SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme GOASGUEN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10282 F
Pourvoi n° Z 16-25.501
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Marchats distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. Francis Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2018, où étaient présents : Mme Goasguen, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Schamber, conseiller rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Marchats distribution, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. Schamber, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marchats distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Marchats distribution à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Marchats distribution
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du 31 janvier 2013 ayant débouté M. Y... de sa demande au titre de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de sa demande de dommages et intérêts sur requalification
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la requalification de son contrat de travail ; qu'aux termes de l'article L. 1242-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans un des cas prévus par la loi et doit comporter précisément un de ces motifs et l'article L. 1242-12 du même code dispose que le contrat de travail à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif, à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée , et notamment le nom et la qualification précise de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en application de l'article L. 1242-2 1°, 2° et 5° ; qu'en cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat ; qu'en l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée conclu entre M. Y... et la société Marchats distribution le 19 juillet 2006 mentionne en son article 2 « M. Y... Francis est engagé pour assurer le remplacement temporaire par glissement de poste de Madame A... Aimée habituellement employée dans la société comme employée commerciale pendant son absence pour congés parental » ; que force est donc de constater que le contrat de travail ne mentionne pas de façon précise la qualification de la salariée remplacée puisque l'intitulé « employée commerciale » ne figure pas dans la classification conventionnelle, ce qui équivaut à une absence de mention imposant la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée qu'il conviendra donc de prononcer ; que ceci ouvre droit à l'application de l'article L. 1245-1 du code du travail au bénéfice de M. Y..., la société Marchats distribution sera donc condamnée à lui payer la somme de 2.100 euros à titre d'indemnité de requalification.
ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent doit mentionner notamment la qualification professionnelle de la personne remplacée ; que satisfait à cette exigence légale le contrat qui indique que la salariée remplacée est habituellement employée dans la société comme « employée commerciale » ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12,1° du code du travail
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'avertissement du 13 juin 2011
AUX MOTIFS QUE sur l'avertissement ; qu'il résulte de l'analyse de la lettre d'avertissement du 13 juillet 2011 que la société Marchat distribution reproche à M. Y..., en concluant « nous ne pouvons admettre que, sur une remarque parfaitement justifiée de la direction, vous abandonniez sur le champ votre poste de travail », exclusivement un abandon de poste le 1er juillet 2011, le reste du courrier constituant la narration des circonstances ayant précédé le départ de l'entreprise non contesté du salarié ; que toutefois il est constant que M. Y... bénéficie d'un arrêt de travail pour la période du 1er au 10 juillet 2011, ce dont l'employeur avait connaissance puisqu'il conteste la validité de la photocopie de l'arrêt de travail que le salarié lui avait adressé dès le 2 juillet 2011 ; que la société Marchats distribution ne pouvait reprocher à son salarié un abandon de poste alors que ce dernier justifie médicalement qu'il ne pouvait y être maintenu à compter du 1er juillet 2011 ; que dans ces conditions, la sanction disciplinaire n'étant pas justifiée, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation mais sera infirmé en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts de ce chef alors que cette sanction abusive a nécessairement causé un préjudice à M. Y... ; que statuant à nouveau sur ce point, la cour condamnera la société Marchats distribution à payer à M. Y... la somme de 1.500 euros.
ALORS QUE le salarié ne justifie valablement de son absence que s'il adresse à son employeur l'original de son avis d'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, pour annuler l'avertissement du 13 juillet 2011 prononcé pour abandon de poste le 1er juillet 2011, la cour d'appel a énoncé que le salarié avait justifié médicalement de son absence puisqu'il bénéficiait d'un arrêt de travail pour la période du 1er au 10 juillet 2011, ce dont l'employeur avait connaissance puisqu'il contestait la validité de la photocopie de l'arrêt de travail que le salarié lui avait adressé le 2 juillet 2011 ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il résultait de ses constatations que le salarié avait uniquement adressé à son employeur une photocopie de son arrêt de travail de sorte qu'il n'avait pas justifié médicalement son absence du 1er juillet 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du code du travail, ensemble les articles L. 162-4-1 et suivant du code de la sécurité sociale et R. 161-42 et suivants du code de la sécurité sociale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le 22 juillet 2011 était intervenue aux torts de l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Marchats distribution à payer à M. Y... les sommes de 3.795, 62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 437, 96 euros de complément d'indemnité compensatrice de congés-payés, 2.080, 98 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur la prise d'acte de la rupture ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte des circonstances antérieures récentes ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, sachant que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant alors tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; qu'en l'espèce, le courrier que M. Y... a adressé à la société Marchats distribution le 22 juillet 2011, par l'intermédiaire de son conseil, est ainsi libellé ; « Il m'indique avoir été victime en tout début de matinée le 1er juillet 2011 d'une agression morale violente de la part de Mme Corine B..., au point qu'il a dû faire venir son médecin à domicile, le praticien a constaté la nécessité d'un arrêt de travail compte tenu du profond désarroi dans lequel se trouvait mon client, M. Y... ajoute que cet incident n'en est qu'un survenant après plusieurs autres. Il m'assure qu'il vous a immédiatement informé de sa situation d'arrêt de maladie, puis qu'il vous a adressé un certificat médical justificatif ; sur mes conseils, il vous a fait parvenir la photocopie du volet numéro un, qui comporte le diagnostic posé par le médecin, qui ne figure normalement pas sur le volet numéro trois destiné à l'employeur. Ayant reçu ce document, vous ne pouviez ignorez l'état de santé et les causes de l'arrêt de travail de M. Y.... Il me communique toutefois votre courrier recommandé du 13 juillet 2011 par lequel vous lui infligez un avertissement pour son prétendu comportement du 1er juillet 2011, qu'il reçoit comme un ultime acte délibéré de harcèlement. Il vous est en effet juridiquement interdit d'infliger un avertissement à un salarié pour abandon de poste alors que vous avez été immédiatement informé de son départ dont il vous a été justifié dans les meilleurs délais de ce qu'il était causé par une maladie dont la réalité a été constaté par un médecin. Accessoirement, M. Y... conteste formellement avoir heurté le pied ou tout autre partie du corps de Mme B... avec un transpalette ; je suis évidemment tout-à-fait porté à le croire, alors qu'il vous aurait fallu douze jours pour vous apercevoir du choc. Cette situation rend impossible la reprise du poste de travail par mon client. Il me demande en conséquence de vous indiquer par le présent courrier qu'il prend acte de la rupture de son contrat de travail du fait de la faute grave commise par son employeur ; il me charge de saisir la juridiction compétente pour faire attribuer à cette rupture tous les effets d'un licenciement dépourvu de motif réel et sérieux, et pour lui faire allouer les dédommagements qui lui sont dus. Vous voudrez donc bien considérer que le contrat de travail vous liant à M. Francis Y... est définitivement rompu par la présente prise d'acte à la date de première présentation du présent courrier, et me faire parvenir à l'intention de mon client son certificat de travail, son attestation pour le régime d'assurance-chômage, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux sommes que vous reconnaissez devoir, et le chèque afférent » ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que toutefois, il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que si M. Y..., dont le contrat prévoyait un temps de travail mensuel de 169h, ne peut plus désormais solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il prétend avoir exécutées en ayant été définitivement débouté de ses demandes de ce chef, il est en revanche recevable à invoquer ces faits pour caractériser les manquements de l'employeur à ses obligations relatives au temps de travail et à la juste rémunération de son temps de travail effectif ; qu'or il produit ses bulletins de salaire, des décomptes hebdomadaires de son temps de travail ainsi que les coupons de relevés horaires journaliers établis et fournis par son employeur lui-même, lesquels, même si les coupons ne sont pas produits pour toute la période invoquée, constituent des éléments de preuve suffisamment étayés de l'existence : d'heures supplémentaires non rémunérées, de non respect régulier de la règle d'un jour et demi consécutif de repos en cas de travail le dimanche donnant lieu à défaut à une rémunération majorée de 20% par heure travaillée et du non respect régulier de la durée maximale du travail journaliser (atteignant régulièrement 11h et pouvant atteindre 12,30h) et du temps de repos journalier (pouvant être limité à 9,5h) ; que la société Marchats distribution n'oppose à ces preuves aucun élément de contradiction probant et ne peut valablement arguer d'une modulation du temps de travail alors qu'il n'est pas démontré que le régime de modulation prévu par la convention collective était applicable en l'espèce à défaut d'avoir consulté les délégués du personnel et d'avoir délivré une information individuelle au salarié, ce que ne constituait pas à l'évident la remise des coupons de relevé horaire hebdomadaire, de sorte que M. Y... est fondé à calculer son temps de travail sur une base hebdomadaire et à invoquer les manquements ci-dessus répertoriés ; qu'il s'en déduit que la société Marchats distribution a gravement manqué à ses obligations relatives au temps de travail et au temps de repos de son salarié, ceci étant suffisamment grave, outre l'avertissement injustifié du 13 juillet 2011, pour justifier que ce dernier ait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, cette prise d'acte produisant dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et la cour statuera à nouveau de ce chef ; que dans ces conditions, M. Y... peut prétendre à l'octroi des sommes suivantes au paiement desquelles la société Marchats distribution sera condamnée : 3.795, 62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 437, 96 euros de complément d'indemnité compensatrice de congés-payés, 2.080, 98 euros au titre de l'indemnité de licenciement ; 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive compte tenu de l'ancienneté du salarié (5 ans), de son âge au moment de la rupture (54 ans) ; et de ses difficultés à retrouver un emploi stable et des périodes de chômage qu'il a connue, ce dont il justifie.
1° - ALORS QUE méconnaît l'autorité de la chose jugée la cour d'appel de renvoi qui statue à nouveau sur une contestation ayant été définitivement tranchée par la décision de la cour d'appel antérieure, comme ayant fait l'objet d'un moyen rejeté par arrêt de la Cour de cassation ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que par arrêt du 17 décembre 2013, la cour d'appel d'Agen a débouté M. Y... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, congés-payés y afférent, majoration conventionnelle pour travail le dimanche et indemnité pour travail dissimulé, que par arrêt du 3 juin 2015, la Cour de cassation a rejeté le moyen du salarié reprochant à l'arrêt de l'avoir débouté desdites demandes, de sorte qu'il a définitivement été débouté des demandes de ce chef ; qu'en jugeant que le salarié était néanmoins recevable à invoquer ces faits pour caractériser les manquement de l'employeur à ses obligations relatives au temps de travail et à la rémunération de son temps de travail effectif, puis en jugeant que le salarié présentait des éléments de preuve, non contredits, de nature à étayer l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées et le non respect du temps de repos en cas de travail le dimanche, ce qui justifiait qu'il ait pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur, la cour d'appel de renvoi qui s'est prononcée sur une question qui avait été définitivement été tranchée par la Cour de cassation, a violé l'autorité de la chose jugée en violation des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile.
2° - ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt annulant l'avertissement du 13 juillet 2011 (critiqué au deuxième moyen) entraînera l'annulation de ce chef de dispositif en application de l'article 624 du code de procédure civile