CIV. 1
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10105 F
Pourvoi n° A 17-10.533
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1, audience solennelle), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Thierry X..., domicilié [...] ,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 janvier 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé M. X...des fins de la poursuite pour avoir méconnu les dispositions de l'article 1.3 du RIN et de l'article P75.1 du RIB en procédant à l'encaissement sur son compte personnel de montants destinés à être encaissés sur son compte Carpa et d'avoir en conséquence limité la sanction prononcée à son encontre à une interdiction temporaire d'exercice de la profession d'avocat pendant une durée de trois mois assortie du sursis outre la sanction accessoire de la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux et des autres organismes professionnels et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice bâtonnier pendant une durée de dix ans, sur le fondement de l'article 1.3 du règlement intérieur national ;
Aux motifs qu'il est reproché à M. X... d'avoir encaissé sur son compte personnel la somme de 20 447 € versée par chèque par sa cliente, la société Sauhaila Fashion, alors que cette somme était destinée à être encaissée sur son compte carpa pour le règlement de ses loyers qui devaient être séquestrés en raison d'un litige relatif à un dégât des eaux l'opposant à son bailleur et pour ne pas avoir répondu aux invitations du délégué du bâtonnier lui demandant de justifier de sa situation déontologique. (
) En revanche, le chèque litigieux d'un montant de 20 447,33 €, somme qui correspond, à l'exception des centimes, au montant des loyers par ailleurs séquestrés sur le compte Carpa de M. X... comme l'atteste le chèque d'un montant de 20 447 € rédigé par la Sarl Sauhalia Fashion le 1er mars 2012 à l'ordre de la Carpa, ayant été émis à l'ordre de M. Thierry X... et non sur le compte Carpa sans que la falsification du dit chèque soit démontrée, il n'y a pas lieu de retenir à l'encontre de l'avocat le détournement de fonds sur son compte personnel qui lui est reproché. Et c'est à tort et en inversant la charge de la preuve que le conseil de discipline a retenu que M. X... n'apportait pas la preuve que le chèque litigieux lui aurait été remis à titre de prêt et ne donnait aucune justification permettant d'expliquer pourquoi ce chèque qui lui aurait été fait à titre de prêt avait exactement au centime près, le même montant que les chèques de loyers à séquestrer et enfin que l'absence d'écrit matérialisant ce prêt laissait supposer qu'en fait M. X... avait détourné le chèque qui aurait dû être déposé à la Carpa. Dès lors, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a retenu le détournement de fonds objet de la poursuite disciplinaire. Selon les propres explications de M. X..., cette somme lui a été versée à titre de prêt par sa cliente, la Sarl Sauhalia Fashion et non par la gérante de cette société dans le cadre de relations strictement personnelles comme il le soutient, néanmoins, il convient de retenir à l'encontre de l'avocat qui s'est fait consentir par sa cliente un prêt d'un montant important sans rédiger d'écrit matérialisant celui-ci, sans en faire état dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont il est l'objet depuis le 7 novembre 2013 avant la demande de relevé de forclusion présentée avec succès par la Sar lSauhalia Fashion le 18 décembre 2015 et sans justifier du remboursement de cette somme malgré ses engagements pris e octobre 2012 et les demandes du conseil de discipline, un manquement aux principes essentiels de la profession d'avocat que sont l'honneur, la probité et la délicatesse et d'avoir ainsi violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national. Il convient en conséquence de sanctionner le dit manquement par une interdiction temporaire de trois mois avec sursis ;
ALORS D'UNE PART QUE les règlements pécuniaires liés à l'activité professionnelle d'un avocat ne peuvent être effectués que par l'intermédiaire de la Carpa de sorte que l'avocat doit déposer sans délai à la Carpa les fonds, effets ou valeurs reçus par lui en vue de procéder à un règlement pécuniaire ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que M. X... pouvait encaisser sur son compte personnel le chèque litigieux puisqu'il avait été émis à son ordre, cependant qu'une telle circonstance était inopérante à exonérer l'avocat de son obligation de le déposer sur un compte Carpa, la cour d'appel a violé les articles 1.3 du règlement intérieur national, P 75-1 et P 75-2 du règlement intérieur du barreau de Paris ;
ALORS D'AUTRE PART QU'il appartient au juge disciplinaire, appelé à statuer sur les manquements aux principes essentiels de la profession reprochés à un avocat, de forger son intime conviction sur la réalité ou l'absence de ces manquements par une appréciation des éléments de preuve qui lui sont soumis et non d'appliquer les règles de preuve des obligations en matière civile ; qu'en énonçant, pour infirmer l'arrêté qui lui était déféré et écarter le détournement de fonds reproché à M. X..., qu'il n'incombait pas à ce dernier d'établir que le chèque litigieux lui aurait été remis à titre de prêt, sans rechercher elle-même s'il ne résultait pas des différents éléments produits aux débats, et notamment de la plainte émanant de la Sarl Sauhalia Fashion, l'absence de prêt et donc le détournement de ces fonds par l'avocat, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 1315 du code civil, par fausse application, ensemble les articles P 75-1 et P 75-2 du règlement intérieur du barreau de Paris ;
ALORS ENFIN et en toute hypothèse QUE l'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment ; qu'il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie ; que le seul fait pour un avocat de se faire prêter de l'argent par un client, en violation du principe d'indépendance, et de ne pas le rembourser, en violation des principes d'honneur, de probité et de délicatesse, constitue un manquement particulièrement grave aux principes essentiels de la profession d'avocat ;
qu'en ne prononçant à l'encontre de M. X..., dont elle a constaté qu'il s'était fait prêter de l'argent par sa cliente, qu'il ne l'avait pas remboursée malgré ses engagements et avait même manqué de faire état de ce prêt dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont il est l'objet, une simple peine d'interdiction temporaire avec sursis, la cour d'appel a prononcé une peine non proportionnée à la faute constatée et a violé l'article 1.3 du règlement intérieur national ensemble le principe de proportionnalité.