CIV. 1
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10113 F
Pourvoi n° E 17-13.527
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Maisons et patrimoine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2016 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. Philippe X..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 janvier 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Maisons et patrimoine, de la SCP Ortscheidt, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maisons et patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Maisons et patrimoine
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Maisons et patrimoine de son action en responsabilité au titre du dossier « Z... » ;
AUX MOTIFS QUE la demande d'indemnisation de la perte de chance invoquée par la Sarl Maisons Patrimoine ne saurait prospérer qu'à la condition que du fait des manquements précités, elle a été dans l'impossibilité de faire valoir judiciairement ses droits ; que ce point résulte précisément du délai de prescription applicable au litige opposant l'intimée aux époux Z... sur lequel les parties divergent ; que la Sarl Maisons Patrimoine invoque pour sa part la prescription annale de l'article L.110-4 II du code de commerce pour prétendre qu'à la date de dessaisissement de Me Philippe X..., le délai pour agir était expiré et que son préjudice, consistant en la perte de chance de recouvrer le solde de sa créance, est dès lors caractérisé ; qu'au contraire, Me Philippe X... rétorque que le texte ainsi invoqué est inapplicable au cas d'espèce et que le délai de prescription initialement trentenaire, a finalement expiré le 19 juin 2013, par application des dispositions transitoires de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme des règles de la prescription ; qu'en vertu de l'article L.110-4 I et II du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 précitée, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que sont prescrites toutes actions en paiement pour ouvrages faits un an après la réception des ouvrages ; qu'à cet égard, il est de jurisprudence constante que la prescription annale ainsi prévue à l'article L.110-4 II susvisé, qui n'est que la transposition de l'ancien article 433 du même code, ne concerne que le commerce maritime et qu'elle n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'occurrence ; que c'est donc à tort que le premier juge a retenu que le bref délai de prescription était expiré avant même le dessaisissement de Me Philippe X... et que ce dernier avait, par sa faute, définitivement privé la Sarl Maisons Patrimoine de la possibilité d'agir à l'encontre de son cocontractant à l'effet de faire valoir judiciairement ses droits et obtenir le règlement de sa créance ; qu'au contraire, si le délai de prescription de l'action en paiement de la Sarl Maisons Patrimoine était de dix ans, en application de l'article L.110-4 I du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date de l'origine du litige (assignation en référé du 17 janvier 2000), il a été ramené à cinq ans par la loi précédemment citée du 17 juin 2008 ; qu'en vertu de l'article 2222 du code civil, qui reprend les dispositions transitoires de l'article 26 de ladite loi, le nouveau délai quinquennal court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008, dès lors que celle-ci réduit le délai dont s'agit, sans que la durée totale puisse cependant excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en considérant, au regard de l'article 2224 du même code, que la Sarl Maisons Patrimoine a eu connaissance de son droit à agir à l'encontre des époux Z... à la date de dépôt du rapport d'expertise, soit le 30 juin 2000, et qu'en application de l'article 2222 précité le délai de prescription expirait le 19 juin 2013 à minuit, il doit être retenu que le délai a expiré le 30 juin 2010 ; qu'il en résulte que l'intimée disposait donc encore d'une large possibilité d'agir en justice afin de faire valoir ses droits postérieurement au dessaisissement de son conseil en 2005, ce d'autant qu'il ressort des pièces du débat qu'elle a saisi Maître Jérôme Truchot de la nouvelle défense de ses intérêts après cette date, à tout le moins en 2006 ; que dans ces circonstances, la Sarl Maisons Patrimoine est mal fondée à soutenir que Me Philippe X... l'aurait privée de toute possibilité d'agir judiciairement alors qu'elle disposait encore de cinq années pour ce faire ; que sans même qu'il soit besoin d'examiner plus avant le détail de ses prétentions au titre des divers postes d'indemnisation invoqués, sa demande au titre d'une perte de chance ne saurait être retenue, quand bien même Me Philippe X... aurait manqué à son devoir de diligence, de vigilance et d'information ;
