SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme GOASGUEN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10275 F
Pourvoi n° D 16-27.529
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Batidel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2016 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Patrick Y..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2018, où étaient présents : Mme Goasguen, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de la société Batidel, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Batidel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 400 euros à M. Y... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Batidel.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. Y... était sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société Batidel au paiement de diverses sommes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'attendu que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a fixé à la somme brute mensuelle de 4.500 euros le salaire de Monsieur Y..., né le [...] , VRP exclusif au service de la Sarl Batidel depuis le 1er mai 2000 ;
Attendu qu'il est acquis aux débats que le 6 mai 2014, la Sarl Batidel a notifié à Monsieur Y... son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle sans avoir au préalable procédé à la consultation des délégués du personnel ;
Que cette seule omission matérielle, en vertu de l'article L. 1226-15 du code du travail, quand bien même elle ne procède pas d'une intention blâmable, suffit à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à exposer l'employeur au paiement d'une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire, et du reste la Sarl Batidel ne nie pas que les conditions objectives d'application de ce texte sont réunies et le conseil de prud'hommes en a fait une exacte application en allouant la somme de 54.000 euros à titre de dommages intérêts ;
Que ce faisant, les premiers juges ont respecté le plancher légal et entièrement réparé le préjudice de Monsieur Y..., vu son âge, son ancienneté et sa situation d'allocataire de Pôle Emploi jusqu'en décembre 2015, de sorte que ce dernier est mal fondé en son appel incident pour réclamer à ce titre la somme de 72.000 euros au motif essentiel qu'il n'a pas eu de courrier l'informant, avant le licenciement, des motifs s'opposant au reclassement, ce qui est prévue par l'article L. 1226-12 et ouvre droit à réparation du préjudice subi sans toutefois, comme le souligne l'appelante, conduire à cumuler les dommages et intérêts à ce titre avec l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 ;
Attendu que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
1/ Sur l'absence de consultation des délégués du personnel, l'article L. 1226-10 du Code du travail dispose : « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident de travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre des mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail » ;
En l'espèce, il ressort des termes et des faits exposés dans la lettre de licenciement, ainsi que des pièces produites à la barre par les parties, qu'à aucun moment, il n'y a eu consultation des institutions représentatives du personnel ou, à tout le moins, d'un délégué du personnel, alors que l'effectif de l'entreprise en nécessite la présence
A cela, la Société Batidel précise dans ses écritures, « qu'elle n'en dispose pas et qu'ignorant qu'il eut fallu agir ainsi, en toute bonne foi, n'a pas fait établir de procès-verbal de carence... » ;
Ce faisant, le Conseil ne peut que constater la carence blâmable de l'employeur à cet égard ;
2/ Sur le manquement à l'obligation de reclassement : il est constant qu'avant d'engager une procédure de licenciement, il appartient à l'employeur de prouver la réalité des recherches qu'il aura effectuées pour tenter de reclasser son salarié, même si l'avis d'inaptitude est un avis d'inaptitude à tout emploi, devant aussi apporter la preuve de l'absence de poste disponible au reclassement dans l'entreprise ;
En l'espèce, il ressort des faits exposés et des pièces produites, que la Société Batidel s'est contentée de ne proposer qu'un seul poste, répondant certes aux préconisations du médecin du travail par rapport à l'inaptitude du salarié due à un accident du travail, mais qu'elle n'apporte pas la réalité d'une recherche effective après le refus de ce dernier, se contentant d'indiquer « compte-tenu de votre refus de reclassement, nous n'avons d'autre possibilité que de procéder à votre licenciement » puis ajoutant sans qu'il ne soit nécessaire alors que c'est faux « Ce refus de notre proposition de reclassement est abusif » ;
En tout état de cause et eu égard aux deux manquements rappelés ci-avant, ce licenciement se trouve nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
ALORS QUE dans ses écritures d'appel, la société Batidel faisait valoir qu'elle avait tenté de trouver une autre possibilité de reclasser M. Y..., autre qu'au poste d'assistant commercial proposé, ce qu'elle démontrait notamment par le registre unique du personnel ainsi que les bulletins de salaire qui établissaient les postes existants dans l'entreprise et le fait qu'ils étaient tous occupés ; qu'en délaissant ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de tous motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile.