CIV. 2
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10128 F
Pourvoi n° C 17-10.627
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Entreprise Malet, société anonyme, dont le siège est [...]                           ,
contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2016 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, dont le siège est [...]                          ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Entreprise Malet, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, l'avis de Mme Z..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Entreprise Malet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Entreprise Malet et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Malet
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Entreprise Malet de ses demandes, d'AVOIR déclaré que lui était opposable la décision de prise en charge de la maladie de M. Christophe A..., et d'AVOIR condamné la société Entreprise Malet à payer un droit égal au dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale soit la somme de 321,80 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ; que le tableau n° 97 des maladies professionnelles est relatif aux « affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier » ; que les maladies qui y sont désignées sont les suivantes : - sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ; - radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante : que le délai de prise en charge est de 6 mois sous réserve d'une exposition de 5 ans ; que la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies sont ceux « exposant habituellement aux vibrations de basses et de moyennes fréquences, transmises au corps entier » ; que le tableau n° 98 des maladies professionnelles est relatif aux « affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes » ; que les maladies qui y sont désignées ainsi que le délai de prise en charge sont identiques au tableau n° 97 ; que la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies mentionne les « travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes » effectués au sein de certaines professions ; que ces deux tableaux diffèrent seulement sur la nature des travaux susceptibles de provoquer l'affection mentionnée ; qu'en l'espèce, la CPAM a instruit le dossier sur la base du tableau n° 97 ; qu'en effet, l'activité professionnelle de M. A... au sein de la société Entreprise Malet ne consistait nullement à porter des charges lourdes, mais à conduire des engins autoportés destinés à effectuer des travaux de goudronnage de voiries, et plus précisément à utiliser des petits et gros cylindres, un compacteur et une plaque vibrante ; que ces travaux sont ceux mentionnés au tableau n° 97 et l'ont exposé aux vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier ; que c'est exclusivement au vu de cette activité professionnelle exercée par M. A..., que la Cpam a examiné la situation de ce dernier, comme le mentionnent tous les documents du dossier qui font référence au tableau : conclusions de l'agent enquêteur de la Cpam, colloque médico-administratif, demande d'avis au service de prévention ; qu'il n'y a jamais eu de litige, ou même de simple discussion, sur le fait que M. A... n'a jamais été exposé à la manutention manuelle habituelle de charges lourdes au sein de la société Entreprise Malet ; qu'enfin, le code de la sécurité sociale n'imposait nullement à la Cpam d'indiquer expressément à la société Entreprise Malet sur la base de quel tableau elle instruisait la demande ; que par conséquent, la référence au tableau n° 98 dans l'invitation d'avoir à consulter le dossier, puis dans la notification de prise en charge relève, non d'une modification de prise en charge, mais d'une simple erreur matérielle sans aucune portée ; que le jugement qui a rejeté la demande d'inopposabilité pour ce motif doit être confirmé ; 2) Sur la désignation de l'affection dont est atteint M. A... : que dans le certificat médical initial, le médecin traitant de M. A... a diagnostiqué la maladie suivante : spondylolisthésis L5 SI (lombosciatique droite) ; que ce diagnostic correspond à la maladie désignée au tableau n° 97 : « sciatique par hernie discale L5-S1 » ; que le certificat médical a précisé qu'une intervention neurochirurgicale avait eu lieu le 2 août 2013 et le colloque médico-administratif a précisé que la lésion avait été mise en évidence par une IRM réalisée quelques jours avant l'intervention, le 31 juillet 2013 ; qu'au vu de l'IRM, et des pièces médicales relatives à cette intervention, ce colloque a identifié la maladie sous le code 097AAM51B qui correspond exactement à la maladie du tableau n° 97 ; que par conséquent, ce colloque a constaté que M. A... est atteint de la maladie telle qu'elle est désignée au tableau n° 97, même s'il n'a pas expressément précisé l'existence d'une « atteinte radiculaire de topographie concordante », qui correspond à une concordance topographique entre le disque siège de la hernie et la racine atteinte ; que d'ailleurs, la société Entreprise Malet ne dépose aux débats strictement aucun élément médical susceptible d'attester que la sciatique par hernie discale L5-S1 n'aurait pas entraîné une atteinte radiculaire de topographie concordante ; que par suite, il n'est pas discutable que M. A... est atteint de la maladie mentionnée au tableau n° 97 de sorte qu'il n'y a pas lieu de déclarer la prise en charge inopposable à l'employeur pour ce motif ; 3) Sur le respect de la procédure contradictoire : vu les articles R. 441-14 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale, qu'il résulte des documents produits que par courrier recommandée avec avis de réception du 11 avril 2014, reçu le 15 avril 2014, la Cpam a informé la société Entreprise Malet que l'instruction du dossier était terminée, qu'elle pouvait venir consulter le dossier et que la décision sur la demande de prise en charge interviendrait le 2 mai suivant ; que la société Entreprise Malet a ainsi disposé du délai de 10 jours institué au premier des textes ci-dessus cités pour prendre connaissance du dossier et présenter des observations ; que comme l'a jugé le tribunal des affaires de sécurité sociale, ces seuls éléments permettent de constater que la Cpam a respecté le principe du contradictoire ; que la décision de prise en charge ne peut donc être déclarée inopposable à l'appelante pour ce motif ; que le jugement qui a refusé de déclarer la décision de prise en charge inopposable à la société Entreprise Malet sera par conséquent intégralement confirmé ; qu'enfin il y a lieu de faire application du deuxième alinéa de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale aux termes duquel l'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la maladie professionnelle de M. A..., à savoir une sciatique par hernie discale L5- S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, est visée par le tableau n° 97 et par le tableau n° 98 ; que les deux tableaux prévoient en outre un délai de prise en charge de 6 mois, sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans ; qu'il n'est pas contesté d'une part que le salarié a cessé d'être exposé au risque le 15 mai 2013 et que sa maladie a été médicalement constatée pour la première fois le 31 juillet 2013, soit moins de 6 mois plus tard, d'autre part, qu'il occupait le poste de conducteur d'engins au sein de l'entreprise depuis 10 ans ; que la seule différence entre les 2 tableaux a trait à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer les maladies qu'ils désignent à savoir dans le cas du tableau n° 97 les travaux exposant habituellement aux vibrations, tels que l'utilisation et la conduite des engins et véhicules tout terrain, et dans le cas du tableau n° 98 les travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes ; qu'il n'est pas douteux au cas particulier que les travaux effectués par M. A... l'exposaient au risque du tableau n° 97 ; que c'est ce que retiennent expressément l'agent enquêteur, le colloque médico-administratif et ingénieur conseil régional de la Carsat qui explique que le salarié « est exposé lorsqu'il conduit le Bomag 120, qui est un rouleau vibrant au sens du tableau n° 97 » ; qu'il n'y a pas eu de changement de qualification tout au long de l'instruction du dossier et ce n'est qu'en raison d'une erreur purement matérielle que la lettre de clôture puis la décision de prise en charge visent le tableau n° 98 ; que l'employeur, en dépit de cette erreur, n'a pu à aucun moment se méprendre: il a lui-même précisé le 13 janvier 2014, au cours de l'enquête que « M. A... n'effectue pas de port de charges dans la poste occupé puisqu'il conduit un engin de chantier autoporté » ; que les pièces du dossier, qu'il avait la possibilité de consulter antérieurement à la décision de prise en charge et dont il a eu effectivement communication, ne pouvaient lui laisser aucun doute sur la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie déclarée ; qu'il convient par conséquent de le débouter de ses demandes ;
