CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10081 F
Pourvoi n° Z 17-14.442
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Z... Y... , domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre D), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. X..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision.
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR, rejetant la demande de M. Y... tendant à voir écarter des débats l'acte de naissance produit par le parquet, dit que le certificat de nationalité française délivré le 23 septembre 2004 à Z... Y... se disant né le [...] à [...] à Madagascar par le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice l'a été à tort, constaté l'extranéité de Z... Y... , se disant né le [...] à [...] à Madagascar, et ordonné la mention du jugement en marge des actes de naissance de l'intéressé en application de l'article 28 du code civil,
AUX MOTIFS QUE «au soutien de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française, Monsieur Y... a présenté la traduction réalisée le 17 septembre 2004 d'une copie en date du 13 septembre 2004 d'un acte de naissance n° 6 du registre des naissances de l'année 1978 de la commune de [...]. Cet acte précise avoir été dressé le 9 janvier 1978 à 10 h 30 ; la pièce contestée en langue malgache est, selon le procureur de la République, la copie de l'extrait de l'acte de naissance n° 6 des registres d'état civil de la commune de [...], correspondant à la traduction produite par l'intéressé ; l'exeman de cette copie fait effectivement apparaître qu'il s'agit d'un extrait d'acte d'état civil dressé le 9 janvier 1978 portant le numéro 6 concernant Z... Y... dont la traduction produite par l'intéressé est censée être la retranscription ; or, le procureur de la République pour contester la nationalité de l'intéressé ne se fonde pas sur le contenu de cette transcription mais sur l'état du registre d'état civil de l'année 1978 tel que vérifié par le consulat général de France, de sorte que la traduction de cet acte n'est pas nécessaire à l'appréciation de sa demande ; il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande tendant à voir écarter du débat ce document » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur Y... fait valoir que le procureur de la République produit son acte de naissance de malgache et donc non traduit, contestant que la traduction produite corresponde audit acte. Il avance en effet que la traduction correspond à son extrait d'acte de naissance mais non à l'intégralité ; si une lecture attentive de cette traduction permet en effet de considérer que seule la première page de l'acte de naissance n'a été traduite et apparemment pas la seconde, il doit être rappelé qu'il appartient au tribunal d'apprécier la nécessité de la traduction d'une pièce ; or en l'espèce, eu égard aux moyens développés par le procureur de la République, la traduction de l'acte n'est pas nécessaire ; en effet, ce dernier conteste la validité de l'acte de naissance par des signes non écrits, de sorte que le tribunal ne peut se fonder que sur l'acte lui-même et non pas sur une traduction ; par conséquent, il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable l'action intentée par le procureur ni d'écarter l'acte de naissance produit aux débats » ;
1°) ALORS QUE lorsqu'ils sont saisis d'une demande tendant à voir écarter une pièce des débats, les juges ne peuvent la rejeter, au motif que la partie qui la produit ne se fonde pas sur cet élément ; qu'en effet, le juge peut s'appuyer sur des pièces qui ne sont pas spécialement invoquées par les parties ; qu'en rejetant la demande tendant à voir écarter des débats la copie du registre d'état civil de la commune de [...] produite par le parquet, aux motifs que le procureur de la République ne se fondait pas sur cette pièce, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsqu'ils sont saisis d'une demande tendant à voir écarter une pièce des débats au motif qu'elle n'est pas traduite, les juges ne peuvent la rejeter, au motif que la partie qui la produit se fonde sur la seule apparence matérielle de cet élément ; qu'en effet, le juge peut s'appuyer sur un aspect d'une pièce, versée aux débats, qui n'était pas spécialement invoqué par les parties ; qu'en rejetant la demande tendant à voir écarter des débats la copie du registre d'état civil de la commune de [...] établie en langue malgache et produite par le parquet, aux motifs que le procureur de la République ne fondait que sur les signes non écrits portés sur l'acte de naissance établi en langue malgache, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR dit que le certificat de nationalité française délivré le 23 septembre 2004 à Z... Y... se disant né le [...] à [...] à Madagascar par le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice l'a été à tort, constaté l'extranéité de Z... Y... , se disant né le [...] à [...] à Madagascar et ordonné la mention du jugement en marge des actes de naissance de l'intéressé en application de l'article 28 du code civil,
AUX MOTIFS QUE « l'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; en application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause, mais que toutefois cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de français à une personne titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants ; le consulat général de France qui a fait procéder à une vérification sur pièce a constaté que les actes n° 6 et 7 sont établis sur un feuillet qui a été rajouté au registre ; que ce registre a été endommagé par la pluie, tous les tampons et les sceaux de tous les autres actes voisins ont été humidifiés et séchés et sont devenus illisibles sauf pour l'acte dont s'agit ; ce feuillet n'a pas du tout souffert de l'humidité et c'est le seul ; l'écriture, l'encre et les sceaux utilisés ne sont pas les mêmes que ceux des actes qui les précèdent et suivent immédiatement l'acte n° 6 ; de plus, l'acte ne comporte aucune signature d'officier d'état civil ; la photocopie de l'extrait de ce registre produite par le ministère public porte en verso, en bas à gauche le cachet et la signature de l'officier d'état civil de la commune de [...] accompagnée de la mention « pour photocopie certifiée conforme à l'original qui nous a été présentée, [...] le 28mai 2008 », de sorte qu'elle a été faite en présence ou par l'officier de l'état civil local ; or ce document qui reproduit l'original ne comporte pas in fine la signature de l'officier de l'état civil pas plus que la transcription en marge du mariage de l'intéressé ; il résulte de ces constatations que le feuillet rajouté au registre ne peut prouver la réalité des mentions qui sont apposées sur l'acte de naissance présenté par l'intéressé ; c'est en conséquence à bon droit que le tribunal a dit que le certificat délivré le 23 septembre 2004 à Monsieur Z... Y... l'a été à tort et a constaté son extranéité » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «l'article 30 du code civil dispose que la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause ; toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants ; l'article 47 du même code prévoit que « tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; au soutient de son action, le procureur de la République produit aux débats un rapport du consul honoraire de France à [...], lequel a procédé in situ à la vérification de l'acte de naissance de Monsieur Y... dans la commune de [...] ; ce dernier indique les actes 6 et 7 qui sont relatifs au défendeur ont été établis sur un feuillet qui a été rajouté au registre que ce dernier a été endommagé par la pluie, de sorte que tous les tampons et les sceaux des actes immédiatement antérieurs et postérieurs de cet acte ont été abîmés et sont devenus illisibles, à l'exception de l'acte litigieux ; il ajoute que l'écriture, l'encore et les sceaux utilisés ne sont pas les mêmes avec les autres actes, et que l'acte ne comporte aucune signature d'officier d'état civil ; l'absence de signature est effectivement observée sur l'acte de naissance produit, dont il doit être précisé qu'il s'agit d'une copie certifiée conforme remise par l'officier d'état civil au consul honoraire lors de sa visite le 28 mai 2008 ; les pièces produites et les constatations faites, qualifiées de vérifications utiles, permettent d'établir que l'acte de naissance de Monsieur Y... est irrégulier conformément aux dispositions de l'article 47 du code civil ; partant, en l'absence de filiation et d'état civil établi de manière certaine, le défendeur ne présente pas de qualité lui permettant de prétendre à la nationalité française » ;
1°) ALORS QUE, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants du code civil ; que la cour d'appel a relevé que M. Y... était titulaire d'un certificat de nationalité ; qu'en considérant que la copie du registre d'état civil produite par la parquet ne permettait pas de prouver la réalité des mentions apposées sur l'acte de naissance sur la base duquel le certificat de nationalité avait été établi, quand il appartenait au ministère public de prouver l'extranéité de M. Y..., la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 30 du code civil ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants du code civil ; que la force probante d'un tel certificat ne peut être écartée que s'il a été obtenu sur la base de faux document ou par fraude, ce qu'il appartient au ministère public de prouver ; qu'en considérant qu'au regard du défaut de signature de l'officier d'état civil et de transcription du mariage de l'intéressé, « le feuillet rajouté au registre (d'état civil) ne peut prouver la réalité des mentions qui sont apposées sur l'acte de naissance présenté par l'intéressé », quant il appartenait au ministère public de prouver, le cas échéant, le caractère apocryphe de cet acte de naissance, et non pas à M. Y... de prouver son authenticité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 30 du code civil ;
3°) ALORS QUE la force probante d'un certificat de nationalité ne peut être écartée que s'il a été obtenu sur la base de faux document ou par fraude ; que le caractère irrégulier de l'acte sur la base duquel il a été établi ne peut conduire à neutraliser la présomption de nationalité qu'il fait naître ; qu'en jugeant le contraire pour écarter la force probante du certificat de nationalité de M. Y..., au motif que l'acte de naissance sur la base duquel il avait été établi était irrégulier, la cour d'appel a violé l'article 30 du code civil ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, la force probante d'un certificat de nationalité ne peut être écartée que s'il a été obtenu sur la base de faux document ou par fraude ; que les juges ne peuvent statuer sur le caractère apocryphe d'un tel document qu'au terme d'une analyse personnelle des actes versés aux débats ; qu'ils ne peuvent à cet égard déléguer leur pouvoir à un tiers ; qu'en énonçant, pour considérer que l'état civil et la filiation de M. Y... n'étaient pas établis de manière certaine, que le consulat général de France avait fait procéder à une vérification du registre des naissances de la ville de [...] et avait constaté diverses incohérences du feuillet correspondant à ses actes d'état civil, la cour d'appel, qui a délégué ainsi au consulat général de France le soin de se déterminer sur le caractère apocryphe de l'acte de naissance du requérant sans déterminer elle-même, d'après une copie du registre d'état civil pertinent permettant d'en comparer les différentes pages, si les actes 6 et 7 insérés dans ce registre étaient cohérents avec son restant, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.