ALORS QUE la société Maisons et patrimoine faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 11) que l'action en paiement des intérêts conventionnels dus par les époux Z... pour retard de paiement, à la différence de l'action en paiement de ses prestations, était soumise à la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; qu'en retenant que le délai de prescription de l'action en paiement de la Sarl Maisons et patrimoine était de dix ans en application de l'article L.110-4 I du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date de l'origine du litige, ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, de sorte qu'en application de l'article 2222 du code civil, le délai de prescription n'avait expiré que le 30 juin 2010, soit cinq ans après le dessaisissement de Me X..., sans répondre à ces conclusions arguant de la prescription quinquennale qui était prévue par l'article 2277 du code civil en ce qui concerne le paiement des intérêts de retard, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Me X... à payer à la société Maisons et patrimoine la somme de 11.754,75 €, seulement, en réparation de sa perte de chance au titre du dossier « B... » ;
AUX MOTIFS QUE les manquements imputables à Me Philippe X... ont causé à sa cliente, de façon certaine, une perte de chance d'obtenir une décision plus favorable à hauteur d'appel, puisque la décision d'irrecevabilité de sa voie de recours résulte directement desdits manquements ; que par des motifs pertinents que la Cour fait siens les premiers juges ont retenu, au regard des pièces communiquées par la Sarl Maisons Patrimoine et de ses conclusions d'appelante que les moyens, qualifiés à juste titre de sérieux, développés par son nouveau conseil à hauteur d'appel, permettaient de retenir une perte de chance estimée à 70 % d'obtenir une réformation du jugement sur les points précisément en litige ayant justifié la saisine de la Cour ; qu'appliquant le taux ci-dessus retenu à la somme de 5.858,79 € sollicitée complémentairement à hauteur de Cour alors que la demande portait en réalité sur la somme de 5.722,65 €, le jugement déféré a retenu à tort, et en contradiction avec les pièces communiquées, un préjudice de 4.101,15 € au détriment de l'intimée s'agissant du solde de travaux, lequel doit être corrigé comme étant en réalité de 4.005,85 € ; que par ailleurs l'intimée produit désormais, en réponse aux motifs des premiers juges sur ce point, les conditions particulières et générales du contrat de construction intervenu entre elle et les époux B..., de même que les appels de fonds successifs et les règlements intervenus à leur suite ; qu'il est communiqué en outre le mode de calcul de l'intérêt de retard invoqué (1 % par mois des sommes non réglées à leur échéance), dont il est désormais justifié qu'il est entré dans le champ contractuel et qu'il ne nécessite aucune mise en demeure préalable ; que les calculs de l'intérêt de retard produits ont permis à la Sarl Maisons Patrimoine de formaliser dans ses conclusions d'appel une demande à ce titre d'un montant de 8.524,07 €, en sorte qu'après application du taux précédemment retenu, le préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir gain de cause sur ce point s'élève à la somme de 5.966,84 € ; que de surcroît, la perte de chance d'obtenir la condamnation de son adversaire à prendre à sa charge les frais et dépens d'appel, dûment justifiés à hauteur de 2.545,80 €, conduit la Cour à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a appliqué à ladite somme le taux retenu pour retenir un préjudice directement lié aux manquements de Me Philippe X... à ce titre s'élevant à 1.782,06 € ; que pour le surplus, le préjudice financier invoqué n'est étayé par aucune pièce de nature à le considérer comme concret, en sorte que le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a écarté cette prétention ; qu'il ressort des motifs qui précèdent que Me Philippe X... devra être condamné à payer à la Sarl Maisons Patrimoine, en réparation de sa perte de chance, la somme de 11.754,75 € ;
ALORS QU'en ce qui concerne le calcul de sa perte de chance d'obtenir devant la cour d'appel de Dijon, qui avait déclaré son appel irrecevable à raison de manquements imputables à Me X..., une décision plus favorable s'agissant de sa demande principale relative au solde des travaux, la société Maisons et patrimoine demandait à la cour d'appel de majorer le montant de ladite demande – qui avait été fixé, dans les conclusions déposées devant la cour d'appel de Dijon, à la somme de 5.722,65 € - d'une somme de 3.571,27 euros en expliquant que la somme objet de la demande avait été calculée sur la base du prix initial du contrat déduction faite, à tort, de travaux en moins-value (p. 18, trois derniers alinéas, p. 19, al. 1 et 2, et p. 20, al. 3 et s., de ses conclusions d'appel) ; qu'en évaluant la perte de chance de la société Maisons et patrimoine au titre de sa demande principale sur la base de la seule somme de 5.722,65 euros, sans s'expliquer sur ces conclusions lui demandant d'ajouter à cette somme celle de 3.571,27 euros, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.