SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Décision n° 10212 F
Pourvoi n° H 17-11.344
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2016.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Angèle Y..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Securitas transport aviation security, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , ayant établissement [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 2018, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Y..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Securitas transport aviation security ;
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave et de l'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes d'indemnité de préavis, de licenciement, de rappel de salaires au titre de la mise à pied, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS propres QUE la lettre de licenciement du 4 février 2013, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée : "Madame, Le présent courrier s'inscrit dans le prolongement de la procédure que j'ai dû mettre en oeuvre à votre encontre. Dans le cadre de cette procédure, je vous ai signifié, par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 22 janvier 2013, votre convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction, pouvant conduire à un éventuel licenciement. Dans le même courrier je vous ai notifié votre mise à pied à titre conservatoire, compte tenu de la gravité des agissements qui vous sont reprochés. L'entretien préalable s'est tenu, comme prévu le mercredi 30 janvier 2013, auprès de moi-même, en ma qualité de Directeur Local des Opérations afin que je vous expose précisément les différents griefs que nous avions à votre encontre et afin de vous donner l'opportunité de nous apporter tout élément en votre possession. Lors de cet entretien, auquel vous avez choisi de vous faire assister par Mme A... Catia, Délégué du personnel suppléant vous ne nous avez apporté aucun élément nouveau pouvant expliquer vos agissements. Les faits qui vous sont reprochés et qui ont motivés notre décision sont les suivants : Le 21 janvier 2013 vous avez été affecté à une mission de sûreté pour laquelle vous avez été formé et pour laquelle vous possédiez les habilitations et agréments nécessaires. Dans le cadre de votre mission vous devez procédez à des palpations de sûreté sur des passagers au niveau des postes d'inspection filtrage des terminaux 2AC de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Lors de votre prise d'affectation vous avez été questionné par les Chefs d'équipe Mme B... et Mme C... et vous leur avez répondu que vous étiez formée et habilitée à faire des palpations de sûreté. Pendant votre-mission la Police aux Frontières a effectué un contrôle par visionnement d'enregistrements vidéo ainsi qu'un test physique. A l'issue du test vous avez été questionné par la Police aux Frontières et vous leur avez confirmé que vous n'étiez pas formée pour cette mission et vous n'aviez pas les habilitations requises. L'ensemble de vos déclarations auprès des Services comptants de l'état sont fausses, comme démontré par nos soins lors de votre entretien disciplinaire le 30 janvier 2013 et par l'ensemble des éléments, que nous avons été obligés de fournir à ces mêmes services de l'état. Vos mensonges discréditent votre employeur ainsi que l'ensemble de vos collègues. Nous ne saurons tolérer un tel comportement. En conséquence de ce qui précède et compte tenu des faits qui vous sont reprochés, vous comprendrez aisément que votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible, nous avons décidé de procéder à votre licenciement à effet immédiat pour faute grave qui prendra effet dès la date d'envoi de cette lettre. Votre contrat de travail se terminera à cette date, sans préavis ni indemnité de licenciement..." ; qu'il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, Mme