SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mars 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme Y..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10234 F
Pourvoi n° R 16-17.305
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Sanep, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 mars 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Ali X..., domicilié [...] ,
2°/ à la société ISS Propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ au Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 janvier 2018, où étaient présents : Mme Y..., conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, M. Pion, Mme Van Ruymbeke, conseillers, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sanep, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société ISS Propreté ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sanep aux dépens ;
Vu l'article 700 du code procédure civile, condamne la société Sanep à payer à la société ISS Propreté la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen etThiriez, avocat aux Conseils, pour la société Sanep.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir prononcé la résiliation judiciaire des contrats de travail avec effet au jour du licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que Monsieur Ali X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 20 janvier 2010 de demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail et qualifiées d'indemnités de licenciement; Que cependant, aucun élément versé aux débats n'établit que l'employeur ait procédé à un licenciement, même verbal, avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave initiée par la convocation du 28 janvier 2010 et finalisé par la lettre de licenciement en date du 12 février 2010; Qu'en réalité, le Conseil de Prud'hommes a été saisi, à titre principal, par Monsieur Ali X... d'une demande de réalisation (sic) judiciaire du contrat de travail ; Que cette demande de requalification est d'ailleurs soutenue à titre principal tant par l'appelant que par la société intimée; Qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé » ;
ALORS d'une part QUE le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le 20 janvier 2010, les salariés avaient saisi le Conseil de prud'hommes de Paris de demandes indemnitaires liées à la rupture de leur contrat de travail et qualifiées d'indemnités de licenciement, la Cour d'appel a considéré que, aucun élément n'établissant que l'employeur ait procédé à un licenciement, même verbal, avant la mise en oeuvre des procédures de licenciement pour faute grave initiées par les convocations du 28 janvier 2010, les salariés avaient en réalité saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail ; qu'en statuant quand la société SANEP soutenait que, compte tenu des circonstances, la saisine du Conseil de prud'hommes par les salariés qui ne s'était jamais présentés à leur poste de travail caractérisait, en réalité, leur volonté non équivoque de mettre fin à leur contrat de travail et devait s'analyser, en conséquence comme une prise d'acte de la rupture de leurs contrats de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile ;
ALORS d'autre part QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société SANEP contestait le fait que la saisine du Conseil de prud'hommes par les salariés le 20 janvier 2010 puisse être analysée comme une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et faisait notamment valoir que cette analyse, soutenue pour la première fois en appel par les salariés, l'était « dans un but purement déloyal pour soustraire à la Cour, l'analyse de [leurs] propres manquements fautifs » ; qu'en considérant néanmoins, pour juger que le Conseil de prud'hommes avait été saisi, à titre principal, par les salariés, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, que cette demande de requalification était soutenue, à titre principal, tant par les appelants que par la société intimée, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de cette société en violation des dispositions de l'article 1134 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société SANEP à payer aux salariés défendeurs aux pourvois diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement de rappel de salaire sur la période d'inactivité du 1er janvier 2010 au 12 février 2010, date de la rupture de la relation de travail, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour défaut d'information ou information insuffisante sur les droits acquis au titre du droit individuel à la formation ;
AUX MOTIFS QUE « lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; Considérant qu'il est constant qu'un litige s'est élevé entre les parties relatif à l'application de nouveaux horaires par la SARL SANEP ; Considérant que l'article 2 du contrat de travail de la salariée conclu avec son précédent employeur et repris dans l'avenant transmis par le nouvel employeur prévoyait que « compte tenu des caractères spécifiques de l'activité, les horaires de travail tels que définis dans le cadre de la journée par le présent contrat pourront éventuellement être modifiés. » ; Qu'il résulte des dispositions de l'article L 3123-24 du code du travail, lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur (...).; Qu'en l'espèce, il résulte des correspondances échangées entre les parties que la salariée a avisé la société SANEP de son impossibilité de travailler aux nouveaux horaires en raison d'un autre emploi exercé pour le compte d'un autre employeur (société SIN et ESTES ); Que la société SANEP, avisée de cette situation, a maintenu les nouveaux horaires de la salariée, Que nonobstant la procédure engagée devant le Conseil de Prud'hommes par Monsieur Ali X..., il est établi que la SARL SANEP n'entendait pas modifier son analyse de la situation puisqu'elle a, par la suite, licencié le salarié pour abandon de poste; Que le fait pour la SARL SANEP , avisée de cette situation, d'avoir maintenu les nouveaux horaires du salarié, en violation des dispositions légales rappelées ci-dessus, constitue un manquement suffisamment grave à ses obligations contractuelles emportant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts avec effet au jour du licenciement ; Sur les conséquences de la rupture : Considérant que la prise d'acte de rupture produit en l'espèce les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse; Que partant, il y a lieu de faire droit aux demandes indemnitaires non autrement contestées que sur le principe » ;
ALORS d'abord QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, alors que la société SANEP faisait valoir que les deux courriers adressés le 22 décembre 2009 par les salariés, le premier sous forme de pétition, le second par l'intermédiaire de la CGT, faisaient part du refus des salariés de modifier leurs horaires de travail sans faire référence à aucun empêchement lié au fait qu'ils auraient eu un autre emploi, les salariés ne contestaient pas ce fait, indiquant, dans leurs conclusions, que ces courriers, rédigés en des termes identiques, faisaient le constat de la modification « substantielle » des horaires de travail habituels des salariés et rappelaient qu'une telle modification ne pouvait intervenir sans l'accord de chacun d'entre eux ; qu'en considérant néanmoins qu'il résultait de ces courriers que les salariés avaient avisé la société SANEP de leur impossibilité de travailler aux nouveaux horaires en raison d'un autre emploi exercé pour le compte d'un autre employeur, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
ALORS encore et en toute hypothèse, QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, les deux courriers envoyés par les salariés le 22 décembre 2009, le premier sous forme de pétition, le second sous le couvert de la CGT, se contentaient de prétendre à l'existence d'une modification substantielle des horaires de travail nécessitant l'accord de chacun des salariés et d'informer la société SANEP de leur refus de ces horaires sans faire aucunement état du fait que ce refus aurait été lié à l'existence d'un autre emploi chez un autre employeur ; qu'en considérant néanmoins qu'il résultait de ces correspondances que les salariés avaient avisé la société de leur impossibilité de travailler aux nouveaux horaires en raison d'un autre emploi exercé pour le compte d'un autre employeur, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des deux courriers susvisés du 22 décembre 2009 en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS enfin et en toute hypothèse, QU'il appartient au juge, tenu de motiver sa décision, d'analyser au moins sommairement les éléments de preuve produits sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en l'espèce, pour faire droit aux demandes des salariés, la Cour d'appel a considéré qu'il résultait des correspondances échangées entre les parties que les salariés avaient avisé la société SANEP de leur impossibilité de travailler aux nouveaux horaires en raison d'un emploi exercé pour le compte d'un autre employeur ; qu'en statuant ainsi alors que la société SANEP soutenait que les salariés n'avaient jamais fait état de l'existence d'un autre employeur avant leur licenciement, sans analyser, même sommairement, les correspondances sur lesquelles elle se fondait, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.