SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme E..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10262 F
Pourvoi n° F 16-21.528
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Christian X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 1er juin 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Cafsa alliance forêts bois, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
La société Cafsa alliance forêts bois a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 janvier 2018, où étaient présents : Mme E..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Cafsa alliance forêts bois ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce M. Christian X... invoque les faits suivants : - la signature sous menace de licenciement économique de divers avenants à son contrat de travail ; - le placement sous la hiérarchie de ses anciens assistants ; - sa disparition des organigrammes de l'entreprise ; - sa mise à l'écart de groupes de travail ; - une absence d'entretien d'évaluation de l'année 2013 ; - aucune augmentation de salaire malgré ses demandes et la différence de traitement avec les autres directeurs ; que pour étayer ses affirmations M. Christian X... produit notamment : - les différents avenants à son contrat de travail, - une attestation de M. Christophe Z... faisant état qu'il a été contraint de signer les avenants, qu'il a été écarté des groupes de travail et ne figurait plus sur les organigrammes de l'entreprise, - une attestation de Monsieur Hervé A... faisant état que les propositions réalisées par lui concernant les fonctions possibles de M. Christian X... ont été refusées par la direction, soit le poste de directeur adjoint au sein de la DAF et responsable du pôle contrôle de gestion, - un courrier électronique en date du 14 septembre 2011 avec en pièce jointe un projet d'organigramme où ne figure pas le nom de M. Christian X..., - un compte rendu de réunion sur le projet prowood 14 en date du 14 septembre 2011 aux termes de laquelle il est spécifié que le rôle et la mission de M. Christian X... doivent être clairement précisés, - des arrêts de travail mentionnant un état dépressif, - un certificat médical de la médecine du travail en date du 12 août 2013, - différents certificats médicaux du docteur B..., psychiatre, faisant état d'un syndrome anxio-dépressif dont les facteurs constituant sont pluriels ; que les pièces fournies à l'appui de ses affirmations établissent ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que l'employeur fait valoir : - que lors de la fusion entre les différentes coopératives en 2011, il a fallu réorganiser la société et il a été décidé de fusionner la direction administrative et la direction financière ; - que le salarié a signé librement les différents avenants à son contrat de travail sans qu'aucune rétrogradation ne soit envisagée ; - qu'il n'y a jamais eu d'organigramme finalisé de la société ; qu'il n'a jamais été écarté des groupes de travail ; qu'il n'a pas été supprimé de l'organigramme ; qu'il n'a pas fait l'objet d'augmentation à titre individuel sans que cela puisse constituer une sanction pécuniaire illicite ; - que l'état de santé de M. Christian X... n'est pas la conséquence de son travail ; que la CAFSA Alliance Forêts Bois produit aux débats : - l'extrait d'immatriculation au registre du commerce de la CAFSA Alliance Forêts Bois à compter du 21 septembre 2011 démontrant qu'une fusion a bien eu lieu entre différentes coopératives ; - un courrier électronique en date du 9 novembre 2012 démontrant que M. Christian X... assurait des formations de personnels, préparait les budgets et assurait un plan de transition au sein de la société ; - un compte rendu de réunion concernant le point migration de janvier 2013 aux termes duquel M. Christian X... était présent ; - un contrat de travail de Monsieur Hervé A... démontrant qu'il est embauché en qualité de directeur administratif et financier à compter du premier juillet 2012 ; - un courrier du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 6 novembre 2015 démontrant qu'une affaire est pendante devant celui-ci pour la contestation d'une reconnaissance de maladie professionnelle concernant M. Christian X... ; - différents accords d'entreprise concernant les rémunérations ; - une attestation régulière en la forme de M. C... dans laquelle il fait état qu'il n'a jamais tenus de propos selon lesquels les vieux coûtaient trop cher et que la place de M. Christian X... était remise en cause ; - le contrat de travail de M. D..., nouveau directeur administratif et financier depuis le 6 mars 2013 ; que la réalité de la fusion de coopératives est établie à compter de septembre 2011 ainsi que les réorganisations au sein de la structure ; que les avenants au contrat de travail signés par M. Christian X... se situent dans cette période de transition ; que celui en date du 28 novembre 2011 démontre que M. Christian X... a occupé à compter du premier janvier 2012 les fonctions de directeur administratif et financier adjoint, sous l'autorité de M. Hervé A... sans modification de sa rémunération dans le contexte de réorganisation des directions de l'entreprise ; que c'est par un avenant séparé en date du 29 novembre 2011 que M. Christian X... est passé à temps partiel, à raison de 21 heures par semaine sans modification de sa rémunération et ce, à compter du premier janvier 2013 ; que l'évaluation professionnelle de M. Christian X..., effectuée au mois d'avril 2012, soit 5 mois après la signature de l'avenant, démontre que M. Christian X... déplore une absence d'augmentation de sa rémunération mais ne se plaint nullement de son futur passage à temps partiel ; que les différents accords d'entreprise produits par l'employeur et l'examen des bulletins de salaire de M. Christian X... révèlent que les salaires versés ont fait l'objet d'une augmentation conforme à l'évolution des indices ; que l'absence d'augmentation individuelle ne relève que du pouvoir de direction de l'employeur ; que les différents emails produits par la CAFSA Alliance Forêts Bois font apparaître que M. Christian X... animait des formations, préparait les budgets et participait aux éléments à mettre en place pour la fusion des coopératives ; que M. Christian X..., en janvier 2013 figurait sur l'organigramme de l'entreprise et qu'ensuite le document lié au livret d'accueil, non daté, permet seulement de savoir qu'il est postérieur à mars 2013 du fait de la production aux débats du contrat de travail du nouveau directeur administratif et financier ; qu'il est constant au vu de la pièce produite par l'employeur qu'une instance est en cours sur la contestation de reconnaissance de maladie professionnelle, les éléments fournis sur ce point n'ont pas autorité de la chose jugée ; que par l'ensemble des éléments produits par l'employeur démontrent que les faits matériellement établis par M. Christian X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que c'est par une très juste analyse du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont donc rejeté les demandes de M. Christian X... relatives au harcèlement et à la nullité du licenciement ; que le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 20 mars 2015 sera confirmé sur ces points ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu': « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'en l'espèce, M. Christian X... justifie de certificats médicaux concernant son état de santé, il dit avoir été forcé sous la menace d'un licenciement, de signer des avenants à son contrat travail, réduisant ainsi son temps de travail, sa rémunération et ses fonctions dans l'entreprise ; qu'il n'amène pas de preuve permettant d'affirmer que l'employeur l'a obligé à signer ces avenants ; que M. Christian X... justifie le harcèlement de son employeur par le fait de ne pas avoir eu d'augmentation de salaire et que le poste de directeur administratif et financier ne lui a pas été proposé ; que l'employeur justifie, en l'espèce, de la réorganisation de la société suite à une fusion ; qu'il considère que l'augmentation est de sa prérogative et qu'il n'a aucune obligation de faire, cela ne constitue pas un harcèlement ; que la société n'a été informée du soi-disant harcèlement que le 27 juin 2013, qu'elle a procédé à une enquête interne ne démontrant pas de harcèlement ; que les éléments communiqués par les parties concernant la position hiérarchique de M. Christian X... ainsi que ses fonctions sont conformes aux avenants signés par ce dernier et qu'il ne peut, donc, pas être reproché à l'employeur l'application de ces derniers ;
1°) ALORS QUE lorsqu'il est saisi d'un litige relatif à un harcèlement moral, le juge doit examiner l'ensemble des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement dont fait état le salarié ; que M. X... faisait état, dans ses écritures d'appel, de ce que dans le cadre de la restructuration invoquée par la CAFSA pour tenter de justifier les modifications successives de postes, de durée et de salaire qui lui étaient appliquées, il était le seul dont le contrat de travail n'avait pas été transféré le 1er juillet 2012 au sein de Alliance Forêts Bois et à rester salarié de l'ancienne coopérative alors que tous les directeurs, opérationnels et fonctionnels, avaient vu leur contrat transféré (conclusions, p. 20) et de ce que lors du départ de M. A..., directeur administratif, le 30 avril 2013, un recrutement externe avait eu lieu sans que ce poste ne lui soit proposé alors qu'il occupait le poste de directeur administratif et financier adjoint, après avoir été directeur administratif et que depuis des années, chaque fois qu'un poste était à pourvoir, la priorité était donnée à une proposition en interne (conclusions p. 27) ; qu'en le déboutant de ses demandes sans se prononcer sur l'ensemble de ces éléments invoqués par le salarié qui étaient pourtant de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE les méthodes de gestion et d'organisation du travail mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique caractérisent un harcèlement moral lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. X..., qui occupait jusque lors le poste de directeur administratif, s'était vu, par avenants successifs à son contrat de travail, attribuer les fonctions de directeur administratif et financier adjoint, sous l'autorité de M. A..., son ancien assistant, avant de voir son temps de travail diminuer à raison de 21 heures par semaine, en se fondant, pour dire que le harcèlement moral n'était pas établi, sur la circonstance inopérante que les avenants au contrat de travail signés par M. X... se situaient dans la période de réorganisation des directions de l'entreprise faisant suite à la fusion des coopératives, circonstance ne permettant pas d'excuser le comportement de l'employeur à l'endroit de l'exposant, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant, pour dire que le harcèlement moral n'était pas établi, à énoncer que M. X... avait signé librement les différents avenants à son contrat de travail, sans même analyser l'attestation de M. Z..., ancien responsable informatique au sein du groupe CAFSA de 1999 à 2013, dans laquelle il témoignait de ce qu'il avait été imposé à M. X..., contre son souhait, une réduction de son temps de travail à 3/5ème de temps à partir de juillet 2013, circonstance d'où il résultait que le salarié s'était vu imposer un avenant réduisant son temps de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU' en se fondant encore, pour dire que le harcèlement moral n'était pas établi, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles l'évaluation professionnelle de M. X... effectuée en 2012 démontrait qu'il déplorait une absence d'augmentation de sa rémunération sans se plaindre de son passage à temps partiel, les différents accords d'entreprise produits par l'employeur et l'examen des bulletins de salaire de l'exposant révélaient que les salaires versés avaient fait l'objet d'une augmentation conforme à l'évolution des indices, les différents emails produits par l'employeur faisaient apparaître que le salarié animait des formations, préparait les budgets et participait aux éléments à mettre en place pour la fusion des coopératives, et ce dernier, en janvier 2013 figurait sur l'organigramme de l'entreprise, quand ces circonstances, fussent-elle avérées, ne pouvaient exclure que l'employeur se soit par ailleurs rendu coupable de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
5°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de mentionner les documents sur lesquels ils fondent leur conviction et de procéder à une analyse, à tout le moins succincte, de ceux-ci avant de préciser pour quelles raisons ils les admettent ou ils les estiment non probants ; qu'en se bornant, pour dire que le harcèlement moral n'était pas établi, à énoncer que les différents emails produits par l'employeur faisaient apparaître que le salarié animait des formations, préparait les budgets et participait aux éléments à mettre en place pour la fusion des coopératives, sans préciser quels étaient les courriels auxquels elle se référait ni procéder à leur moindre analyse, fût-ce sommairement, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Cafsa alliance forêts bois, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la CAFSA Alliance Forêts Bois à payer à M. X... la somme de 20.482 euros à titre de rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de rappel de salaire : l'employeur reconnaît le principe du versement aux salariés des indemnités journalières perçues ; que M. Christian X... sollicite à ce titre la somme de 20 482 € alors que l'employeur indique ne devoir que la somme de 18 186,50 € ; que l'examen des pièces du dossier permet de chiffrer le rappel de salaire à la somme de 20 482 € ; qu'en conséquence, la CAFSA Alliance Forêts Bois sera condamnée à lui verser à ce titre la somme de 20 482 € ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de prononcer cette condamnation sous astreinte ;
ALORS QU'en énonçant, pour condamner la CAFSA Alliance Forêts Bois à payer à M. X... la somme de 20.482 euros à titre de rappel de salaire, que « l'examen des pièces du dossier permet de chiffrer le rappel de salaire à la somme de 20 482 € », sans viser ni analyser, même sommairement, les éléments sur lesquels elle fondait sa décision ni motiver sa décision autrement que par cette seule affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.