Y... n'a pas détecté le 21 janvier 2013 sur un "passager" témoin, dans le cadre d'un test mené par la Police de l'Air et des Frontières -PAF-, la présence d'un couteau de marque Opinel ; que ce fait ne lui étant pas reproché, il importe peu que Mme Y... travaillait principalement à l'accueil au rapprochement documentaire et peu au poste d'inspection filtrage ; qu'il est reproché à la salarié d'avoir menti à la Police de l'Air et des Frontières - PAF- lors de ce contrôle sur site de travail, en leur déclarant qu'elle n'était pas formée et habilitée à faire des palpations de sûreté, après affirmé le contraire aux chefs d'équipe qui s'en étaient inquiétés avant d'affecter Mme Y... ce jour-là à la palpation de sûreté des passagers ; que les partie s'opposent sur ce point précis et, partant, sur l'existence d'une faute et sur sa gravité ; qu'il est établi par l'attestation de Mme B... qu'en sa qualité de chef d'équipe elle a demandé à Mme Y... si celle-ci pouvait effectuer les différentes missions d'un agent de sûreté, que la salarié a répondu oui, à l'exception du poste de contrôle à l'écran et de l'ouverture des bagages et que Mme Y... a alors été affectée le 21 janvier 2013 au poste d'inspection filtrage ; que cette capacité à occuper un tel poste est corroborée par le fait qu'elle reconnaît, dans le contrat à effet du 27 octobre 2009 signé avec la société Securitas Transport Aviation Security, remplir les conditions d'aptitude professionnelle requises par le décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005 et que le contrat, qui fait la loi des parties, précise : « Votre mission consiste dans le cadre, notamment de l'article L 282-8 dit Code de l'aviation civile, à effectuer conformément aux missions et instructions du poste les contrôles de sûreté dans le but d'empêcher l'introduction à bord des aéronefs en exploitation de toute personne ou élément de nature à compromettre la sûreté des vols. [...] L'activité de sûreté exigeant une polyvalence entre les différents postes; il est expressément entendu que vous pourrez être amenée à exercer successivement ou ponctuellement des missions sur d'autres postes de sûreté aéroportuaire » ; que par ailleurs, selon les pièces produites, cet agent de sûreté aéroportuaire bénéficiait de l'agrément préfectoral lui permettant d'exercer la fonction d'agent de sûreté sur la plateforme aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle et a suivi avec succès, les 11 janvier et 5 septembre 2012, une formation continue portant notamment sur "inspection filtrage des personnes, accomplir un palpation de sécurité permettant de déceler un article prohibé" ; que donc Mme Y... était habilitée et apte à effectuer la tâche de palpation de sûreté des passagers, quand bien même elle avance, sans l'étayer, que sa formation à cette tâche était théorique ; qu'enfin, M. D..., autre chef d'équipe, atteste régulièrement qu'appelé sur les lieux à la demande de la PAF pour vérifier si Mme Y... était habilitée ou non à la palpation des passagers, il a entendu cet agent répondre qu'elle ne l'était pas ; Que les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont donc établis ; que le mensonge de la salariée, fut-il destiné à se dédouaner de son échec au test de palpation, était de nature à entraîner pour son employeur un discrédit de la part des autorités compétentes sur le sérieux et la compétence de la société Securitas Transport Aviation Security à pouvoir honorer le marché conclu dans ce secteur sensible ; qu'un tel comportement, contraire à la plus élémentaire loyauté envers son employeur, est d'une gravité telle qu'il empêche le maintien du lien contractuel, y compris pendant la durée du préavis, et fonde le licenciement de Mme Y... pour faute grave proportionné au manquement ; que le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions, Mme Y... étant déboutée de toutes ses demandes.
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue mie violation des obligations découlant du contrat de travail où des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que la charge de la preuve en cas de faute grave pèse intégralement sur l'employeur, qui doit prouver le caractère intentionnel du salarié ; qu'il doit être préalablement rappelé que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, une cause objective, existante et exacte revêtant un caractère sérieux dans la mesure où elle est d'une certaine gravité, qui rend impossible sans dommage pour l'entreprise la poursuite du contrat de travail et justifie ainsi le licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce dans la lettre de licenciement de Madame Angèle Y... il ne lui est pas reprochée d'avoir échoué au test de la Police aux Frontières, mais d'avoir répondu ne pas être formé à la palpation. Dans son courrier du 9 février Madame Angèle Y... conteste avoir dit qu'elle n'était pas formé mais de n'avoir eu qu'une formation théorique ; que la SAS SECURITAS produit aux débats le livret individuel de formation de Madame Angèle Y... où il apparaît que Madame Angèle Y... a suivi des formations au PIF le 22 avril 2006 ainsi que des formations les 11 janvier 2012 et 5 septembre 2012 ces deux dernières formations portaient en partie sur : « Contrôle d'accès et inspection filtrage des personnes ; Accomplir une palpation de sécurité permettant de déceler un article prohibé, ou une partie d'article prohibé ; Vérification du portique, magnétomètre et RX classique. » ; que comme en attestent les attestations individuelles de formation relatives à la sûreté aéroportuaire, Madame Angèle Y... produit aux débats l'attestation de Madame Katia A... représentante du personnel qui l'a assistée lors de l'entretien préalable en ces termes : « Le 30 janvier 2013 dans le cadre de mes fonctions de représentante du personnel, j'ai été amené à assister madame Angèle Y.... Cet entretien s'est déroulé en présence de Monsieur H... E... et de monsieur Alexandre F.... Monsieur H... E... a exposé à Mme Y... les motifs de sa mise à pied, lui expliquant que son attitude avait été préjudiciable à la société, et que sa volonté avait été de nuire de façon délibéré à l'entreprise allant jusqu'à lui parler de poursuites judiciaires et lui proposant aussi de démissionner afin de classer son dossier. Il a également fait l‘inventaire des bons états de service de madame Y... mais est toutefois resté sourd à toutes nos justifications et sur le fait que madame Y... était avant tout un agent dédié à la prestation Aviation et non PIF et aussi qu'aucune prise de fonction de Mme Y... sur la fonction des terminaux A et C. » ; qu'en conséquence au regard des éléments fournis aux débats, le Conseil dit le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse et écarte la faute grave ;
1°) ALORS tout d'abord QUE la faute grave se définit par la faute qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire et rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et que la charge de la preuve pèse sur l'employeur ; que la tenue par le salarié de propos mensongers sur les formations qualifiantes qu'il a obtenues n'est susceptible d'être retenue à l'appui d'un licenciement pour faute grave que si l'employeur a fait la preuve de la matérialité des faits reprochés dans la lettre de licenciement ; qu'à cet égard, la salariée alléguait n'avoir suivi que la formation théorique « Inspection, filtrage des personnes », mais non la formation pratique requise pour effectuer les palpations de sécurité sur les passagers ; qu'en considérant qu'elle était apte et habilitée à effectuer la tâche de palpations dès lors qu'elle avait suivi avec succès les 11 janvier et 5 septembre 2012 une formation continue sans vérifier et établir, comme elle y était pourtant invitée, que les modules susvisés comprenaient la formation pratique nécessaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
2°) ALORS encore à cet égard QUE la cour d'appel a énoncé au soutien de la faute grave que la salariée avançait, sans l'étayer, que sa formation à cette tâche était théorique ; qu'en faisant ainsi peser la charge de la preuve de la faute grave sur la salariée, la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1315 alors applicable du code civil ;
3°) ALORS à tout le moins QU'en se bornant à énoncer que la salariée avançait, sans l'étayer, que sa formation à cette tâche était théorique quand celle-ci soutenait de manière circonstanciée et étayée qu'elle n'avait pas reçu la formation pratique (conclusions pp. 7-8), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS en tout cas QU'en l'absence de perturbations causées à l'entreprise par les agissements du salarié, la faute grave n'est pas caractérisée ; qu'en considérant que le mensonge de la salariée était de nature à entraîner pour l'employeur un discrédit de la part des autorités compétentes sur le sérieux et la compétence de la société à pouvoir honorer le marché conclu dans ce secteur sensible, sans pour autant vérifier, comme elle y était invitée, que le risque s'était effectivement réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
5°) ALORS en tout état de cause QUE ne constitue pas une faute grave le fait pour un salarié justifiant de neuf ans d'ancienneté et n'ayant jamais été sanctionné antérieurement, de déclarer de pas avoir été formée à des tâches d'inspection filtrage accessoires à sa mission principale de contrôle des documents des passagers embarquant sur les vols ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail.