COMM.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10105 F
Pourvoi n° A 16-26.123
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2016 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Franck Y...,
2°/ à Mme Sabrina Z...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP François-Henri Briard, avocat de la société Crédit du Nord, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. Y... et de Mme Z... ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit du Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... et à Mme Z... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit du Nord.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la SA CREDIT du NORD de ses demandes dirigées contre les cautions, M. Y..., et Mme Z...,
Aux motifs qu' « aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.La disproportion doit s'apprécier au regard des biens et revenus de chaque caution ; qu'en l'espèce, il ressort de la fiche de renseignements établie le 21 mars 2007 par M. Y... et Mme Z... que M. Y... avait un revenu annuel de 24 000 € et Mme Z... un revenu annuel de 21 600 €. Ils ont également déclaré être propriétaires dans le cadre d'une SCI, la SCI A... d'un appartement situé [...] d'une valeur de 250 000 € et d'un local commercial situé [...] d'une valeur de 110 000 €. Pour financer l'acquisition des deux biens immobiliers, la SCI ... avait contracté deux emprunts auprès du Crédit Lyonnais d'un montant respectif de 583 000 F et 292 000 F.
M. Y... et Mme Z... ont précisé dans la fiche de renseignements du 21 mars 2007 qu'il restait un encours de 60 000 € sur les crédits contractés auprès du Crédit Lyonnais. Ils ont également indiqué être titulaires de plans d'Epargne logement et de plans d'Epargne en action pour un montant de 31 000 €. Il ressort de la lecture de l'acte notarié du 3 septembre 2007 portant vente du local commercial situé rue du Maréchal Foch par la SCI... au profit de la SCI MEULAN FOCH que le même jour, Mme Z... a cédé le fonds de commerce du salon de coiffure exploité dans les lieux au profit de la société SB MEULAN. Le fonds de commerce évalué dans la fiche de renseignements 130 000 € était donc un bien personnel de Mme Z.... S'il apparaît à la lecture des pièces produites que M. Y... et Mme Z... ont effectué un apport en compte courant de 100 000 € dans la société qu'il venait de créer, cet apport n'a pu être financé que par la vente des murs commerciaux et du fonds de commerce, il n'y a donc pas lieu de l'ajouter aux avoirs des appelants. Compte tenu de ces éléments, le patrimoine et les revenus de M. Y... au jour de la conclusion de l'acte de caution s'établissait comme suit :
-revenus annuels 24 000 € ;
- appartement retenu pour moitié 125 000 €
-murs commerciaux dont moitié 55 000 €
-valeurs mobilière dont moitié 15 500 €
--------------
219 500 €
-à déduire charge emprunt en cours - 60 000 €
---------------
159 500 €
L'engagement de caution d'un montant de 325 000 € souscrit au bénéfice du Crédit du Nord le 16 juin 2007 était donc manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Le patrimoine et les revenus de Mme Z... s'établissait au jour de la conclusions de l'acte de caution de la manière suivante :
- revenus annuels : 21 600 €
- appartement dont moitié 125 000 €
- murs commerciaux dont moitié 55 000 €
- valeurs mobilières dont moitié 155 000 €
- fonds de commerce de coiffure 130 000 €
-----------
347 100 €
à déduire emprunt en cours 60 000 €
-----------
287 000 €
L'engagement de caution souscrit par Mme Z... était donc également manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La banque ne prétend pas qu'au jour où elles ont été appelées les cautions étaient en mesure de faire face à leurs obligations.Le Crédit du Nord ne peut donc se prévaloir des cautionnements souscrits par M. Y... et Mme Z..., et il convient de le débouter de ses demandes. »
1° Alors d'une part, qu'en vertu de l'article L341-4 du Code de la consommation (devenu L 332-1 du même code, suite à l'ordonnance du 4 mars 2016), un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'il ne peut être reproché à une banque de s'être fondée sur des informations erronées ou incomplètes que lui a fournies la caution sur la composition de son patrimoine dans sa fiche de renseignement et dans le dossier de présentation de l'opération; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que M. Y... et Mme Z... ont effectué un apport en compte courant de 100 000 € dans la société qu'il venait de créer, mais elle a refusé de tenir compte de cet apport qui figurait pourtant dans le dossier de présentation comme étant l'apport personnel de M. Y... et de Mme Z... ; qu'en refusant de tenir compte de cet apport en compte courant à l'actif du patrimoine des cautions, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2° Alors d'autre part, en tout état de cause, la Cour d'appel a énoncé que « s'il apparaît à la lecture des pièces produites que M. Y... et Mme Z... ont effectué un apport en compte courant de 100 000 € dans la société qu'il venait de créer, cet apport n'a pu être financé que par la vente des murs commerciaux et du fonds de commerce, il n'y a donc pas lieu de l'ajouter aux avoirs des appelants » (cf arrêt p. 6) ; qu'en statuant ainsi par voie de motifs hypothétiques, alors qu'il était soutenu que le dossier de présentation de l'opération soumis par les cautions à la banque n'indiquait nullement que l'apport de 100.000 € devait être financé par la vente des murs et du fonds de commerce du couple, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3° Alors de troisième part que la Cour d'appel a constaté que les cautions avaient déclaré dans la fiche de renseignement être titulaires de « plan d'épargne logement et de plan d'Epargne en action pour un montant de 31 000 € » (cf arrêt p. 6) ; qu'en négligeant cependant ces comptes dans le calcul des avoirs des cautions, la Cour d'appel a violé l'article L341-4 du Code de la consommation (devenu L 332-1 du même code, suite à l'ordonnance du 4 mars 2016).
4° Alors de quatrième part que la déchéance de l'article L341-4 du Code de la consommation (devenu L 332-1 du même code, suite à l'ordonnance du 4 mars 2016) ne s'applique que si le cautionnement est « manifestement disproportionné » aux biens et aux revenus de la caution ; que les déchéances sont de droit strict ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a considéré que si l'engagement de la caution ne pouvait pas être payé avec les revenus d'une seule année de chaque caution et son patrimoine, il était manifestement disproportionné ; qu'en ne justifiant pas en quoi la disproportion était manifeste, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.
5° Alors enfin qu' au regard de l'article L341-4 du Code de la consommation (devenu L 332-1 du même code, suite à l'ordonnance du 4 mars 2016), il doit être tenu compte du recours dont dispose le cofidéjusseur solvens contre son cofidéjusseur, dès lors qu'il s'agit d'un revenu « exceptionnel » qui lui permettra d' apurer plus rapidement le solde de la dette ; qu'en l'espèce, en ne tenant pas compte du recours qu'aura le solvens contre son cofidéjusseur, la Cour d ‘appel a violé l'article L341-4 susvisé ;