SOC.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10216 F
Pourvoi n° C 16-19.754
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ la société Ajjis, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. Vincent Y..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Willemse France,
2°/ M. Emmanuel Z..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Willemse France,
3°/ la société Willemse France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 29 avril 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme Sergine A..., domiciliée [...] ,
2°/ au Pôle emploi Nord Pas-de-Calais, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B..., conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Ajjis, de M. Z..., ès qualités, et de la société Willemse France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme A... ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ajjis, M. Z..., ès qualités, et la société Willemse France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ajjis, de M. Z... et de la société Willemse France et les condamne à payer à Mme A... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Ajjis, M. Z... et la société Willemse France
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR déclaré le licenciement de Mme A... dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR statuant à nouveau et y ajoutant condamné la société Willemse France à payer à Mme A... la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse outre 1 300,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR ordonné en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Willemse France des indemnités de chômage versées à Mme A... entre son licenciement et ce jour, dans la limite de 4 mois, d'AVOIR condamné la société Willemse France aux dépens incluant ceux de première instance ;
AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement est rédigée comme suit :
« ' nous sommes contraints de procéder à votre licenciement économique...notre société a enregistré depuis deux ans une perte de chiffre d'affaires de 30 % et une dégradation de ses résultats très forte...vu la perte constatée nous nous trouvons aujourd'hui véritablement confrontés à un problème de sauvegarde non seulement de notre compétitivité mais également de la pérennité de notre entreprise. Face à ce constat, nous avons dû envisager une réorganisation de notre activité... nous nous sommes aperçus que la suppression de votre poste d'employée relation clients s'imposait. L'application stricte des critères d'ordre de licenciement nous amène à prononcer cette mesure ..»
Sur les difficultés économiques :
Il est avéré que la SARL Willemse France a rencontré concomitamment au licenciement de Mme A... des difficultés économiques tenant en une chute drastique de ses commandes (864 000 en 2010 contre 476 000 en 2013) et de son chiffre d'affaires, ce qui a entraîné une dégradation importante de ses résultats et motivé son placement sous sauvegarde par le tribunal de commerce.
Ces difficultés l'ont conduite à envisager le licenciement collectif de 9 salariés dont l'appelante sans qu'une autorisation du juge commissaire fût nécessaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde soumise au droit commun des licenciements économiques.
Sur la suppression du poste de Mme A... :
L'appelante fait valoir que son emploi n'a pas été supprimé et que l'employeur a continué de recourir à l'embauche de salariés saisonniers pour remplir ses précédentes missions.
La SARL Willemse France rétorque que les deux postes du service relations clients, dont celui de l'appelante, ont effectivement été supprimés, que les clients ont été informés automatiquement du suivi de leur commande, qu'aucun salarié n'a été embauché à compter du 22 mai 2013, date de convocation à l'entretien préalable, et que les saisonniers recrutés à compter de janvier 2014 l'ont été sur des postes différents de celui occupé par l'appelante.
Il apparaît, à l'examen du registre du personnel, que deux salariés, Mesdames C... et D..., ont été recrutées par la SARL Willemse France dès juillet et août 2013, soit très peu de temps après la rupture litigieuse pour exercer des fonctions d'opératrice de saisie identiques à celles précédemment confiées à Mme A.... Par ailleurs, l'employeur a embauché au service de la relation client, auquel Mme A... était affectée, 11 salariés sous contrat saisonnier à compter de janvier 2014 dont 3 sur des postes d'opérateur de saisie.
L'examen du registre du personnel révèle par ailleurs, qu'au 1er janvier 2013, l'effectif du service de relations avec la clientèle comportait 19 emplois dont 9 permanents. Le 1er janvier 2014, le service comptait le même nombre d'employés mais le nombre de ceux embauchés à titre précaire était de 13. L'employeur est en outre mal fondé de soutenir que le poste d'opératrice de saisie de l'intéressée a été supprimé alors que ses effectifs au 15 janvier 2014 comportaient 3 emplois d'opérateurs de saisie contre 2 au moment du licenciement litigieux.
Il en résulte que le poste de travail de Mme A... n'a pas été supprimé mais occupé immédiatement après son licenciement par des salariés recrutés à titre précaire.
