CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10084 F
Pourvoi n° K 17-10.841
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Flunch, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Xl Insurance company SE, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme Z... Dauphin, conseiller, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Flunch, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Xl Insurance company SE ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller, l'avis de M. Grignon-Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Flunch aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Flunch, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société XL Insurance company SE ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Flunch
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté la société Flunch de l'ensemble de ses demandes formées contre la société XL insurance ;
AUX MOTIFS QUE la société Agapes a souscrit, au bénéfice de ses filiales, dont la société Flunch, une police d'assurance contamination produits agroalimentaires auprès de la société XL insurance prenant effet à compter du 1er mars 2013 ; que le 1er mars 2013, le journal Le Parisien a publié un article intitulé « Flunch victime de la viande avariée, la justice enquête sur une affaire de tromperie sur la viande de boeuf. Le groupe Castel est soupçonné d'avoir vendu des steaks avariés aux restaurants Flunch », le titre à la une du journal étant « Viande avariée, Flunch victime d'une tromperie » ; que la société XL insurance a refusé de garantir le sinistre au motif que l'origine du sinistre était antérieure au 1er mars 2013 (
) ; qu'aux termes du contrat, l'événement garanti est défini de la manière suivante : « toute contamination accidentelle, toute contamination malveillante, tout chantage à la malveillance, tout rappel sur injonction administrative ou toute publicité néfaste selon les dispositions du présent contrat » ; que la définition contractuelle de la publicité néfaste est ainsi libellée : « la publication d'un article, pendant la période de validité par un média (écrit ou non) ou par une autorité administrative d'un pays dans lequel les produits assurés sont distribués, alléguant expressément que l'assuré ou les produits assurés aurait fait l'objet d'un événement garanti » ; que ces clauses sont claires, précises et dénuées d'ambiguïté ; qu'elles ne nécessitent aucune interprétation ; que l'événement garanti est la publicité néfaste alléguant d'un événement garanti en l'espèce, une contamination des produits alimentaires fournis par la société Flunch à ses clients ; que le 1er mars 2013, le journal Le Parisien a publié à la Une l'information suivante : « Viande avariée, Flunch victime d'une tromperie », ce titre étant repris et développé à l'intérieur du journal sous l'intitulé « Flunch victime de la viande avariée, la justice enquête sur une affaire de tromperie sur la viande de boeuf. Le groupe Castel est soupçonné d'avoir vendu des steaks avariés aux restaurants Flunch » ; que cet article dont le titre met en cause directement la société Flunch et fait état, de manière générale et actuelle, de la fourniture de viande avariée, est susceptible de constituer la publicité néfaste garantie par la police ; que cependant, aux termes de l'article 4.1 du contrat, sont exclus les pertes, dommages, réclamations, frais ou dépenses de quelque nature qu'ils soient causés par ou résultant de ou imputables à l'un des événements suivants: «un évènement garanti ou toute circonstance pouvant donner lieu à événement garanti qui est découvert, connu ou qui aurait raisonnablement dû être connu par l'assuré avant le début de la période de validité » ; que si l'article du Canard Enchaîné publié le 20 février 2013, soit avant le début de la période de validité, qui est centré sur les pratiques du groupe Castel et qui ne fait que relater le fait que les restaurants Flunch s'étaient plaints d'allergies alimentaires en 2007 ainsi qu'un incident survenu dans l'un des restaurants cette année-là, ne peut en lui même constituer l'événement garanti connu avant le début de la période de validité de la police, il résulte des tweets des sites d'information nationaux que l'information concernant la suspicion de vente de viande avariée a été relayée par ceux-ci dans les termes similaires à ceux qui seront employés par le quotidien le Parisien dans son article du 1er mars 2013 ; qu'ainsi la société RTL France relatait le 28 février 2013 : « une entreprise soupçonnée d'avoir vendu des steaks avariés aux restaurants Flunch » ; que le site d'information de BFM TV faisait état également le 28 février 2013 d'une « enquête sur des lots de viande supposée avariée vendus à Flunch » ; que ces tweets qui ne citent plus que la société Flunch et qui induisent la fourniture par les restaurants Flunch de viande avariée constituent une publicité néfaste qui était nécessairement connue ou qui aurait raisonnablement dû être connue par les services de veille médiatique de la société Flunch avant le début de la période de validité de la police ce dont il résulte que l'assureur est en droit d'opposer à la société Flunch l'exclusion de garantie visée à l'article 4.1 du contrat ; que le jugement entrepris qui déboute la société Flunch de ses demandes sera en conséquence confirmé ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSES ADOPTES QUE Flunch, comme la plupart des groupes agroalimentaires français d'une certaine taille, dispose d'un service de veille médiatique lui permettant d'être informée de toute citation notamment de son nom pour quelque motif que ce soit, particulièrement si le contenu peut avoir des conséquences négatives pour son image ; que le Canard Enchaîné, hebdomadaire national d'une notoriété certaine et souvent à l'origine de révélations médiatiques, ne peut être négligé par un service de veille médiatique dès lors que ce journal fait état d'une information à laquelle est associé le nom de Flunch et un de ses fournisseurs, faisant état du terme de remballe et de la découverte de produits contaminés, dont les conséquences peuvent être importantes ; qu'il n'est pas contesté par Flunch qu'elle ne pouvait ignorer la publication de l'article du Canard Enchainé du 20 février 2013 ; que par ailleurs, début 2013, le secteur agroalimentaire européen et français était particulièrement sensibilisé aux fraudes ou pratiques douteuses touchant la viande animale, car il venait de traverser une crise médiatique majeure avec l'affaire des plats cuisinés de lasagnes caractérisée par une incorporation frauduleuse de viande de cheval qui avait mis en lumière des filières d'approvisionnement douteuses ne respectant pas le cahier des charges de leurs clients, dont certains avaient pris l'initiative d'engager des contrôles approfondis des pratiques de leurs fournisseurs ; que de plus, l'article du Canard Enchaîné a fait l'objet de certains repiquages dans le courant du mois de février 2013 ; que le quotidien Sud-Ouest, qui connaît une forte distribution, s'est fait l'écho des perquisitions menées le 12 février 2013 auprès des abattoirs Castel, fournisseur de Flunch, en précisant le motif de cette perquisition, à savoir un soupçon de remballe de viandes, qui s'il était confirmé, était inacceptable pour une chaine du renom de Flunch d'autant que ce fournisseur avait été mis en cause lors d'incidents précédents ; qu'il n'apparaît pas que Flunch ait pris de dispositions de précaution, comme par exemple une suspension provisoire de ses achats et un inventaire des matières en stock à l'encontre de cet incident inquiétant qui a été révélé plus de 15 jours avant la parution de l'article du Parisien libéré qui fait clairement état de la perquisition de la gendarmerie le 12 février 2013 dans les locaux du fournisseur Abattoirs Castel en reprenant d'ailleurs dans une très grande partie des éléments présents dans l'article du Canard Enchaîné ; que Flunch n'a pas cru nécessaire d'informer, préalablement à la souscription de son contrat contamination, XL de ce risque potentiel associé à un fournisseur dont la réputation n'était apparemment pas irréprochable ; qu'en conséquence, le tribunal, écartant tout autre moyen ou prétention comme inopérant ou mal fondé, constatera, d'une part, que la cause de la crise médiatique déclarée le 1er mars 2013 est survenue avant cette date par ailleurs date de prise d'effet de la police d'assurance contamination souscrite par Flunch auprès de XL et, d'autre part, que Flunch a contrevenu à son obligation contractuelle de déclaration préalable auprès de XL et déboutera Flunch de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées ;
1°) ALORS QU'une clause d'exclusion de garantie ne peut être appliquée qu'aux seules hypothèses qu'elle vise clairement et précisément ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'article du Parisien, « susceptible de constituer une publicité néfaste garantie », était paru le 1er mars 2013, date à laquelle le contrat d'assurance avait pris effet ; qu'en retenant, pour débouter la société Flunch de sa demande d'indemnisation des conséquences dommageables de la crise médiatique déclenchée par cet article, que la société XL insurance aurait pu lui opposer la clause du contrat excluant de la garantie « les pertes, dommages, réclamations, frais ou dépenses de quelque nature qu'ils soient causés par ou résultant de ou imputables à (
) un évènement garanti ou toute circonstance pouvant donner lieu à événement garanti qui est découvert, connu ou qui aurait raisonnablement dû être connu par l'assuré avant le début de la période de validité », au motif inopérant que la société Flunch ne pouvait avoir ignoré la diffusion, la veille de la prise d'effet du contrat d'assurance, de tweets qui avaient relayé l'information concernant la suspicion de vente de viande avariée dans des termes similaires à ceux de l'article du Parisien, quand la société Flunch ne demandait pas l'indemnisation des dommages causés par ces tweets, mais celle des dommages causés par la crise médiatique déclenchée par l'article paru le 1er mars 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 113-1 du code des assurances ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une clause d'exclusion de garantie ne peut être appliquée qu'aux seules hypothèses qu'elle prévoit clairement et précisément ; que l'article 4.1 du contrat d'assurance n'excluait de la garantie que « les pertes, dommages, réclamations, frais ou dépenses de quelque nature qu'ils soient causés par ou résultant de ou imputables à l'un des événements suivants : un évènement garanti ou toute circonstance pouvant donner lieu à événement garanti qui est découvert, connu ou qui aurait raisonnablement dû être connu par l'assuré avant le début de la période de validité » ; qu'en se bornant à relever que la veille de la prise d'effet du contrat d'assurance, des tweets, nécessairement connus de la société Flunch, avaient relayé l'information concernant la suspicion de vente de viande avariée dans des termes similaires à ceux de l'article du Parisien du 1er mars 2013, pour en déduire, ipso facto, que la clause d'exclusion était applicable, sans rechercher si les dommages dont il était demandé réparation avaient été « causés par » ou « résultaient de » ou étaient «imputables à » ces tweets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 113-1 du code des assurances ;
3°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il résulte de ses termes clairs et précis que l'article 4.1 du contrat d'assurance n'excluait de la garantie que « les pertes, dommages, réclamations, frais ou dépenses de quelque nature qu'ils soient causés par ou résultant de ou imputables à l'un des événements suivants : un événement garanti ou toute circonstance pouvant donner lieu à événement garanti qui est découvert, connu ou qui aurait raisonnablement dû être connu par l'assuré avant le début de la période de validité » ; qu'en retenant qu'en application de cette clause, la connaissance d'une publicité néfaste, événement garanti, avant la date de « validité » du contrat d'assurance, aurait exclu de la garantie les conséquences dommageables d'une autre publicité néfaste, postérieure à cette date, la cour d'appel a dénaturé cette clause et violé le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°) ALORS QUE l'assureur doit sa garantie dans les termes du contrat d'assurance ; que le contrat d'assurance souscrit auprès de la société XL insurance n'excluait pas de la garantie les conséquences dommageables d'une crise médiatique déclenchée par un article publié pendant sa période « de validité » au seul motif que sa cause était antérieure à la date de prise d'effet de ce contrat ; qu'en retenant, pour débouter la société Flunch de sa demande d'indemnisation des conséquences dommageables de la crise médiatique déclenchée par un article du Parisien paru le 1er mars 2013, date de prise d'effet du contrat d'assurance, que la cause de cette crise médiatique était survenue avant cette date, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 113-1 du code des assurances ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, une clause d'exclusion de garantie n'est pas formelle et limitée si ses termes doivent être interprétés ; qu'en affirmant que la clause excluant de la garantie « les pertes, dommages, réclamations, frais ou dépenses de quelque nature qu'ils soient causés par ou résultant de ou imputables à l'un des événements suivants : un événement garanti ou toute circonstance pouvant donner lieu à événement garanti qui est découvert, connu ou qui aurait raisonnablement dû être connu par l'assuré avant le début de la période de validité » ; impliquant que sont écartées de la garantie les conséquences préjudiciables de la publication d'un article intervenue durant la période garantie mais ayant pour cause des circonstances antérieures à la prise d'effet du contrat, la cour d'appel a interprété cette clause et violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
6°) ALORS QUE le juge doit trancher le litige dont il est saisi conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se bornant à affirmer, par motifs adoptés, que la société Flunch aurait contrevenu à « son obligation contractuelle de déclaration préalable auprès de XL » en omettant d'informer l'assureur d'un prétendu « soupçon de remballe de viandes » par son fournisseur Castel, qui aurait constitué un « risque potentiel », sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
7°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'assureur doit sa garantie dans les termes du contrat d'assurance ; qu'en se bornant à affirmer, par motifs adoptés, que la société Flunch aurait contrevenu à « son obligation contractuelle de déclaration préalable auprès de XL » en omettant d'informer l'assureur d'un prétendu « soupçon de remballe de viandes » par son fournisseur Castel, qui aurait constitué un « risque potentiel », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier que l'assureur soit dispensé d'exécuter le contrat d'assurance, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances.