CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10076 F
Pourvoi n° X 17-14.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'association immobilière La Montluelde, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 mars 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant à l'association L'Oasis, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Y... , avocat de l'association immobilière La Montluelde ;
Sur le rapport de M. X..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association immobilière La Montluelde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Le Prado , avocat aux Conseils, pour l'association immobilière La Montluelde
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR annulé la décision prise sous le numéro 4° par le conseil d'administration de l'association La Montluelde en date du 19 mars 2013,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de résolution du contrat d'apport partiel d'actif, L'Oasis reproche à La Montluelde de ne pas l'avoir convoquée au conseil d'administration qui se serait tenu le 19 mars 2013, alors que selon les termes du contrat d'apport partiel, « L'association Oasis, apporteuse, délègue au sein du conseil d'administration de l'association immobilière La Montluelde, un représentant. Ce dernier pourra apposer son veto à toute décision de l'association bénéficiaire de l'apport, qui lui apparaîtrait contraire au caractère propre du foyer L'Oasis. L'exercice de ce droit de veto est considéré par les deux parties comme une condition déterminante du présent contrat d'apport, sans laquelle elles n'auraient pas contracté » ; que l'association La Montluelde soutient que cette clause est nulle comme potestative, puisque la mise en oeuvre du droit de veto repose sur la volonté arbitraire de L'Oasis et vient contredire son droit de propriété ; que, force est de constater que ce droit est restreint puisqu'il ne peut être exercé qu'à la condition que la décision en cause apparaisse contraire au caractère propre du foyer L'Oasis, que certes, cette apparence de contradiction avec l'esprit dans lequel le foyer est géré par L'Oasis, les deux associations ayant au demeurant des objets très proches, voir identiques, d'apporter une aide morale et matérielle à certaines catégories de personnes, est laissée à l'appréciation du représentant de L'Oasis, mais qu'en définitive, l'exercice de ce droit de veto, même s'il fait échec à la décision du conseil d'administration, ne permet pas à son titulaire de se substituer à la volonté de l'association La Montluelde mais oblige, en réalité, à ce qu'un accord soit trouvé ; qu'au demeurant, en cas de blocage de la situation, le juge peut être amené à intervenir à la demande d'un membre de l'association ; qu'enfin, ce droit de veto restreint et susceptible d'être apprécié par le juge constitue une atteinte au droit de propriété qui n'est pas disproportionnée au regard du but poursuivi, à savoir la préservation dans le cadre spécifique du fonctionnement du foyer L'Oasis des valeurs communes aux deux associations telles qu'elles résultent de leurs objets ; que, dans ces conditions, la clause prévoyant dans des termes clairs et précis un droit de veto au bénéfice de L'Oasis est valable ; que, s'agissant de la validité du document intitulé "PV DU CA DU 19 MARS 2013 A 18H", il convient de dire à l'instar des premiers juges que, si ce procès-verbal comporte une erreur de désignation du jour comme étant un mardi alors que le 19 mars 2013 était un jeudi, une telle erreur purement matérielle ne peut entraîner, à elle seule et en l'absence d'autres éléments permettant de douter de l'authenticité du procès-verbal, sa nullité ; qu'il est de faits constants, au demeurant établis par le procès-verbal et par la feuille de présence, que le conseil d'administration du 19 mars 2013 s'est tenu sans la présence d'un représentant de L'Oasis ; que l'association La Montluelde n'établit pas avoir convoqué l'association L'Oasis à ce conseil d'administration, la convocation produite aux débats en lettre simple (pièce 37) ne désignant pas le destinataire et ne valant pas, en toute hypothèse, preuve de son envoi ; qu'en conséquence, L'Oasis n'a pas été mise en mesure d'exercer son droit de veto lors du conseil d'administration s'étant tenu le 19 mars 2013 ; que l'absence de désignation par L'Oasis d'un représentant pour siéger au conseil d'administration de La Montluelde pendant de nombreuse années ne peut s'analyser comme une renonciation tacite à ce droit, alors que le contrat d'apport partiel fait de ce droit de veto une condition déterminante ; qu'au surplus, la perte de la qualité de membre de l'association prévue dans les statuts de La Montluelde (article 7) ne peut être opposée à L'Oasis, dès lors qu'à supposer que L'Oasis ait la qualité de membre de l'association, le conseil d'administration n'a pas encore prononcé sa radiation en application de ce même article 7 ; que les premiers juges ont à bon droit rappelé les dispositions de l'ancien article 1184 du code civil selon lequel la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, l'autre ayant le choix d'en demander l'exécution ou la résolution avec dommages et intérêts ; que, pour autant, si le manquement de La Montluelde a préjudicié à L'Oasis en ce qu'elle n'a pu s'opposer à la décision du conseil d'administration qui, au titre du 4ème point de l'ordre du jour intitulé "Le point sur L'Oasis", a donné pouvoir à certains membres du conseil et à l'avocat de l'association pour le non-renouvellement du bail consenti à L'Oasis et pour tous actes nécessaires liés à ce congé, il ne revêt pas à lui seul un degré de gravité suffisant pour entraîner la résolution du contrat d'apport partiel ; qu'en effet, La Montluelde [lire : L'Oasis] dispose d'une action judiciaire afin d'obtenir l'annulation de la décision prise par le conseil d'administration en fraude de ses droits ; qu'au demeurant, dans le cadre de la présente instance, elle forme bien une telle demande à titre subsidiaire ; que, dans ces conditions, le jugement déféré qui a rejeté la demande de La Montluelde [lire : L'Oasis] aux fins de résolution du contrat d'apport partiel doit être confirmé ; que, sur la demande subsidiaire d'annulation de la décision prise par le conseil d'administration, en l'absence de convocation de l'association L'Oasis et de mention dans le procès-verbal sur les conditions dans lesquelles la décision de non-renouvellement du bail conclu avec L'Oasis a été votée par les membres présents du conseil d'administration, il y a lieu d'annuler la décision prise sous le numéro 4°, pour violation de l'obligation de convocation de L'Oasis et défaut de conformité du vote, sans qu'il soit nécessaire de se pencher sur le pouvoir qu'avait le conseil d'administration de prendre une telle décision » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la nullité et la caducité, aux termes de l'article 1174 du code civil, toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de celui qui s'oblige ; qu'en l'espèce cependant, cette clause ne saurait s'analyser en une condition, alors même que l'exercice de ce droit de veto n'est qu'une possibilité, qui ne peut être exercé qu'à la condition que "la décision" en cause soit contraire au caractère propre du foyer L'Oasis ; que ce droit de veto est ainsi restreint afin de préserver l'objet poursuivi, tel que présent dans l'esprit des fondateurs des associations L'Oasis et La Montluelde, qui à l'époque de cet apport partiel d'actif, agissaient dans un même esprit désintéressé rappelé dans l'objet des statuts de l'association L'Oasis ; que cette clause ne peut pas davantage être devenue "caduque", alors même que ce droit de veto, ne "peut" être exercé (sans obligation), tant que les décisions prises ne sont pas contraires au caractère propre du foyer L'Oasis, c'est à dire dans un but désintéressé ; qu'il en résulte qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de cette clause, ni davantage de considérer que le droit de représentation de l'association L'Oasis est devenu caduc » ;
1°/ALORS, d'une part, QUE la clause d'un contrat présentant un caractère potestatif est nulle ; que, suivant les propres constatations de l'arrêt, le contrat d'apport partiel d'actif comporte une clause suivant laquelle l'association Oasis, « apporteuse, délègue au sein du conseil d'administration de l'association immobilière La Montluelde, un représentant », lequel « pourra apposer son veto à toute décision de l'association bénéficiaire de l'apport, qui lui apparaîtrait contraire au caractère propre du foyer L'Oasis » ; qu'une telle clause, conférant à l'association L'Oasis le pouvoir de tenir arbitrairement en échec toute décision de l'association La Montluelde, au seul prétexte de ce qu'elle serait « contraire au caractère propre du foyer L'Oasis », contrariété laissée à l'entière appréciation de l'association L'Oasis, présente un caractère potestatif, qui l'entache de nullité ; qu'en décidant du contraire, pour annuler la résolution litigieuse, en ce que l'association L'Oasis, non convoquée, n'aurait pas été mise en mesure d'exercer son droit de veto lors du conseil d'administration s'étant tenu le 19 mars 2013, la cour d'appel a violé l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, suivant les propres constatations de l'arrêt, le contrat d'apport partiel d'actif comporte une clause suivant laquelle l'association Oasis, « apporteuse, délègue au sein du conseil d'administration de l'association immobilière La Montluelde, un représentant », lequel « pourra apposer son veto à toute décision de l'association bénéficiaire de l'apport, qui lui apparaîtrait contraire au caractère propre du foyer L'Oasis » ; que, pour retenir la validité de cette clause, la cour d'appel a énoncé que l'exercice de ce droit de veto, même s'il fait échec à la décision du conseil d'administration, ne permet pas à son titulaire de se substituer à la volonté de l'association La Montluelde mais oblige, en réalité, à ce qu'un accord soit trouvé et qu'en cas de blocage de la situation, le juge peut être amené à intervenir à la demande d'un membre de l'association ; qu'en statuant ainsi, en l'absence de toute stipulation prévoyant un quelconque accord entre les parties et l'intervention, à défaut, du juge, la cour d'appel qui a dénaturé la clause litigieuse, a violé l'article 1134, alinéa 1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue ; que, suivant les propres constatations de l'arrêt, le contrat d'apport partiel d'actif comporte une clause suivant laquelle l'association Oasis, « apporteuse, délègue au sein du conseil d'administration de l'association immobilière La Montluelde, un représentant », lequel « pourra apposer son veto à toute décision de l'association bénéficiaire de l'apport, qui lui apparaîtrait contraire au caractère propre du foyer L'Oasis » ; qu'en telle clause qui paralyse définitivement l'exercice par l'association La Montluelde de ses prérogatives de propriétaire sur l'immeuble apporté, soumises à l'exercice par l'association L'Oasis de son droit de veto, laissé à sa seule appréciation, était nécessairement entachée de nullité ; qu'en énonçant, pour décider du contraire, que ce droit de veto restreint et susceptible d'être apprécié par le juge constitue une atteinte au droit de propriété qui n'est pas disproportionnée au regard du but poursuivi, à savoir la préservation dans le cadre spécifique du fonctionnement du foyer L'Oasis des valeurs communes aux deux associations telles qu'elles résultent de leurs objets, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil.