COMM.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme Z..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10120 F
Pourvoi n° Y 16-15.104
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Jean X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Motel Perpignan Nord Rivesaltes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
La société Motel Perpignan Nord Rivesaltes a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 janvier 2018, où étaient présents : Mme Z..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Richard de la Tour, premier avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. X..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Motel Perpignan Nord Rivesaltes ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, l'avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation du pourvoi principal, annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Motel Perpignan Nord Rivesaltes la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a débouté M. X... de ses demandes en annulation de l'ensemble des délibérations prises par la société MOTEL PERPIGNAN NORD RIVESALTES (MPNR) depuis le 17 mai 1984, dont celles ayant successivement décidé d'une augmentation du capital, celle du 19 avril 2012 par laquelle cette société a réintégré M. X..., par suite de l'annulation de sa cession, à hauteur seulement de 100 parts sur les 130.468 parts composant désormais son capital social, et celle du 30 juin 2015 par laquelle la société MPNR a fixé les droits à dividendes de M. X... à 22.853 euros ; et en ce qu'il a fixé à 22.853 euros son droit à dividende ainsi qu'à 30.000 euros le montant des dommages intérêts dus pour perte de chance de percevoir d'autres dividendes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il est constant que M. X... n'a pas été convoqué aux assemblées générales de MPNR qui se sont tenues entre la cession du 17 mai 1984 et l'assemblée générale du 19 avril 2012 alors qu'il aurait dû l'être ayant été réintégré rétroactivement dans son statut d'associé, de sorte que l'irrégularité est caractérisée ; que M. X... soutient que la nullité des assemblées générales résulte de plein droit de la nullité de l'assemblée générale du 2 janvier 1975, ainsi que de la nullité de la cession des parts s'agissant d'une nullité absolue, MPNR conteste quant à elle toute automaticité de la sanction, soulignant que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation en fonction de l'intérêt que représentent pour la société les décisions querellées, que l'évolution très favorable de la société démontre que les décisions prises entre 1984 et 2012 ont été conformes à l'intérêt social, que le défaut de convocation de M. X... n'a eu aucune incidence sur le développement de la société et ne procède pas d'une volonté de lui nuire ou de l'exclure, que la faible participation de M. X... au capital social, ne lui permettait pas de s'opposer aux décisions adoptées et qu'il n'a en outre pas porté intérêt à la société après la cession ; qu'est inopérant le moyen pris de l'annulation en cascade résultant de la nullité de l'assemblée générale du 2 janvier 1975, dès lors que M. X... n'est plus recevable à contester la régularité de cette assemblée générale ; que si la nullité d'une décision sociale s'étend de plein droit aux actes exécutés en vertu de la résolution annulée, il n'en va pas de même des conséquences de l'annulation d'une cession de parts. En effet, si la nullité de la cession a eu pour effet de rendre irrégulières la tenue des assemblées générales entre le 17 mai 1984 et le 19 avril 2012 ; que M. X..., n'ayant pas été convoqué, la sanction de cette irrégularité prévue par l'article L 223-27 du code de commerce in fine selon lequel "toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. [...] " exclut toute automaticité et confère au juge un pouvoir d'appréciation en fonction de l'atteinte portée à l'intérêt social par les résolutions litigieuses ; qu'ainsi à défaut de nullité de plein droit, il doit être établi que les décisions votées au cours des assemblées générales irrégulièrement tenues n'ont pas été prises dans l'intérêt social ; que M. X..., dont l'intérêt personnel d'associé ne se confond pas avec celui de MPNR, ne précise pas en quoi les délibérations des assemblées générales, dont il n'indique au demeurant pas de façon exhaustive les dates et la teneur, ne sont pas conformes à l'intérêt social, les éléments au débat et les propres écritures de l'appelant attestant au contraire de l'évolution favorable de MPNR depuis la cession, ayant dégagé un résultat de plus de 12 millions d'euros en 2013 ; qu'il ne résulte pas davantage du dossier que l'absence de convocation de M. X... procède d'une volonté délibérée ou de nuire, dès lors que la cession totale de ses parts avait fait perdre à M. X... sa qualité d'associé ; que s'agissant de l'assemblée générale du 19 avril 2012 qui a pris acte de la décision annulant la cession et réintégré M. X... dans les droits dont il disposait lors de la cession en lui restituant 100 parts et de celle du 30 juin 2015 ayant fixé ses droits à dividendes depuis le 17 mai 1984 à 22.853 euros bruts, M. X..., qui ne conteste pas avoir été régulièrement convoqué à ces assemblées, ne justifie d'aucun motif d'annulation ; que la dilution importante subie par M. X... du fait des augmentations de capital successives intervenues alors qu'il était privé de ses droits d'associé, les 100 parts restituées représentant désormais moins d'un cent millième des parts, ne permet pas à ce dernier d'exiger d'être réintégré dans une fraction du capital égale à celle que représentaient ses parts en 1984, l'annulation de la vente n'ayant fait naître qu'une créance de restitution de l'objet de la vente, soit des 100 parts cédées et ce d'autant que M. X... n'a pas souscrit aux augmentations de capital ; que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté M. X... de sa demande d'annulation des assemblées générales tenues