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28/02/2018 | FRANCE | N°16-23919

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2018, 16-23919


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., engagé par l'association Adapei en qualité d'éducateur spécialisé à compter du 1er janvier 1980, y exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur du service d'action sociale et suite ; que par jugement du 30 avril 2010, l'association a été placée en redressement judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité d'administrateur et M. B... en qualité de mandataire judiciaire ; qu'à la suite d'une ordonnance du juge-commissaire du 1er mars 2011 et par lettre du

11 mars 2011, le salarié a été licencié pour motif économique ; que pos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., engagé par l'association Adapei en qualité d'éducateur spécialisé à compter du 1er janvier 1980, y exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur du service d'action sociale et suite ; que par jugement du 30 avril 2010, l'association a été placée en redressement judiciaire, M. Y... étant désigné en qualité d'administrateur et M. B... en qualité de mandataire judiciaire ; qu'à la suite d'une ordonnance du juge-commissaire du 1er mars 2011 et par lettre du 11 mars 2011, le salarié a été licencié pour motif économique ; que postérieurement, le redressement par voie de continuation de l'association a été ordonné, M. Y... étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause ;

Attendu que, pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société ne produit aucune pièce démontrant qu'elle a effectué une quelconque recherche de reclassement, bien qu'elle comporte plusieurs établissements ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas de l'impossibilité de reclasser le salarié en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'association Adapei à payer à M. Z... la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 10 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour l'association Adapei et M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'absence de recherche de reclassement du salarié et, en conséquence, l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour motif économique et, par conséquent, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel et à payer au salarié les sommes de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail est tenu d'énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalent à une absence de motif ; que le licenciement pour motif économique doit, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : - avoir une cause affectant l'entreprise parmi les « difficultés économiques », les « mutations technologiques » ou la « réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité », - avoir une conséquence, soit sur l'emploi (suppression ou transformation) soit sur le contrat de travail (modification) ; que lorsque l'employeur invoque un motif économique pour rompre le contrat de travail, la lettre de licenciement doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde sa décision et ses conséquences précises sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que celui-ci ne peut au surplus intervenir que si le reclassement du salarié dans l'entreprise ou, le cas échéant, dans le groupe auquel appartient l'entreprise, est impossible ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, bien que les difficultés économique soient avérées puisque le licenciement était prononcé pendant la période de redressement judiciaire, la société ne produit aucune pièce démontrant qu'elle a effectué une quelconque recherche de reclassement, bien qu'elle comporte plusieurs établissements ; que le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

1°/ ALORS, d'une part, QUE l'employeur est libéré de faire des offres de reclassement au salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique lorsque l'entreprise ne comporte aucun emploi disponible en rapport avec ses compétences, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement, l'arrêt retient que la société ne produit aucune pièce démontrant qu'elle a effectué une quelconque recherche de reclassement, bien qu'elle comporte plusieurs établissement ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si l'employeur ne justifiait pas de l'impossibilité de reclasser le salarié en l'absence de postes disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail.

2°/ Et ALORS, d'autre part, QUE le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas, à lui seul, reconnaissance de ce fait ; qu'en tenant pour acquis, sur la seule foi des déclarations non contestées du salarié, que l'association Adapei comportait plusieurs établissements et qu'il existait une permutation du personnel entre l'association et ces établissements, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 1233-4 du code du travail, dans leurs versions en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel et à payer au salarié les sommes de 10 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche et de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an à compter de la rupture du contrat, s'il en fait la demande ; qu'en l'espèce, M. Z... produit un courrier du 12 avril 2011 dans lequel il faut valoir sa priorité d'embauche ; qu'il ressort des pièces produites et notamment des 3 attestations, que la société procédait à un appel à candidature sur un poste susceptible de correspondre aux compétences de M. Z... et qu'elle recrutait Mme C...; que la société ne s'explique pas sur ce point avec précision ; que la société procédait par ailleurs à des recrutements externes d'éducateurs spécialisés à compter de septembre 2011, et n'en informait pas M. Z... ; qu'il convient de condamner la société à payer à M. Z... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

1°/ ALORS QUE nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que le juge ne peut mettre à la charge du destinataire la preuve négative de l'absence d'envoi d'un document ; que pour condamner l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts au titre du non-respect de la priorité de réembauche, l'arrêt retient que le salarié « produit un courrier du 12 avril 2011 » dans lequel il fait valoir sa priorité d'embauche ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le salarié avait apporté la preuve du prétendu envoi de ce courrier et/ou de sa réception par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil, dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail, et de l'article L. 1233-45 du code du travail, alors applicable.

2°/ ALORS, en tout cas, QUE la priorité de réembauche ne s'impose à l'employeur qu'à partir du moment où le salarié a demandé à en bénéficier ; qu'aucune violation de la priorité de réembauche n'est caractérisée si le nouveau salarié a été embauché antérieurement à la demande ; que pour condamner l'employeur à payer au salarié des dommages et intérêts au titre du non-respect de la priorité de réembauche, l'arrêt retient que le salarié produit un courrier du 12 avril 2011 dans lequel il fait valoir sa priorité d'embauche et qu'il ressort des pièces produites et notamment des 3 attestations, que la société avait procédé à un appel à candidature sur un poste susceptible de correspondre aux compétences du salarié et qu'elle avait recruté Mme C... ; qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que le poste ouvert à candidature en interne, le 6 avril 2011, aurait été pourvu après la date à laquelle le salarié avait prétendument demandé à bénéficier de la priorité de réembauche, soit après le 11 avril 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-45 du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail.

3°/ Et ALORS, en outre, QUE la priorité de réembauche ne peut s'exercer que lorsque l'employeur procède à des embauches et non lorsqu'il propose un emploi en interne à des salariés de l'entreprise. ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le poste ouvert à candidature le 6 avril 2011, ainsi qu'il était indiqué dans les écritures d'appel du salarié lui-même, avait été proposé aux salariés de l'association Adapei en interne, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-45 du code du travail dans sa version en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail.

4°/ ALORS, par ailleurs, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, l'arrêt a expressément renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions auxquelles celles-ci avaient expressément déclaré se rapporter lors de l'audience de plaidoiries ; que dans ses écritures d'appel, le salarié n'avait nullement soutenu que l'employeur aurait procédé à des recrutements externes d'éducateurs spécialisés à compter de septembre 2011 ; qu'en soulevant d'office ce motif, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

5°/ ALORS, en tout cas, QUE le juge est tenu de préciser les éléments de preuve ayant servi de fondement à sa décision ; qu'en retenant que l'employeur aurait procédé à des recrutements externes d'éducateurs spécialisés à compter de septembre 2011, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se serait fondée pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-23919
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 10 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2018, pourvoi n°16-23919


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.23919
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