CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10088 F
Pourvoi n° Q 17-10.454
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. André X...,
2°/ Mme Anne-Marie Y..., épouse X...,
domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Christian X..., domicilié [...] ,
2°/ à M. Robert X..., domicilié [...] ,
3°/ à Mme Evelyne X..., domiciliée [...] ,
4°/ à M. Bernard X..., domicilié [...] ,
5°/ à Mme Françoise X..., domiciliée [...] ,
6°/ à M. Didier X..., domicilié [...] ,
7°/ à Mme Carine X..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
8°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité d'administrateur de la succession de Paulette A...,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Roth, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de M. André X... et de Mme Y..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. Christian, Robert et Bernard X... et de Mmes Evelyne et Françoise X... ;
Sur le rapport de M. Roth, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. André X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à MM. Christian, Robert et Didier X... et à Mmes Evelyne et Françoise X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. André X... et Mme Y....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR écarté la demande formée par M. et Mme André X... afin d'obtenir le bénéfice d'une créance de salaire différé ;
AUX MOTIFS QUE les appelants concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré qu'ils ne rapportaient pas la preuve de l'absence de rémunération ; que les intimés ne discutent pas la réalité de l'activité déployée par André X..., et dans une moindre mesure par Anne-Marie Y... son épouse, au sein de l'exploitation agricole familiale entre mars 1970 et décembre 1980 pour le premier et entre 1975 et 1980 pour la seconde mais il soutiennent que cette activité a toujours été rémunérée en s'appuyant notamment sur le témoignage de leur mère, Paulette A..., selon laquelle son fils André et son épouse ont toujours été rémunérés en contrepartie de l'aide fournie dans la ferme au moyen d'espèces versées après la vente de chaque veau ce qui leur permettait de vivre confortablement ; que, sans contester l'authenticité de ce témoignage, les époux X... concluent à son inexactitude et soutiennent faire la preuve de l'absence de rémunération ; qu'il résulte des attestations de la MSA qu'André X... a été affilié au régime de la MSA en qualité d'aide familial entre le 1er janvier 1971 et le 1er décembre 1980 et qu'Anne-Marie Y... y a été affiliée en cette même qualité entre le 27 août 1975 et le 1er décembre 1980 ; que cette affiliation étant déclarative, elle doit être corroborée par d'autres éléments ; que les appelants produisent diverses attestations ; que les attestations rédigées par Julien C..., Pierre X..., André D..., Louis Y...,Marie-Thérèse Y..., Catherine Y..., Franchie Y... et Michèle Y... sont, à quelques détails près, identiques dans leur contenu et se bornent à indiquer que le couple a travaillé à la ferme jusqu'en 1980 sans percevoir aucune rémunération de quelque nature que ce soit ; qu'outre le fait que six des huit témoins sont des proches d'Anne-Marie Y... (parents, soeurs) ou d'André X... (cousin), aucun d'entre eux ne relate un événement singulier auquel il aurait assisté ni ne rapporte une quelconque parole entendue ; que les trois soeurs d'Anne-Marie Y... attestent même qu'André X... a travaillé à partir de 1971 sans rémunération alors qu'elles n'étaient âgées à cette époque que de 15 ans, 12 ans et 4 ans et que leur soeur ne s'est mariée et installée dans la ferme de [...] qu'à partir de 1975 ; que ces huit témoignages stéréotypés, qui émanent en outre pour six d'entre eux de personnes très proches d'Anne-Marie Y... ou d'André X... et pour trois d'entre eux de personnes qui n'ont pu matériellement assister aux faits auxquels elles prétendent avoir assisté, seront rejetés ; que Henri E..., Henri F..., Françoise G..., Marcel H... et Maria I... qui avaient également rédigé des attestations stéréotypées ont rétracté leurs témoignages en expliquant avoir été trompés par André et Anne-Marie qui leur avaient demandé de recopier un texte pré-écrit pour constituer leur dossier de retraite en leur dissimulant l'enjeu véritable de ces attestations ; qu'ils affirment ignorer tout de l'existence ou de l'absence de rémunération versée au bénéfice d'André ou Anne-Marie X... à l'époque où ces derniers aidaient les parents X... à la ferme et regrettent leurs fausses déclarations ; que Gérard J..., agriculteur sur la commune de [...] né [...] et fils d'éleveurs ayant vécu sur la commune de [...], atteste avoir vu à compter de 1976 le couple X... travailler comme aide familial « dans l'attente de recevoir un salaire différé » sans préciser les circonstances lui ayant permis d'avoir connaissance de cette absence de rémunération (amis d'enfance ou de la famille, entraide agricole?) et que ce témoignage laconique ne peut être retenu ; que l'attestation de l'ancien maire de [...] relative à la vente de matériel agricole d'occasion en 1990 est inopérante ; qu'André X... invoque enfin la dotation jeune agriculteur perçue lors de son installation ; que cette dotation, versée à chaque nouvel exploitant remplissant les conditions d'âge et de formation, ne fait pas la preuve de l'absence de salaire ; qu'au total, André X... et Anne-Marie Y... sont défaillants dans la preuve qui leur incombe de l'absence de rémunération et ils doivent être déboutés de leurs demandes de salaires différés, le jugement étant confirmé sur ce point ;
1. ALORS QUE, s'il incombe au demandeur en paiement d'un salaire différé en application des articles L. 321-13 et suivants du code rural, d'apporter la preuve de ce qu'il remplit les conditions légales pour se voir reconnaître titulaire d'une créance de salaire différé et, en particulier, de l'absence de rémunération ou d'association aux pertes et bénéfices de l'exploitation, il peut en rapporter la preuve par tout moyen, y compris par présomption ; qu'il s'ensuit que la preuve de l'absence de rémunération est libre et peut résulter de la seule affiliation de l'intéressée à la MSA comme aide familiale, quoiqu'elle repose sur les déclarations de l'intéressé ; qu'en affirmant que la preuve de l'absence de rémunération des intéressés ne peut résulter de la seule affiliation des intéressés, en tant qu'aide familiale, à défaut d'être corroborée par d'autres éléments, dès lors qu'elle est déclarative, quand l'article L 321-13 du code rural ne s'oppose pas à ce que les juges forment leur conviction sur la seule considération d'une affiliation de l'intéressé à la MSA, la cour d'appel qui a refusé d'exercer le pouvoir souverain d'appréciation qu'elle tient de la loi, a violé la disposition précitée, ensemble l'article 1353 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2. ALORS QUE l'adage « nul ne peut se constituer de preuve à lui-même » n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en affirmant que la preuve de l'absence de rémunération des intéressés ne peut résulter de la seule affiliation des intéressés, en tant qu'aide familiale, à défaut d'être corroborée par d'autres éléments, dès lors qu'elle est déclarative, quand l'absence de rémunération des intéressés constituait un fait juridique dont la preuve pouvait résulter des seules déclarations du demandeur dont dépendaient son affiliation à la MSA comme aide familial, la cour d'appel a violé l'adage précité, ensemble l'article L 321-3 du code rural.