SOC.
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme GOASGUEN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10270 F
Pourvoi n° Q 16-27.539
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Sanofi-Aventis France, société anonyme, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,
contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme Brigitte Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2018, où étaient présentes : Mme Goasguen, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Sanofi-Aventis France, de la SCP Bénabent, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sanofi-Aventis France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sanofi-Aventis France
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Sanofi Aventis France à payer à Madame Brigitte Y... la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de la décision, ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « Madame Brigitte Y... expose que pèse sur l'employeur une obligation d'information et de bonne foi que la société n'a de toute évidence pas respectée et qui lui a causé un préjudice ; que la fiche estimative du calcul de l'indemnité ne fait pas référence à la pondération que l'employeur lui a appliqué pour diminuer la rente et que lors de la réunion générale d'information il lui a précisé que la rente définitive ne pouvait être inférieur au montant dans ce document ; que de même la notice d'information sur le dispositif remis au salarié ne fait pas référence à cette proratisation et que si elle avait connu le montant définitif de la rente qui ne lui a été présenté que 14 mois après la rupture du contrat, elle n'aurait pas adhéré au dispositif de cessation anticipée d'activité, alors qu'elle n'était âgée que de 54 ans, et était empêchée par ce dispositif de reprendre toute activité professionnelle jusqu'à la liquidation de ses droits à la retraite ou de s'inscrire auprès de pôle emploi en tant que demandeur d'emploi. Elle estime que le manquement de la société, tout en la rendant entièrement dépendante de la rente versée par elle, réduisait celle-ci de 74 520,78 euros sur la durée considérée, qu'elle n'a pas été informée que l'estimation du montant de sa rente mensuelle présentait un prétendu caractère aléatoire et qu'il ne s'agit pas seulement d'une perte de chance d'obtenir ce montant mais bien d'une perte de revenus sur la période considérée qui constitue un préjudice qui ne peut qu'être évalué au montant de cette perte. La SA SANOFI AVENTIS FRANCE répond que la salariée a, le 4 avril 2011, été destinataire d'une note interne synthétisant les principales mesures sociales d'accompagnement prévues au sein du plan de sauvegarde de l'emploi et présentant le dispositif de cessation anticipée d'activité et qu'aux termes de cette note, il était clairement spécifié, s'agissant des modalités de calcul de la rente et pour les collaborateurs à temps partiels à la date d'adhésion au dispositif, de la prise en compte du taux d'activité sur l'ensemble de la carrière pour le calcul de la rente; que la salariée ne peut soutenir qu'elle n'aurait pas adhéré au dispositif en considération de l'estimation qui lui a été fourni le 11 avril 2011 alors qu'elle ne démontre pas qu'elle a été victime d'un vice du consentement puisque le dispositif de cessation ne se limite pas au versement d'une rente mais offre aux bénéficiaires d'autres privilèges, qu'elle n'excipe pas de la nullité de l'acte pour vice du consentement ce qui entraînerait l'annulation rétroactive de la convention de rupture et donc la restitution par l'intéressée de l'intégralité des sommes perçues au titre de la rupture. Si le débiteur d'une obligation d'information ne peut être tenu de révéler ce qu'il ignore, d'une part il pèse sur lui une présomption de connaissance de l'information dès lors que celle-ci entre dans le domaine de sa spécificité, d'autre part pèse sur lui, dès lors qu'il accepte de donner des renseignements, l'obligation de s'informer pour informer en connaissance de cause. Ainsi en l'espèce dans la mesure où la SA SANOFI AVENTIS FRANCE, après avoir tenu une réunion d'information collective sur les conséquences de l'acceptation d'un départ en le cadre d'une cessation anticipée d'activité au regard d'un plan, a reçu à titre personnel Madame Brigitte Y... pour lui exposer, avant qu'elle ne prenne une décision lourde de conséquences pour son avenir professionnel, et financier, un estimatif de la rente qui lui serait versé, dans la mesure où, employeur de cette salariée depuis le 26 mai 1980, il avait plus que tous les éléments de salaire nécessaires pour connaître le montant exact de la rente qui lui serait versée, la société l'a précisément et spécifiquement, mais faussement, informé de ses droits, elle a violé son obligation d'information et donc commis une faute ouvrant droit à réparation du préjudice en résultant pour la salariés. Ce préjudice peut aller jusqu'à la différence entre le montant de la rente estimé et celui réellement touché à la condition que la salariée, qui supporte la charge de la preuve de son préjudice, démontre qu'elle n'aurait pas signé la convention de rupture si elle avait connu le montant exact de la rente. Or cette preuve ne peut reposer sur ses seules allégations alors que la cour constate : que dans le cadre de la convention de rupture du contrat de travail d'un commun accord pour motif économique conformément à l'article cinq, l'employeur n'a pas exclu l'hypothèse où la salariée serait réembauchée dans une société du groupe précisant que dans cette hypothèse le versement de sa rente serait interrompu de plein droit et définitivement ce qui démontrent que, informée de la baisse du montant de la rente dès le mois d'août 2012, elle aurait pu choisir de demander, sa réintégration dans une société du groupe, que de même lui était offerte la faculté de soulever la nullité de la convention pour vice du consentement, que la rente même réduite, le dispositif décrit dans le plan, offrait à cette mère de famille qui travaillait à temps partiel depuis le 1er septembre 1989, la faculté de cesser son activité en continuant à toucher 70% de sa rémunération nette de référence revalorisée de 2 % chaque année, une protection sociale similaire à celle dont elle bénéficiait pendant son activité, l'adhésion à l'assurance volontaire vieillesse de la sécurité sociale et à la caisse de retraite complémentaires, permettant de continuer à acquérir des trimestres d'assurance jusqu'à la liquidation de la retraite, et est partie avec un chèque de 94 852 euros incluant une indemnité de rupture correspondant au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement tenant compte de son ancienneté remontant à l'année 1980 figurant sur le bulletin de Madame Brigitte Y... de septembre 2011. Dans ces conditions, considérant ces éléments, considérant que la société ne réclame pas à la salariée le remboursement des montants indûment perçus jusqu'à la régularisation, le préjudice de Madame Brigitte Y..., résultant de l'erreur de la société dans l'information du montant de la rente qui allait lui être versée, est fixée à la somme de 50 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la décision » ;
1) ALORS QUE respecte son obligation d'information relative à un dispositif de départ volontaire l'employeur qui fournit personnellement au salarié les documents décrivant les modalités du dispositif, et notamment les modalités de calcul des indemnités auxquelles le salarié a droit ; qu'en l'espèce, la société Sanofi faisait valoir que Mme Y... avait été destinataire, le 4 avril 2011, d'un note interne présentant le dispositif de cessation anticipée d'activité, dans laquelle il est était clairement spécifié que les modalités de calcul de la rente prenaient en compte le taux d'activité sur l'ensemble de la carrière pour les collaborateurs à temps partiel à la date d'adhésion au dispositif ; qu'en se fondant exclusivement sur le fait que Mme Y... avait reçu un estimatif de la rente erroné, pour en déduire que la société Sanofi avait « précisément et spécifiquement, mais faussement » informé Mme Y... de ses droits, sans rechercher si celle-ci n'avait pas été correctement informée par la note interne du 4 avril 2011 dans laquelle le dispositif de cessation d'activité et les modalités de calcul de la rente étaient exactement décrits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aujourd'hui article 1240 du code civil.
2) ALORS subsidiairement QUE le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non par une perte d'une chance d'obtenir les gains attendus ; qu'en particulier, le préjudice subi par un salarié qui a adhéré à un plan de départ volontaire en considération d'un montant de rente erroné est une perte de chance de choisir de rester salarié de l'entreprise plutôt que de choisir d'adhérer au plan de départ ; qu'il en résulte que ce préjudice doit être calculé par comparaison entre sa situation s'il avait accepté le plan de départ (revenus moindres mais absence de travail à fournir) et celle dans laquelle il se serait trouvé en continuant son activité (revenus supérieurs mais contrainte liée au travail à accomplir dans l'exécution de son contrat de travail) ; qu'en affirmant en l'espèce que le préjudice subi par la salariée résultant de l'erreur de la société dans l'information du montant de la rente peut aller jusqu'à la différence entre le montant de la rente estimé et celui réellement touché, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aujourd'hui article 1240 du code civil.
3) ALORS QUE la réparation allouée à la chance perdue ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, en affirmant que le préjudice subi par la salariée, résultant de l'erreur de la société dans l'information du montant de la rente, pouvait aller jusqu'à la différence entre le montant de la rente estimé et celui réellement touché, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aujourd'hui article 1240 du code civil.
4) ALORS QUE le débiteur d'une obligation d'information ne peut, en cas de manquement à cette obligation, être condamné à réparer que le préjudice en relation de causalité avec le défaut d'information ; qu'il appartient à celui qui se prétend victime d'un défaut d'information de démontrer que cela lui a fait perdre une chance de profiter d'une opportunité bénéfique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la salariée, qui supporte la charge de la preuve de son préjudice, devait démontrer qu'elle n'aurait pas signé la convention de rupture si elle avait connu le montant exact de la rente, et a précisé que cette preuve ne pouvait reposer sur les seules allégations de la salariée ; que la cour d'appel n'a ensuite relevé aucun élément susceptible de démontrer que la salariée n'aurait pas signé la convention de rupture si elle avait connu le montant exact de la rente ; que la cour d'appel a au contraire constaté que la salariée aurait pu demander sa réintégration, ou soulever la nullité de la convention pour vice du consentement, ce qu'elle n'avait pas fait, et que le dispositif de départ permettait à la salariée de cesser son activité tout en continuant à toucher 70 % de sa rémunération nette de référence revalorisée chaque année, de bénéficier d'une protection sociale similaire à celle d'un salarié et de partir avec un chèque de 94 852 €, autant de circonstances qui laissaient penser que la salariée aurait adhéré au plan de départ même en ayant connaissance du montant exact de sa rente ; qu'en condamnant néanmoins la société Sanofi à payer à Mme Y... une somme de 50 000 € en réparation du « préjudice résultant de l'erreur de la société dans l'information du montant de la rente » sans mieux caractériser la preuve que correctement informée Mme Y... n'aurait pas adhéré au plan de départ, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aujourd'hui articles 1240 et 1353 du code civil.
5) ALORS très subsidiairement QU'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le montant alloué à la salariée constituait la réparation d'une perte de chance et que cette réparation était mesurée à la probabilité de la chance perdue par Mme Y... de rester dans l'entreprise plutôt qu'adhérer au dispositif de départ volontaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aujourd'hui article 1240 du code civil.