SOC.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme C..., conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Décision n° 10190 F
Pourvoi n° P 16-20.914
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Succès des Stim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 mai 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à Mme Stéphanie X..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 janvier 2018, où étaient présents : Mme C..., conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boulloche, avocat de la société Succès des Stim, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Succès des Stim aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Succès des Stim et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Succès des Stim
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le licenciement de Mme X... et d'avoir en conséquence condamné la société Succès des Stim à lui payer les sommes de 17 400 € de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 5 800,20 € de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
Aux motifs que « Mme Stéphanie X... se prévaut de la nullité de son licenciement dès lors que l'employeur a manifesté sa volonté de la licencier avant même l'expiration de la période de protection dont elle bénéficiait et elle affirme avoir été victime d'un comportement discriminatoire lié à son état de grossesse.
Selon les dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail :
« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa ».
En l'espèce, Mme Stéphanie X... a été en congé de maternité du 22 octobre 2009 jusqu'au 15 mars 2010, de sorte que la période légale de protection a pris fin pour ce qui la concerne le 14 avril 2010 inclus.
Dès lors le licenciement de la salariée, qui lui a été notifié par lettre du 14 avril 2010, est intervenu le dernier jour de la période légale de protection, en violation des dispositions protectrices de l'article L. 1225-4 du code du travail» (arrêt, p. 5) ;
Alors, d'une part, que le juge est tenu de respecter le principe du contradictoire et ne peut relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur son bien-fondé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que Mme X... avait été en congé maternité jusqu'au 15 mars 2010, de sorte que la période légale de protection avait pris fin le 14 avril 2010 inclus, et elle en a déduit que le licenciement pour motif économique notifié le 14 avril 2010, dernier jour de la période légale de protection, était nul car décidé en violation des dispositions protectrices de l'article L. 1225-4 du code du travail ; qu'en relevant ce moyen d'office sans avoir invité les parties à formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, en tout état de cause, que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée pendant les quatre semaines qui suivent son retour de congé maternité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que Mme X... avait été en congé maternité jusqu'au 15 mars 2010, de sorte que la période légale de protection avait pris fin pour ce qui la concerne le 14 avril 2010 inclus, et elle en a déduit que le licenciement notifié ce jour-là était nul car décidé en violation des dispositions protectrices de l'article L. 1225-4 du code du travail ; que cependant, la période de protection de 4 semaines courant à compter du 15 mars, date à laquelle la salariée avait repris le travail, était expirée le 14 avril 2010, de sorte que la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4 du code du travail.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le licenciement de Mme X... et d'avoir en conséquence condamné la société Succès des Stim à lui payer les sommes de 17 400 € de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 5 800,20 € de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
Aux motifs qu'« il est constant que ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre ni la baisse des bénéfices, ne suffisent à établir la réalité des difficultés économiques.
L'attestation établie par M. Christophe Z..., en sa qualité d'expert-comptable de la société SUCCES DES STIM, mentionnant les chiffres d'affaires 2009 et 2010 ainsi que les résultats nets et les perspectives pour l'année 2012, ne peut être retenue dès lors que cette attestation n'est pas signée et qu'elle n'a pas été établie sur un papier à en-tête du cabinet d'expertise comptable AG3C.
L'examen des documents comptables versés aux débats révèle que le chiffre d'affaires de la société SUCCES DES STIM s'élevait en 2009 à 3 638 886 € et en 2010 à 2 359 511,33 €.
Toutefois, en 2010, la société SUCCES DES STIM a imputé des provisions sur portefeuille à hauteur de 89 203 € ainsi qu'une provision relative au présent contentieux prud'homal, et la cour constate qu'en réintégrant ces deux opérations, le résultat net en 2010 est de 152 490 € alors qu'en 2009 il n'était que de 145 085 €.
Il ressort par ailleurs du livre d'entrées et sorties du personnel que l'employeur, après avoir conclu un stage de formation avec Mme Stéphanie A..., a engagé celle-ci en qualité d'assistante chef de projet à compter du 1er octobre 2010, qu'il a signé un contrat d'apprentissage avec Mme Julie B... le 13 septembre 2010, étant observé qu'au retour de la salariée de son congé maternité, celle-ci a constaté la présence d'une stagiaire dans l'entreprise.
