SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme GOASGUEN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10274 F
Pourvoi n° V 16-26.785
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 23 mars 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Abdelkarim Z..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à Mme Nassira Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2018, où étaient présents : Mme Goasguen, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de M. Z..., de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné M. Z... à payer à Mme Y..., 8.716,92 € à titre de rappel de salaire pour la période du 5 mars 2013 au 30 juin 2013, 871,69 € au titre des congés payés afférents, 5.360,18 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet 2013 au 1er octobre 2013, 536,01 € au titre des congés payés afférents, 83,83 € à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 121-1 devenu L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage, moyennant rémunération, à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, c'est à dire à se soumettre, dans l'accomplissement de son travail, aux ordres et directives du mandant, qui a le pouvoir d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements ou si la personne n'exerce pas son activité au sein d'un service organisé, à se soumettre à des conditions de travail qui sont unilatéralement déterminées par le mandant ; que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont données à leur convention, mais des conditions effectives dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; que l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ; qu'une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10 % ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du Travail , en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ; que la règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même n'est pas applicable à l'étaiement (et non à la preuve) d'une demande au titre des heures supplémentaires et que le décompte précis d'un salarié, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, est de nature à étayer la demande de ce dernier ; qu'en l'espèce, au delà des neuf attestations de client indiquant que Mme Y... exerçait effectivement une activité de vendeuse au sein de la boulangerie B... antérieurement au 1er juillet 2013 et des attestations de la mère de l'appelante ou d'une amie concernant la prise en charge de ses enfants antérieurement à leur admission à la crèche en septembre 2013, la salariée produit aux débats un arrêt de travail en date du 29 mai 2013 sur lequel M. Abdelkarim B... est désigné en qualité d'employeur, un échange de textos en date du 9 mai 2013 au cours duquel elle avise M. Abdelkarim B... de son éventuel retard le lendemain, ainsi que huit factures extraites de facturiers sous le timbre de la boulangerie B..., des mois de mars, avril, mai et juin 2013 que la salariée indique avoir établies de sa main sans être contredite ;
ET QUE cet ensemble de documents dont l'authenticité n'est pas discutée par l'employeur qui se borne à produire des attestations de quelques clients, indiquant ne jamais avoir rencontré Mme Y... dans la boutique avant le 1er juillet 2013, sont suffisants à établir que Mme Y... a effectivement été employée par M. Z... entre le 5 mars et le 1er juillet 2013, l'allégation relative à la perception d'un RSA dont la nature n'est pas précisée par l'employeur et qui ne procède que de ses affirmations, étant à cet égard inopérante ; qu'en outre, dès lors que la salariée produit un décompte des heures revendiquées sur la période litigieuse ainsi que sur la période entre le 1er juillet 2013 et le 1er octobre 2013, sur la base d'une journée de huit heures sans pause, outre quelques témoignages établissant sa présence à différents moments de la journée, la salariée étaye sa demande d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de les discuter ; que l'employeur qui se contente de produire, outre les quelques attestations de clients précités, le contrat de travail prenant effet au 1er juillet 2013 non signé par la salariée et ne comportant aucune indication sur la répartition de son temps de travail, dans la journée ou entre les différents jours de la semaine, non seulement ne produit aucun élément de nature à établir que la salariée était employée à temps partiel sur la période considérée mais échoue à apporter la preuve contraire des heures supplémentaires revendiquées par l'intéressée, alors qu'il ne l'a rémunérée que sur une base mensuelle de 43.34 heures au taux horaire de 9,43 € ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu en conséquence de condamner M. Z... à verser à Mme Y..., sur la base du coefficient 155 de la convention collective de la Boulangerie Pâtisserie, la somme de 8.716,92 € à titre de rappel de salaire, outre la somme de 871,69 € au titre des congés afférents pour la période du 5 mars 2013 au 30 juin 2013 ; que, pour la période allant du 1er juillet 2013 et le 1er octobre 2013, il y a lieu de condamner sur les mêmes bases, M. Z... à verser à Mme Y... la somme de 5.360,18 € outre 536,01 € au titre des congés payés afférents ; qu'en ce qui concerne les retenues opérées par M. Z... au titre des absences et des retards sur la période postérieure au 1er octobre 2013, Mme Y... produit un décompte et un tableau auquel l'employeur oppose d'une part des attestions relatives aux retards de la salariée essentiellement sur les mois d'avril et de mai 2014 ainsi qu'une liasse de copies de documents relatifs aux arrêts de travail de la salariée ou aux absences justifiées par des consultations médicales ; que, toutefois, ainsi que le relève la salariée, la comparaison de ces documents avec les bulletins de salaire produits révèle que l'employeur a retenu les journées du 11 et 17 novembre 2014, jour férié pour la première et dimanche pour la seconde, qu'en décembre 2013, la salariée a été absente trois jours, ce qui ne peut correspondre à la retenue effectuée, que les retenues effectuées en janvier, mars, avril, mai et juin 2014 au titre des absences ne sont pas corroborées par les documents produits par l'employeur ; que, par ailleurs, si les attestations produites établissent la réalité des retards qui pour l'essentiel ne sont pas contestés par la salariée pour la période antérieure au mois d'avril 2014, l'employeur ne produit aucun décompte ou document permettant de les retenir pour la durée effectivement retenue sur les bulletins de salaire que pour les mois d'avril et mai 2014, mais en retenant à tort 2 heures 30 au lieu de 30 mn pour le 18 avril 2014 et 3h53 au lieu de 1h.38 pour le mois de mai 2014, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande de Mme Y... et de condamner M. Z... à lui verser la somme de 789,67 € à titre de rappel de salaire, outre 78,96 € au titre des congés payés afférents ; qu'en application de l'article L. 3121-11 du Code du travail, Mme Y... était fondée à bénéficier d'un repos compensateur équivalent à 50 % des heures supplémentaires réalisées au delà du contingent annuel de 329 heures fixé par la convention collective ; que l'intéressé n'ayant pu bénéficier de 8 h.46 (17h32:2) acquises à ce titre dans l'année, il y a lieu de condamner son employeur à lui verser 83,83 € à ce titre ;
1. ALORS QUE les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ont pour seul objet de répartir la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié sans régir la charge de la preuve de l'existence du contrat de travail ; qu'en appliquant l'article L. 3171-4 du code du travail, pour décider que Mme Y... avait été embauchée dès le 1er mars 2013, quand il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence du contrat de travail dont il se prévaut, sous réserve de l'éventuelle présomption résultant d'un écrit propre à faire naitre l'apparence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé la disposition précitée par fausse application, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 par refus d'application ;
2. ALORS QU'il appartient au salarié qui se prévaut d'un contrat de travail, de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail lequel se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'il ressort des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que Mme Y... a produit neuf attestations de clients indiquant qu'elle exerçait effectivement une activité de vendeuse au sein de la boulangerie Z... antérieurement au 1er juillet 2013, des attestations de sa mère ou d'une amie concernant la prise en charge de ses enfants antérieurement à leur admission à la crèche en septembre 2013, un arrêt de travail en date du 29 mai 2013 sur lequel M. Z... est désigné en qualité d'employeur, un échange de textos en date du 9 mai 2013 au cours duquel elle avise M. Z... de son éventuel retard le lendemain, ainsi que huit factures extraites de facturiers sous le timbre de la boulangerie Z..., des mois de mars, avril, mai et juin 2013 que la salariée indique avoir établies de sa main sans être contredite ; qu'en affirmant que ces documents sont, dans leur ensemble, suffisants « à établir que Mme Y... a effectivement été employée par M. Z... entre le 5 mars et le 1er juillet 2013 », qu'en déduisant de ces éléments que la salariée étaye sa demande d'éléments suffisants, comme le prévoit l'article L. 3171-4 du code du travail, dès lors que la salariée produit un décompte des heures revendiquées sur la période litigieuse ainsi que sur la période entre le 1er juillet 2013 et le 1er octobre 2013, sur la base d'une journée de huit heures sans pause, outre quelques témoignages établissant sa présence à différents moments de la journée, au lieu d'expliquer en quoi Mme Y... avait exécuté un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3. ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'il s'ensuit que la preuve d'un contrat de travail par le salarié ne peut résulter de documents émanant de ce dernier ; qu'en se déterminant en considération des textos de la salariée, de l'établissement par la salariée de huit factures extraites de facturiers sous le timbre de la boulangerie Z..., des mois de mars, avril, mai et juin 2013 et de décomptes d'heures établies par Mme Y... pour retenir l'existence d'un contrat de travail entre le 3 mars 2013 et le 1er juillet 2013, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 par refus d'application.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. Z... à payer à Mme Y..., 7.808,82 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ; que l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture ; la demande en paiement d'heures supplémentaires n'a pas pour effet de rendre irrecevable la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire ; que le montant de l'indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail ; cette indemnité qui sanctionne la violation de dispositions légales se cumule avec les indemnités de nature différente résultant du licenciement, et notamment avec l'indemnité de licenciement ; que le droit à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est fondé sur la violation de dispositions légales à l'occasion de la conclusion et de l'exécution du contrat de travail et est ouvert avec la rupture de ce contrat ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en ne procédant à la déclaration de Mme Y... à l'URSSAF qu'au 1er juillet 2013, alors qu'il l'employait depuis le 5 mars 2013 et sans lui rémunérer la totalité des heures effectuées, y compris les heures supplémentaires, a fortiori malgré les nombreuses réclamations adressées par lettre recommandée avec accusé de réception par la salariée, M. Z... s'est intentionnellement soustrait aux obligations visées à l'article L. 8221-5 du code du travail ; que, dès lors qu'il est constant que Mme Y... a été licenciée par M. Z..., elle est fondée à solliciter la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 7.808,82 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
ALORS QU'en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation à venir sur le premier moyen de cassation emporte l'annulation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt condamnant l'employeur pour travail dissimulé, dès lors qu'il se fonde sur la déclaration tardive par l'employeur d'un contrat de travail existant depuis le 5 mars 2013.