établir l'accomplissement d'heures supplémentaires tout en constatant qu'il résultait des attestations versées aux débats que Madame Y... était à son guichet dès 10h le matin au plus tôt, qu'elle prenait une pause méridienne d'une durée variant entre une demi-heure et une heure et qu'elle quittait son poste à 16H30, de sorte qu'elle accomplissait au maximum six heures de travail journalier, à savoir au maximum trente heures sur cinq jours ouvrables, ce en l'absence de production d'éléments de preuve relatifs à l'accomplissement de travaux annexes avant ou après l'ouverture du guichet, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, le salarié ne peut prétendre au paiement d'un complément de salaire correspondant à l'accomplissement d'heures supplémentaires que lorsqu'il a accompli en dehors de son horaire contractuel un travail effectif commandé par l'employeur ou exigé par sa charge de travail ; de sorte qu'en accueillant la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies par Madame Y... sans s'interroger sur le point de savoir si l'intégralité des heures de présence à la billetterie correspondait à un travail effectif commandé par l'employeur ou imposé par sa charge de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a condamné la société JOLIE FRANCE à payer la somme de 13386,47 euros à Madame Y... au titre de l'indemnité de travail dissimulé, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
AUX MOTIFS QUE les circonstances de non prise en compte des heures supplémentaires qui viennent d'être exposées induisent nécessairement une intention de dissimulation ;
ALORS QUE, premièrement, la cassation sur un chef de dispositif relatif aux heures supplémentaires est de nature à entraîner la cassation par voie de conséquence d'un chef de dispositif relatif au travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt attaqué à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif aux heures supplémentaires entraînera par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif de l'arrêt condamnant la société JOLIE FRANCE au paiement d'une indemnité de travail dissimulé, ce en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, la dissimulation partielle d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; de sorte qu'en décidant que l'employeur avait intentionnellement dissimulé une partie du travail effectué par Madame Y... en se bornant à affirmer que la non prise en compte d'heures supplémentaires accomplies par celle-ci induisait nécessairement une intention de dissimulation sans caractériser une telle intention de l'employeur ni même constater des circonstances de fait qui permettraient d'en déduire une telle intention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par Me Z..., avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée du 16 octobre 2012 en contrat de travail à durée indéterminée, à ce qu'il soit jugé que la rupture de ce contrat de travail constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de la société Jolie France à lui payer les sommes de 2.500 euros à titre d'indemnité de requalification, 2.500 euros pour non-respect de la procédure de licenciement, 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4.462,16 euros à titre d'indemnité de préavis et 446,21 euros au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... soutient qu'il n'est pas possible de recourir à un contrat saisonnier pour une durée qui ne correspond pas à celle de la saison, ce à quoi la société Jolie France objecte qu'elle exerce une activité saisonnière de promenades en bateau sur le port d'Honfleur du 1er avril au 31 octobre de chaque année, que c'est dans ces conditions que Mme Y... a été embauchée à compter du 7 avril 2012 dans le cadre d'un contrat initiative emploi puis du 16 au 31 octobre pour la fin de la saison. Il est constant que le contrat à durée déterminée conclu au titre du CIE est effectivement dérogatoire aux dispositions des articles L 1242-1 et L 1242-2 du code du travail et c'est donc un contrat spécifique et non un contrat saisonnier qui a été conclu en premier lieu. Il n'est nullement contesté par l'appelante que l'emploi occupé à l'occasion de la conclusion du contrat à durée déterminée du 16 au 31 octobre correspondait à une activité saisonnière et rien n'oblige à conclure un seul contrat pour le temps complet de la saison, de sorte qu'aucune requalification n'est encourue de ce chef. Mme Y... prétend en outre à la requalification au motif qu'elle a travaillé jusqu'au 11 novembre, ce qui est contesté par la société Jolie France qui soutient que, si quelques sorties ont été effectuées au début du mois, la billetterie a été tenue non par Mme Y... mais par Mme G..., épouse du gérant. Il est établi que la société assure des promenades en bateau pendant les vacances de la Toussaint qui, en 2012, s'achevaient le 11 novembre et Mme Y... verse aux débats sept attestations de personnes affirmant que celle-ci tenait la billetterie jusqu'au 11 novembre 2012. Si certains témoins expliquent leurs constatations par leurs passages réguliers devant la billetterie ou leur travail à proximité, d'autres n'indiquent en rien dans quelles circonstances ils ont pu procéder à leurs constatations. Par ailleurs, l'un des témoins, M. H..., qui