CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10138 F
Pourvoi n° H 17-14.035
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Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mai 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Daniel Y..., domicilié [...] ,
contre deux arrêts rendus les 1er décembre 2016 et 2 février 2017 par la cour d'appel d'Amiens (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à Mme Anne X..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Bozzi , conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. Y..., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de Mme Bozzi , conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la SCP Marlange et de La Burgade la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné M. Y... à verser à Mme X... la somme en capital de 20 000 euros à titre de prestation compensatoire ;
Aux motifs propres que « Sur la prestation compensatoire
En application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible.
Il y a lieu de tenir compte, notamment de la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, de leur situation respective en matière de pensions de retraite.
En application de l'article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital ; celles-ci sont limitativement prévues par la loi ; l'article 275 du code civil précise que lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l'article 274 du code civil, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous la forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.
Il convient de se placer, pour déterminer si une prestation compensatoire est due et, le cas échéant, pour apprécier son montant, à la date à laquelle le prononcé du divorce est passé en force de chose jugée, tout en considérant l'avenir prévisible. Le divorce est en principe définitif, dans la mesure où il n'a pas remis en cause dans son principe, l'appel ne portant que sur ses conséquences financières.
Les deux époux sont nés [...] , ils se sont mariés [...] , se sont séparés [...] . Ils ont eu trois enfants, majeurs et autonomes à ce jour.
L'épouse, séropositive, justifie prendre un traitement médicamenteux quotidien et être astreinte à un suivi médical régulier.
L'époux fait valoir connaître depuis quelques mois des problèmes de santé, ayant dû être opéré en juin 2016 en service d'urologie, puis à nouveau hospitalisé en août 2016.
Mme X... expose être arrivé en France en 2002, s'être mariée alors que les jumeaux enfants du couple avaient deux ans, et s'être consacré à eux, et ensuite également au 3ème enfant né [...] . Elle précise que ce dernier a nécessité une attention très particulière, ce que l'époux ne conteste pas, évoquant un suivi médical très régulier pendant les sept premières années de cet enfant. M. Y..., qui ne conteste pas que la présence de la mère était alors nécessaire, estime qu'elle aurait pu reprendre une activité passés les 7 ans du plus jeune, étant observé que Mme X... a commencé à travailler peu de temps après, en 1998, aux 10 ans du dernier né. Elle a obtenu son diplôme d'aide-soignante en 1999, et a ensuite travaillé en contrats d'insertion et stages, avant de signer en décembre 2009 un contrat à durée indéterminée d'aide-soignante en EHPAD à Creil.
Elle y travaille toujours à ce jour, et a eu un revenu 2013 de 23 629 euros annuels, un revenu 2014 de 25 030 euros annuels, et un revenu 2015 de 25 089 euros mensuels, soit 2 090 euros mensuels, heures supplémentaires comprises.
Elle paie un loyer de 528 euros mensuels, rembourse un prêt Caisse d'Epargne de 254 euros mensuels jusqu'à fin 2018, souscrit pour l'achat d'un terrain au Congo, un crédit revolving de 60 euros mensuels, paie en 2015 une taxe d'habitation de 836 euros annuels et un impôt sur le revenu de 1 797 euros annuels, outre les charges fixes habituelles et frais de vie courante. Elle indique qu'elle a remboursé au moyen d'un crédit FACET, aujourd'hui soldé, des achats effectués par l'époux, ce qui sera examiné dans le cadre de la liquidation.
M. Y... est préparateur cariste. Il est indiqué qu'il a travaillé de façon continue, hormis deux années de chômage. Il est salarié de la société Legrand SNC Verneuil depuis plusieurs années et encore à ce jour. Il justifie avoir perçu en 2014 un salaire annuel de 23 153 euros, et en 2015 un salaire annuel de 24 160 euros, soit 2 013 euros mensuels. Il conteste partager ses charges comme le prétend Mme X... sans le démontre. Il paie en 2015 un impôt sur le revenu de 1 560 euros annuels, une taxe d'habitation de 876 euros annuels, une taxe foncière de 1 500 euros annuels, outre les charges fixes habituelles et frais de vie courante. Il vit dans l'ancien domicile conjugal et devra faire une indemnité d'occupation.
Mme X... établit que sa retraité sécurité sociale sera limitée à 431 euros mensuels, n'ayant cotisé à ce jour que 103 trimestres, mais ne fait pas connaître ses éventuels droits à la retraite complémentaires.
M. Y... a cotisé 168 trimestres à ce jour ; selon la simulation produite, il aura droit à une retraite mensuelle de 1 250 euros s'il part à 62 ans et 1 440 euros mensuels s'il part à 65 ans.
Les époux, mariés sous le régime légal, ont un seul bien commun, l'ancien domicile conjugal, une maison de 3 chambres et 433 m² de terrain, entièrement payée, évaluée en 2011 entre 220 000 et 230 000 euros et par quatre évaluations réalisées en octobre 2015 respectivement à 175 000 euros, 170 000 euros, entre 170 000 euros et 180 000 euros et entre 180 000 et 190 000 euros, la cour retenant souverainement 175 000 euros.
L'épouse a en propre un terrain qu'elle a acquis au Congo, moyennant un prêt Caisse d'Epargne, valant 7 500 euros. Elle déclare 310 euros d'épargne.
Il résulte de ce qui précède que la rupture du lien conjugal crée une disparité entre les époux, notamment en termes de retraite, justifiant d'allouer à l'épouse, au vu de son état de santé, mais également de la durée de l'union, et de son investissement dans la vie de famille, une prestation compensatoire de 20 000 euros en capital, conformément à la décision entreprise, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux demandes de suppression ou d'augmentation de cette prestation compensatoire » ;
Et aux motifs adoptés que « Le montant mensuel brut de [la] retraite [de Mme X...] est évalué au 1er octobre 2024 à 431,37 euros, tel que cela résulte de l'évaluation de la retraite émise par l'assurance retraite le 8 juillet 2014 ».
1° Alors que pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; qu'en cas d'appel partiel n'affectant pas le principe même du divorce, le prononcé du divorce ne passe en force de chose jugée qu'à la date du dépôt des conclusions de l'intimé(e) ; que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire de Mme X..., la cour d'appel s'est contentée d'énoncer que « le divorce est ici définitif, dans la mesure où il n'est pas remis en cause dans son principe, l'appel ne portant que sur ses conséquences financières », sans préciser la date à laquelle elle entendait se placer, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 260, 270 et 271 du code civil ;
2° Alors que pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; que, pour condamner M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire de 20 000 euros en capital, la cour d'appel a retenu que Mme X... établit que sa retraite sécurité sociale sera limitée à 431 euros ; qu'en se fondant ainsi sur une estimation datée du 8 juillet 2014, antérieure de plus de deux ans au prononcé du divorce, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
3° Alors que l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; que, pour condamner M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire, la cour d'appel a retenu que la rupture du lien conjugal créait une disparité entre les époux, notamment en termes de retraites ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de M. Y... (p. 8), si la différence de retraite prévisible n'était pas due à des choix personnels de la part de Mme X... quant à sa carrière professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
4° Alors que le juge fixe le montant de la prestation compensatoire en fonction, notamment, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; qu'en jugeant que la rupture du lien conjugal créait une disparité entre les époux justifiant le versement d'une prestation compensatoire, au regard notamment de l'investissement de Mme X... dans la vie de famille, sans constater en quoi les choix de Mme X... sur sa carrière professionnelle avaient favorisé la carrière de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 271 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande d'attribution préférentielle de l'ancien logement familial situé [...] ;
Aux motifs que « Sur l'attribution préférentielle
L'article 267 du code civil prévoit qu'à défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge statue, en prononçant le divorce, statue sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle.
Aux termes de l'article 1476 du code civil, le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre « Des successions » pour les partages entre cohéritiers.
Toutefois, pour les communautés dissoutes par divorce, séparation de corps ou séparation de biens, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit, et il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant.
Aux termes de l'article 831-2-1° du code civil, en application des dispositions relatives aux successions, le conjoint peut demander l'attribution préférentielle de la propriété du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence au jour de la demande en divorce.
L'épouse indique que l'époux n'habite pas effectivement la maison ancien domicile familial. Elle produit des photos montrant le jardin non entretenu et constate avec pertinence que la seule facture d'eau produite par l'époux indique une consommation d'eau de 0m3 sur la période octobre 2014 à avril 2015. En l'absence de démonstration d'une résidence effective, la décision ayant débouté l'époux de sa demande d'attribution préférentielle sera confirmée. »
1° Alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en relevant, d'une part, que M. Y... « vit dans l'ancien domicile conjugal et devra une indemnité d'occupation » (arrêt attaqué, p. 5 §7), et d'autre part qu'il ne justifie pas d'une résidence effective au domicile conjugal (p. 6 in fine), la cour d'appel a statué par motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2° Alors qu'en application de l'article 831-2, 1° du code civil, rendu applicable à la demande d'attribution préférentielle formulée lors du partage de la communauté par l'article 1476 du code civil, le conjoint peut demander l'attribution préférentielle de la propriété du local qui lui sert d'habitation s'il y avait sa résidence effective au jour de l'assignation en divorce ; que, pour débouter M. Y... de sa demande d'attribution préférentielle du logement familial, la cour d'appel a relevé que « la seule facture d'eau produite par l'époux indique une consommation d'eau de 0m3 sur la période octobre 2014 à avril 2015 » ; qu'en statuant ainsi, en se plaçant à une date postérieure à la demande de divorce qui avait été introduite le 27 juin 2014 selon les termes mêmes de l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles 831-2,1° et 1476 du code civil ;
3° Alors que le conjoint peut demander l'attribution préférentielle de la propriété du local qui lui sert d'habitation s'il y avait sa résidence effective au jour de l'assignation en divorce ; que, pour débouter M. Y... de sa demande d'attribution préférentielle du logement familial, la cour d'appel a retenu que Mme X... produisait « des photos montrant le jardin non entretenu » ; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la date à laquelle ces photos avaient été prises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 831-2,1° et 1476 du code civil ;