L'employeur qui n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 1242-5 du code du travail, lui interdisant de conclure un contrat de travail à durée déterminée dans les six mois suivant un licenciement pour motif économique, ne caractérise par la baisse d'activité ni les difficultés économiques alléguées » (arrêt, p. 4) ;
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« que la salariée, qui s'est vu notifier une mesure de licenciement au cours de la période légale de protection, verse aux débats un échange de courriels entre les parties établissant que dès le premier jour de sa reprise du travail l'employeur lui a annoncé son intention de mettre fin à la relation contractuelle et lui a demandé de restituer les clefs du bureau, en lui proposant de rentrer chez elle pour effectuer des démarches auprès de Pôle Emploi et s'occuper de son fils.
La cour retient que les déclarations de la salariée sont étayées par des correspondances échangées entre les parties dont les termes ne sont pas contestés, que l'intéressée établit la matérialité de mesures préparatoires au licenciement précises et concordantes qui, prises dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une situation de discrimination au regard de sa situation de maternité.
La société SUCCES DES STIM ne rapporte pas la preuve de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement dans la mesure où les difficultés économiques alléguées ne sont pas caractérisées et qu'il a engagé du personnel ultérieurement, en violation de l'article L. 1242-5 du code du travail» (arrêt, p. 5) ;
Alors, d'une part, que le juge doit examiner l'ensemble des motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le licenciement économique de Mme X... n'était pas justifié dès lors que si le chiffre d'affaires de la société Succès des Stim avait connu une baisse entre 2009 et 2010, son bénéfice avait progressé pendant cette période au regard de l'imputation de provisions, et en a déduit que les difficultés économiques invoquées n'étant pas avérées, ce licenciement devait être regardé comme discriminatoire ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le motif invoqué dans la lettre de licenciement, pris d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1233-16, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Alors, d'autre part, que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un motif économique de licenciement, la cour d'appel a également relevé que la société Succès des Stim avait méconnu l'article L. 1242-5 du code du travail en concluant un stage de formation avec Mme A... et en l'engageant ensuite en qualité d'assistante chef de projet à compter du 1er octobre 2010 ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Succès des Stim (p. 12 & 13) soutenant que le stage effectué par Mme A... ne pouvait être assimilé à un contrat de travail et que si un contrat de travail à durée déterminée avait été ensuite conclu avec elle, il ne portait pas sur un poste identique à celui de Mme X... et n'avait pas excédé trois mois, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, également, que la cour d'appel a aussi retenu, pour admettre l'absence de difficultés économiques invoquées au soutien du licenciement de Mme X... et le caractère discriminatoire de cette mesure, que la société Succès des Stim avait signé un contrat d'apprentissage avec Mme B... le 13 septembre 2010, en violation de l'article L. 1242-5 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions (prod. 4, p. 12 & 13) soutenant que Mme B... ne pouvait être amenée à effectuer les tâches qui incombaient à Mme X... puisqu'elle n'avait vocation qu'à assister les chefs de projet sur ses dossiers en cours et que la conclusion d'un contrat d'apprentissage avec cette personne ne permettait pas de prétendre que les fonctions de Mme X... avaient été maintenues après son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en outre, qu'il est seulement interdit à l'employeur de recourir à un contrat de travail à durée déterminée au titre d'un accroissement temporaire d'activité , y compris pour l'exécution d'une tâche occasionnelle, dans les six mois suivant un licenciement économique ; qu'en se fondant, pour retenir la méconnaissance de l'article L. 1242-5 du code du travail, sur la présence d'une stagiaire dans l'entreprise au moment du retour de Mme X... de son congé maternité, la cour d'appel a violé cet article L. 1242-5 du code du travail ;
Alors, en toute hypothèse, que lorsqu'une salariée est licenciée pour motif économique après son retour de congé maternité, le fait que les difficultés économiques invoquées par l'employeur soient écartées par le juge ne permet pas de retenir l'existence d'une discrimination liée à la grossesse ou à l'accouchement, sauf à ce qu'il soit constaté que ces difficultés économiques ont été invoquées frauduleusement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit le caractère discriminatoire du licenciement de Mme X... de ce que les difficultés économiques invoquées par la société Succès des Stim n'étaient pas avérées ; qu'en statuant ainsi, alors que sauf à constater une fraude de l'employeur et l'usage de la procédure de licenciement économique dans le seul dessein de se débarrasser d'une salariée à son retour de congé de maternité, l'absence des difficultés économiques invoquées ne permettait pas de déduire l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L.1134-1 du code du travail.