se présente comme capitaine du bateau HS/Bizet et atteste que ce bateau terminant sa saison le 11 novembre il est en mesure d'attester que Mme Y... tenait la billetterie jusqu'à cette date, indique qu'il faisait escale tous les 10 jours tandis que la société Jolie France produit un écrit du surveillant de port indiquant que ce bateau, sorti le 28 octobre, est entré le 11 novembre à 19h10, ce qui ne permettait pas la constatation prétendument faite. La société Jolie France produit quant à elle, outre de celle de Mlle G... (dont le nom n'exclut pas un lien de parenté avec le gérant) et celle de M. I... qui se borne à affirmer avoir vu Mme G... J... "dans" la billetterie, les attestations de deux personnes affirmant que c'était bien Mme G... qui, pour les quelques sorties du mois de novembre 2012, tenait la billetterie, Mme K... précisant que c'est parce qu'elle vend du poisson sur le quai qu'elle a été en mesure de faire cette constatation. Il en résulte que les attestations se contredisent et le seul fait que les sorties en mer n'ont pas cessé le 31 octobre n'explique pas la poursuite du contrat dès lors qu'il est expliqué et attesté que l'épouse du gérant tenait la billetterie (arrêt attaqué pp. 3-4) ;
ALORS, d'une part, QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions d'appel des parties ; que dans ses conclusions d'appel (p. 5 al. 4 à 6), Mme Y... faisait valoir que "le contrat conclu du 16 au 31 octobre 2012 ne correspond (
) pas un renouvellement de contrat mais à un second contrat dont il est précisé qu'il a été conclu "pour la fin de la saison", que "la fin de la saison" ne constitue pas un cas de recours au contrat à durée déterminée" et que "le contrat à durée déterminée "saisonnier" du 16 octobre 2012 devra donc être requalifié en contrat à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit" ; qu'en énonçant "qu'il n'est nullement contesté par l'appelante que l'emploi occupé à l'occasion de la conclusion du contrat à durée déterminée du 16 au 31 octobre correspondait à une activité saisonnière, la cour d'appel a dénaturé les écritures de Mme Y... et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, d'autre part, QUE le caractère saisonnier d'un emploi se caractérise par des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectif ; qu'en retenant que le contrat de travail conclu du 16 au 31 octobre 2012 correspondait à un travail saisonnier au seul motif qu'un tel contrat n'a pas à être conclu pour le temps complet de la saison sans constater que Mme Y... avait été affectée à l'accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1242-2, 3° du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande tendant à la condamnation de la société Jolie France à lui payer la somme de 1.000 euros pour défaut de visite médicale d'embauche ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur oppose le fait qu'il a adressé la déclaration unique d'embauche le 7 mai 2012 qui comprend la demande d'un tel examen, ce qui cependant ne suffit pas à établir le respect de son obligation ; cependant, la même observation que ci-dessus doit être faite en l'absence de tout énoncé et justification d'un préjudice (arrêt attaqué p. 5) ;
ALORS QUE l'obligation pour l'employeur d'organiser une visite médicale d'embauche est d'ordre public, et qu'à défaut, il en résulte nécessairement un préjudice pour le salarié ; qu'en constatant que l'employeur n'établissait pas avoir respecté son obligation à cet égard puis en écartant la demande indemnitaire de Mme Y... au motif que celle-ci ne justifiait pas d'un préjudice, cependant qu'il lui appartenait d'apprécier elle-même le préjudice nécessairement subi par Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article R.4324-10 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande tendant à la condamnation de la société Jolie France à lui payer la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... indique n'avoir bénéficié d'aucun repos hebdomadaire d'avril à novembre. La société Jolie France oppose les dispositions de l'article L 3132-7 du code du travail qui autorise à différer le repos hebdomadaire dans les branches d'activité à caractère saisonnier. Cependant, comme le soutient Mme Y..., elles n'en imposent pas moins que le salarié bénéficie au moins de deux jours de repos par mois, ce qui n'a pas été le cas. Cependant, force est de relever que Mme Y... expose que cette situation la rend bien fondée à demander des dommages et intérêts, sans même indiquer avoir subi un préjudice ni encore moins en préciser la nature et le justifier, ce qui conduit au rejet de sa demande (arrêt attaqué p. 5) ;
ALORS QUE dans le cadre d'un contrat saisonnier, le salarié doit nécessairement bénéficier de deux jours de repos par mois ; qu'après avoir constaté que Mme Y... n'avait pas bénéficié de ce temps de repos dans le cadre du contrat de travail conclu à compter du 7 avril 2012, la cour d'appel ne pouvait la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts au motif qu'elle ne justifiait pas d'un préjudice, le manquement de la société Jolie France à ses obligations ayant nécessairement causé à Mme Y... un préjudice qu'il lui appartenait d'évaluer, sans violer l'article L.3132-7, aliéna 1er, du code du travail.