1°) ALORS QUE si l'organisme social doit instruire la demande de prise en charge d'une maladie professionnelle sans être tenu par le tableau visé par la déclaration, il lui appartient d'informer l'employeur de la substitution d'une maladie à une autre préalablement à sa décision de prise en charge ; que lorsque les éléments recueillis par la caisse primaire d'assurance maladie au cours de l'instruction font apparaître que la maladie dont serait atteint le salarié n'est pas de même nature et relève d'un tableau de maladies professionnelles différent de celui indiqué par la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial, il incombe à la caisse primaire d'assurance maladie d'informer l'employeur de cette éventuelle requalification ; que la caisse primaire d'assurance maladie ne remplit pas son obligation d'information en se contentant de faire figurer dans le dossier mis à la disposition de l'employeur des documents contenant des informations contradictoires quant au tableau de maladies professionnelles dont elle relève ; qu'au cas présent, il était constant que M. Christophe A... avait régularisé une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical faisant état d'une « spondylolisthésis L5-S1 (lombosciatique droite) ; que la société exposait qu'aucun courrier de la caisse ne faisait référence au tableau n° 97 ou n° 98 des maladies professionnelles ; qu'en estimant, après avoir relevé que la Cpam avait instruit le dossier sur la base du tableau n° 97 des maladies professionnelles, que la référence faite au tableau n° 98 des maladies professionnelles dans l'invitation d'avoir à consulter le dossier puis la notification de prise en charge relevait d'une simple erreur matérielle sans conséquence et non d'une modification de prise en charge, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QU'il résulte de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, destiné à garantir le caractère contradictoire de la procédure d'instruction, que la Cpam doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut fonder sa décision sur des éléments dont l'existence n'a pas été portée à la connaissance de l'employeur au cours de la procédure d'instruction ; que la société exposait que le médecin conseil avait donné un avis favorable à une prise en charge au titre du tableau n° 97 des maladies professionnelles, cependant que la maladie avait été prise en charge au titre du tableau n° 98 et qu'ainsi, il appartenait à la caisse de l'informer qu'elle envisageait de requalifier la maladie déclarée, préalablement à sa décision concernant la prise en charge, et que, faute d'avoir procédé à une telle information, la décision intervenue sur le fondement du tableau n° 98 devait lui être déclarée inopposable ; qu'en déboutant la société Entreprise Malet de sa demande d'inopposabilité, après avoir pourtant constaté un hiatus entre le tableau fondant l'avis de prise en charge du médecin-conseil et celui fondant la décision de prise en charge, la cour d'appel a violé les articles R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QU'une maladie ne peut être prise en charge sur le fondement de la présomption d'imputabilité instituée par l'article L. 461-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale que si l'ensemble des conditions exigées par un tableau des maladies professionnelles sont remplies ; que le tableau des maladies professionnelles n° 97 fait état dans sa colonne « désignation des maladies » d'une « sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante » ; qu'en énonçant que le colloque médico-administratif avait constaté que M. A... était atteint de la maladie telle qu'elle est désignée au tableau des maladies professionnelles n° 97, même s'il n'avait pas expressément précisé l'existence d'une « atteinte radiculaire de topographie concordante », qui correspondait à une concordance topographique entre le disque siège de la hernie et la racine atteinte, la cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir l'existence et la caractérisation d'une sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, conditions exigées par le tableau des maladies professionnelles n° 97, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau de maladies professionnelles n° 97 ;
4°) ALORS QU'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie professionnelle, c'est à la Caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que l'assuré est bien atteint de la maladie visée au tableau des maladies professionnelles et a été exposé au risque dans les conditions du tableau ; qu'en retenant que la société Entreprise Malet ne versait aux débats aucun élément médical susceptible d'attester que la sciatique par hernie discale L5-S1 n'aurait pas entraîné une atteinte radiculaire de topographie concordante telle que prévue au tableau n° 97, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 461-1 du code de la sécurité sociale et le tableau de maladies professionnelles n° 97 ;
5°) ALORS QUE l'avis du médecin-conseil s'impose à l'organisme de prise en charge de la caisse ; qu'en déclarant opposable à la société Entreprise Mallet la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. A... au titre du tableau des maladies professionnelles n° 98, quand le médecin conseil avait donné un avis favorable à une prise en charge au titre du tableau n° 97 des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé les articles R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale.