SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme GOASGUEN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10267 F
Pourvoi n° H 16-26.175
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'association Epsat Vosges, association pour la santé au travail d'Epinal et sa région, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2016 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Françoise Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2018, où étaient présents : Mme Goasguen, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mmes Aubert-Monpeyssen, Cavrois, conseillers, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boulloche, avocat de l'association Epsat Vosges, de la SCP Richard, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Goasguen, conseiller doyen, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Epsat Vosges aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Epsat Vosges à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour l'association Epsat Vosges.
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'association Epsat Vosges à payer à Mme Françoise Y... les sommes de 5 549,93 € brut à titre de rappel de salaire au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 et 554,99 € brut à titre de congés payés y afférents, et d'avoir ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectifié en fonction de cette décision, dans le mois de celle-ci.
Aux motifs que «la rémunération mensuelle brute de la salariée a été systématiquement distinguée sur les bulletins de salaire établis, en :
- forfait jour ou salaire conventionnel, à savoir la rémunération conventionnelle CISME,
- complément de salaire ou salaire différentiel, à savoir la majoration Aster,
- majoration, à savoir la rémunération des déplacements pour l'activité à Saulxures et Saint-Dié.
Cette présentation a un intérêt certain, du fait de la nécessaire application de la convention collective en vigueur et de l'engagement pris par l'employeur par lettre datée du 30 octobre 2006 d'une garantie de rémunération supérieure au CISME tant que les ressources d'exploitation d'Aster le permettront, qu'il a fait figurer sous la rubrique "complément de salaire ou salaire différentiel", soit la majoration Aster.
La salariée a, ainsi, bénéficié sur la totalité de ces trois rubriques, de l'augmentation annuelle prévue par l'accord de salaire pris en application de la convention nationale applicable signé par le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprises (CISME).
A compter de juin 2013, l'employeur n'a plus rémunéré la salariée de cette manière, mais a réduit le montant de la majoration Aster, supprimé l'augmentation sur la rubrique "majoration", limité l'augmentation prévue par l'accord CISME.
La salariée sollicite, en conséquence, un rappel de salaire de 5 549,93 € brut, outre les congés payés y afférent, portant sur les années 2013, 2014, 2015 et 2016.
L'employeur, s'il doit respecter les minimas conventionnels en fonction de la classification du salarié, peut fixer librement la rémunération du salarié à un niveau supérieur aux minimas conventionnels.
L'argument de l'employeur qui a réduit, en juin 2013, la majoration Aster pour la porter de 692,47 € à 630,81 € au motif qu'il s'agissait d'opérer un transfert sur la rubrique " forfait jour ou salaire conventionnel" pour porter le salaire de base de la salariée au niveau du minimum conventionnel ne peut, dès lors, être soutenu.
Par ailleurs, s'il est exact que l'augmentation annuelle prévue par l'accord CISME n'est applicable qu'aux rémunérations minimales conventionnelles, laissant l'employeur, qui rémunère ses salariés au-delà, libre d'augmenter ou non ses salariés sous respect desdits minimas, il ne peut pas non plus être soutenu que la salariée percevait une rémunération globale annuelle supérieure au salaire minimum garanti pour sa classification, de sorte que "l'accord CISME" n'était pas applicable.
En effet, l'employeur s'est engagé unilatéralement vis-à-vis de la salariée, par lettre datée du 30 octobre 2006, à garantir une rémunération supérieure au CISME et à recommander l'augmentation annuelle du CISME sur la rémunération du CISME, tant que les ressources d'exploitation d'Aster le permettront, et a appliqué l'augmentation annuelle du CISME au salaire conventionnel, à la majoration Aster, ainsi qu'à la majoration pour déplacement, tel que l'indique l'examen des bulletins de paie produits.
Il en résulte que cet engagement unilatéral de l'employeur a force obligatoire, de sorte qu'il est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par l'employeur.
En l'espèce, l'employeur n'invoque pas que les ressources d'exploitation d'Aster ne le permettent pas, de sorte que les conditions fixées par l'employeur pour dénoncer l'engagement unilatéral ne sont pas remplies.
Par ailleurs, un engagement unilatéral ne tombe pas en désuétude du simple fait que l'employeur a cessé de l'appliquer sans que la salariée ait émis une protestation, mais doit faire l'objet d'une dénonciation expresse.
Aucune dénonciation de l'engagement unilatéral à destination de la salariée n'a été effectuée par l'employeur, en l'espèce.
Au vu de l'ensemble de ses éléments, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire de la salariée à hauteur des sommes demandées, l'employeur ne contestant pas leur montant.
Le jugement sera, en conséquence, infirmé sur ce point, et l'employeur sera condamné à verser à Mme Françoise Y... la somme de 5 549,93 € brut, outre les congés payés y afférent » (arrêt p 3, § 4 et suiv.) ;
1°) Alors que les augmentations des minima conventionnels par avenant à la convention collective ou par accord collectif ne s'appliquent pas aux salariés dont la rémunération réelle est déjà supérieure à ces minima ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a appliqué les augmentations annuelles prévues par l'accord CISME alors que Mme Y... percevait une rémunération globale annuelle supérieure au salaire minimum garanti pour sa classification ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les accords CISME et l'article 1134 du code civil ;
2°) Alors que subsidiairement, un engagement unilatéral soumis à des conditions ne lie son auteur que si ces conditions sont réalisées ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'engagement de l'employeur de garantir à la salariée une rémunération supérieure au CISME tant que les ressources d'exploitation le permettraient avait force obligatoire, la cour d'appel a retenu que les conditions de dénonciation de l'engagement unilatéral n'étaient pas remplies ; qu'en statuant par ce motif inopérant, sans apprécier si les conditions de l'engagement étaient réunies, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1168 du code civil ;
3°) Alors que l'association Epsat Vosges a soutenu qu'à supposer que la lettre du 30 octobre 2006 constitue un engagement unilatéral, celui-ci était subordonné à la condition que les ressources d'exploitation permettent d'appliquer la majoration litigieuse, et précisait que pour 2013, l'augmentation avait été limitée à 0,5 % pour les cadres (conclusions p 11 in fine) ; qu'en retenant que l'employeur ne soutenait pas que ses ressources d'exploitation ne permettaient pas la majoration prévue par l'accord CISME, alors qu'il a fait valoir que la majoration avait dû être limitée en 2013, ce qui impliquait que les ressources ne permettaient pas d'appliquer l'accord CISME, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) Alors qu'enfin, aux termes de l'article 22 de la convention collective nationale des services de santé au travail interentreprises du 20 juillet 1976, une rémunération minimale annuelle brute est garantie pour chaque classe d'emplois définie à l'annexe de ladite convention ; que ces minimas conventionnels sont revalorisés chaque année par accord du CISME ; qu'en revanche, l'employeur fixe librement la rémunération des salariés à un niveau supérieur au minimum conventionnel ; qu'en l'espèce, tout en rappelant ces principes, la cour d'appel a considéré que l'association Aster, aux droits de laquelle est venue l'association Epsat Vosges, ne pouvait pas diminuer le montant de la majoration pour le transférer sur le forfait jour ou salaire conventionnel pour porter le salaire de base de Mme Y... au niveau du minimum conventionnel ; qu'en statuant ainsi sans constater que l'employeur aurait fixé une rémunération inférieure aux minima conventionnels garantis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22 de la convention collective nationale des services de santé au travail interentreprises et des accords CISME.