depuis la cession, le jugement étant confirmé de ce chef. Y ajoutant, la cour rejettera la demande d'annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2015 ayant fixé le montant des droits à dividendes sur la base de 100 parts » (arrêt, p. 5-6) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « sur la demande d'annulation des décisions sociales depuis la cession du 17 mai 1984, par jugement rendu le 20 octobre 2011, le TGI de Perpignan a prononcé l'annulation de l'acte de cession de parts sociales du 17 mai 1984 ; que M. X... soutient que l'annulation de la cession emporte la nullité des actes et délibérations postérieurs ; qu'en effet, M. Jean X..., ayant été restauré dans son statut d'associé par ce jugement du 17 mai 1984, doit être considéré comme n'ayant jamais été régulièrement convoqué aux différentes assemblées depuis le 17 mai 1984 ; que cependant, au visa des articles L 223-27 et L. 225-104 du code de commerce, il n'y a pas annulation automatique de toute assemblée irrégulièrement convoquée, mais seulement que « toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée », ce que confirmait M. X... dans ses conclusions en date du 9 janvier 2012 devant Monsieur le Premier président de la Cour d'appel de Montpellier en affirmant que « même si l'annulation de la cession de droits sociaux [
] pourrait permettre à Monsieur Jean X... de solliciter l'annulation d'un certain nombre de décisions, il convient de rappeler que si cette annulation peut être juridiquement demandée, il n'est pas pour autant certain qu'elle soit prononcée [
]. Il s'agit là d'une simple faculté pour le juge du fond ; celui-ci est libre d'apprécier si la nullité doit ou non être prononcée [
] » et encore que « dès lors, dans la mesure où les décisions sociales ont été prises dans l'intérêt de la société MOTEL PERPIGNAN NORD RIVESALTES, non seulement Monsieur Jean X... n'en demandera pas l'annulation, et en tout état de cause, même; s'il le faisait, le Tribunal pourrait s'y opposer » ; que M. X... ne démontre nullement que les décisions prises en assemblées générales de MPNR depuis le 17 mai 1984 n'ont pas été prises dans l'intérêt de MPNR et que le développement de cette dernière tend plutôt à démontrer le contraire ; que M. Jean X... ne peut maintenant prétendre vouloir faire annuler ces décisions ; qu'en conséquence, le tribunal déboutera M. Jean X... de sa demande de nullité de l'ensemble des décisions prises par la SARL MPNR et ce depuis le 2 janvier 1975 ;
que sur la demande de nullité de la .première résolution d'assemblée générale de MPNR en date du 19 avril 2012, M. Jean X... soutient que la première résolution prise à l'assemblée générale de MPNR du 19 avril 2012 ayant attribué à M. X... 100 parts sociales sur les 130.468 constituant le capital social est nulle, le montant des parts sociales revenant à M. X... ne pouvant être reconstitué que sur la base du capital initial de ladite SARL à sa création, l'ensemble des assemblées générales tenues par cette SARL étant nulles à compter du 2 janvier 1975 ; que c'est le seul moyen présenté par M. X... au soutien de sa demande ; qu'il a été démontré que les assemblées générales tenues par MPNR à compter du 2 janvier 1975 ne sont pas nulles ; que l'augmentation de capital décidée par l'assemblée générale du 2 janvier 1975 n'est donc pas nulle ainsi que toutes les décisions sociales intervenues depuis lors ; que le montant des parts sociales revenant à M. X... doit donc être reconstitué en prenant en compte toutes les décisions sociales intervenues depuis le 2 janvier 1975, ce qui a été fait à l'assemblée générale de MPNR du 19 avril 2012, régulièrement convoquée mais à laquelle M. X... n'a pas participé, n'est donc pas nulle » (jugement, p. 4-5) ;
ALORS QUE, premièrement, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ; que pour décider du point de savoir si l'absence de convocation d'un associé à une assemblée générale doit donner lieu à l'annulation des délibérations adoptées par la société, les juges sont tenus de vérifier si l'irrégularité de la convocation a occasionné un grief à l'associé concerné, et notamment si présence aurait été susceptible de modifier le sens du vote exprimé ; qu'en s'abstenant de toute recherche en ce sens pour s'en tenir à cette circonstance qu'il n'était pas démontré que ces délibérations auraient été contraires à l'intérêt social, les juges du fond ont statué par un motif inopérant, en violation de l'article 57 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 dans sa rédaction applicable en l'espèce et des articles L. 223-27, L. 233-28 et L. 235-1 du code de commerce, ensemble les articles 1844 et 1844-10 du code civil ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, en application de l'article 45 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, les parts sociales d'une société à responsabilité limité ne pouvaient être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec l'agrément de la majorité des autres associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales ; qu'aux termes de l'article L. 223-14 du code de commerce, l'agrément est obtenu à la majorité des autres associés représentant la moitié au moins des parties sociales ; que ce droit d'agrément s'applique également aux décisions par lesquelles l'assemblée générale des associés décident de l'augmentation du capital et de la souscription des nouvelles parts par des tiers à la société ; qu'en l'espèce, il était constant que la société MOTEL PERPIGNAN NORD RIVESALTES (MPNR) avait procédé depuis 1984 à plusieurs augmentations successives de son capital ; qu'en tenant néanmoins pour acquis que l'absence de participation de M. X... aux décisions d'augmentation de capital n'avait pas conduit à agréer des associés qui ne l'auraient pas été autrement, les juges du fond ont violé l'article 45 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 dans sa rédaction applicable en l'espèce et l'article L. 223-14 du code de commerce.