La Cour en déduit que les difficultés économiques rencontrées par la SARL Willemse France n'ont pas entraîné la suppression de l'emploi de Mme A... et que son licenciement n'entre pas dans les prévisions de l'article L.1233-3 du code du travail définissant le licenciement économique comme celui effectué pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Le licenciement, tout comme les motifs ayant présidé à l'acceptation par la salariée du contrat de sécurisation professionnelle, seront donc considérés comme dépourvus de cause réelle et sérieuse.
En réparation du préjudice subi par la salariée, la Cour a tenu compte :
- de son âge : 43 ans,
- du préjudice moral causé en l'espèce par la perte de l'emploi,
- de sa dernière rémunération mensuelle : environ 1300 euros,
- des effectifs de l'entreprise : plus de 10,
- de son ancienneté dans celle-ci : 23 ans,
- de ses qualifications, du laps de temps nécessaire à l'obtention d'un nouvel emploi et des justificatifs fournis sur sa situation,
- des revenus perçus par l'intéressée après le licenciement, notamment l'allocation de sécurisation professionnelle, pour lui allouer 20 000 euros de dommages-intérêts » ;
1°) ALORS QUE la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise, est une suppression d'emploi ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'en raison de la nature saisonnière de l'activité, il existait au sein de l'entreprise deux types d'emploi, les emplois permanents dont celui de Mme A... et les emplois saisonniers, n'ayant pas vocation à remplacer les emplois permanents, et deux périodes s'étalant du 1er janvier au 30 juin et du 1er juillet au 31 décembre ; qu'il établissait par les registres d'entrées et de sorties du personnel produits que du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013, aucun salarié n'avait été embauché au sein du service Relations Clients à compter du 22 mai 2013, date de convocation à l'entretien préalable de Mme A..., que les contrats des saisonniers visés, recrutés dès le mois de janvier, s'étaient terminés le 14 juin 2013 dont ceux de Mmes C... et D..., et que du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013, seuls deux contrats saisonniers avaient été conclus, du 29 juillet au 29 novembre 2013 pour Mme D... et du 27 août au 29 novembre 2013 pour Mme C..., déjà présentes dans l'entreprise sur la période antérieure, de sorte que l'effectif du service était passé de 18 salariés à 17 salariés (conclusions d'appel p.7 et 8 et registres d'entrées et de sorties du personnel du 1er janvier au 30 juin 2013 et du 1er juillet au 31 décembre 2013) ; qu'en se bornant à affirmer que dès juillet et août 2013, l'employeur avait recruté Mmes C... et D..., sans à aucun moment s'expliquer sur la nature saisonnière de l'activité de l'entreprise et sur le fait que Mmes C... et D... bénéficiaient déjà, avant le licenciement de Mme A..., d'un contrat de travail saisonnier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, il résultait du registre d'entrées et de sorties du personnel du 1er janvier au 30 juin 2013, qu'au 1er janvier 2013, 9 salariés travaillaient au sein du service relations clients et qu'au cours de toute la période, 18 salariés avaient été amenés à travailler dans ce service ; qu'en énonçant qu'au 1er janvier 2013, l'effectif du service de relations avec la clientèle comportait 19 salariés, dont 9 permanents, le cour d'appel a dénaturé le registre d'entrées et de sorties du personnel et violé le principe susvisé ;
3°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, il résultait du registre d'entrées et de sorties du personnel du 1er janvier au 30 juin 2014, qu'au 1er janvier 2014, 6 salariés travaillaient au sein du service relations clients ; qu'en énonçant que le 1er janvier 2014, le service relations clients comptait 19 salariés dont 13 embauchés à titre précaire, le cour d'appel a dénaturé le registre d'entrées et de sorties du personnel et violé le principe susvisé ;
4°) ALORS QUE le motif économique s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en se fondant, pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fait qu'à compter de janvier 2014, 11 salariés étaient sous contrats saisonniers dont 3 aux postes d'opérateur de saisie et que le service relations clients comptait le même nombre d'employés qu'au 1er janvier 2013 avec un nombre d'embauches à titre précaire plus important, la cour d'appel qui s'est fondée sur des éléments postérieurs de près de six mois à la rupture du contrat de travail de la salariée intervenue le 24 juin 2013, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.