SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10162 F
Pourvoi n° D 16-22.952
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Marlène Y..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 28 juin 2016 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Marie-Françoise Z..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Y..., de Me B..., avocat de Mme Z... ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige : qu'en l'espèce, elle a été libellée dans les termes suivants : « Vous avez été régulièrement convoquée pour un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception en date du 03 janvier 2013 reçue le 04 janvier 2013, pour le mardi 15 janvier 2013. Ce courrier de convocation contenait déjà un exposé du motif économique nous faisant envisager cette mesure. Lors de l'entretien, nous vous avons précisé ce motif en vous fournissant des indications complémentaires. Ce motif économique tien en premier lieu aux difficultés économiques rencontrées par notre étude. En effet, la situation économique au 30 novembre 2012 fait apparaître une baisse du résultat de 171 026,00 euros au 31 décembre 2011 à 60 916,00 € au 30 novembre 2012, c 'est à dire une baisse de près de 64,38% ; que les chiffres au 31 décembre 2012 n'étaient pas significativement plus importants, puisque le résultat au 31 décembre 2012 s'est établi à 150 468,01 € c'est à dire une baisse de 38%. Une baisse aussi brutale du résultat dans une activité où le Notaire est responsable indéfiniment des pertes sur ses biens personnels constitue la notion de difficulté économique. Au-delà, des obligations sévères sont mises à la charge des Notaires en matière de fond de roidement et de trésorerie, qu'une baisse de résultat ne manquera pas d'affecter défavorablement. D'ailleurs, au jour des présentes et, à titre informatif, la situation pour le mois de janvier 2013 confirme cette tendance puisqu'elle révélera une perte de - 25 000 € environ. En deuxième lieu, le motif économique tient également à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise en réduisant ses charges pour les adapter au volume d'activités et au chiffre d'affaire prévisibles. En effet, il ressort du budget prévisionnel établi sur la base des dossiers actuellement traités à l'Etude que cette dernière rencontrera un déficit comptable de l 'ordre de 78 000,00 € au cours du 1ertrimestre 2013 . A cet égard, et comme nous vous l'avons indiqué lors de notre entretien, les dossiers traités par l'Etude en janvier et février 2013 sont inférieurs à la même époque en 2012 (chiffre d'affaire en baisse d'environ 45% en janvier et 67% en février). Dès lors, cette perspective nous contraint d'adopter des mesures de réorganisation permettant de sauvegarder la compétitivité de l'étude dans le contexte économique et juridique actuel et de conserver la possibilité de procéder aux éventuels investissements nécessaires. Ces motifs économiques, difficultés et nécessité de sauvegarde de la compétitivité, entraînent la nécessité de supprimer votre poste. Nous ayons mené une recherche active de solutions de reclassement, tant au niveau de l'Etude, et également à l'extérieur de celle-ci, actionnant par exemple les Notaires proches mais également la Chambre Départementale et Régionale des Notaires, mais également Me C..., Notaire place Parmentier à Amiens, Me Annie D..., Notaire associée à Amiens, Me François E..., Notaire associé à Amiens, Me Bernard F..., notaire associé, Caisse d'Epargne Ecureuil, Consultation de la bourse d'emploi sur le site Intranet des notaires. Malheureusement, les réponses que nous avons reçues sont toutes négatives. Il apparaît en outre qu'au sein de l'entreprise, il n'y a actuellement aucun poste disponible ou susceptible d'être créé, même à temps partiel, même sous contrat précaire, dans quelque secteur que ce soit. En l'absence de toute autre solution de reclassement, votre reclassement s'avère impossible, et nous n'avons pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement pour motif économique. J'ai pris note de votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Par suite de l'adhésion à ce contrat, votre contrat sera rompu à la date du 05 février 2013, nous réglerons l'indemnité compensatrice de préavis à Pôle Emploi et vous verserons l'indemnité de licenciement ainsi que le solde de vos congés..." ; que, selon les termes de l'article L.1233-3 du code du travail : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ; que, selon les termes de l'article L.1233-3 du code du travail : "Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient" ; que Marlène Y... a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui était proposé ; que si en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle prévu aux articles L.1233-65 et suivants du code du travail, le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties, il n'en demeure pas moins que cette rupture, qui découle d'une décision de licenciement prise par l'employeur, doit être justifiée par une cause économique que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail ; que pour satisfaire aux exigences des articles L.1233-2, L.1232-6, L.1233-15 et L.1233-16 du [code du] travail, la lettre de licenciement doit tout à la fois invoquer l'une des causes économiques prévues par la loi et mentionner l'incidence de cette cause économique sur l'emploi à défaut de quoi le licenciement se trouve ipso facto privé de cause réelle et sérieuse ; que la lettre de licenciement du 23 janvier 2013 a satisfait aux exigences susvisées puisqu'elle mentionne la cause économique du licenciement et l'incidence de cette cause économique sur l'emploi de la salariée.
ALORS QUE lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du Code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; qu'en jugeant que l'employeur avait satisfait à l'obligation d'énoncer le motif économique de la rupture en énonçant ce motif dans une lettre de licenciement adressée à Mme Y... trois jours après son adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L.1233-65 et L.1233-67 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE il résulte des pièces du dossier que si les résultats de l'office notarial ont été satisfaisants en 2010 et 2011, ils ont brutalement chuté dans le courant de l'année 2012 ; que par courrier du 21 décembre 2012, Christian G..., directeur d'agence de Fiducial Expertise, informait Maître Marie-Françoise Z... d'une "baisse très importante dit résultat au 30/11/2012 de -110 000 euros" et de l'amplifie atioii de cette baisse dans les mois à venir ; qu'il ajoutait : " l'analyse prévisionnelle des trois prochains moisf fait ressortir un déficit comptable au 28/02/2013 d'environ 100 000 €, ce qui va occasionner d 'importantes difficultés de trésorerie
je vous rappelle vos obligations professionnelles qui exigent un fonds de roulement égal à 2 mois de charge ou 3 mois de trésorerie... en conséquence il est urgent de prévoir des dispositions visant à retrouver l'équilibre financier qui passe principalement par une diminution des charges" ; que c'est dans ce contexte que Maître Marie-Françoise Z..., dont il n'est pas contesté qu'elle exploitait en son nom propre l'Office Notarial, et partant, se trouvait indéfiniment responsable sur ses biens personnels des déficits de cette étude, prenait la décision de se séparer de ses deux secrétaires ; qu'il convient de constater qu'en dépit de ces mesures, les résultats obtenus au titre de l'année 2013, demeuraient en baisse ; que si le motif économique du licenciement doit normalement s'apprécier à la date de ce dernier, il peut être tenu compte d'éléments ultérieurs pour cette appréciation ; qu'il apparaît au vu des résultats2013 de l'Office que les prévisions fin 2012 d'une dégradation de la situation économique de ce dernier s'étaient révélées exactes ; qu'en conséquence ette seule constatation suffît à juger établies les raison économiques du licenciement ; que la suppression de Remploi de Marlène Y... ne saurait être sérieusement discuté ; qu'en effet, les recrutements qualifiés de "préventifs" dont l'intéressée fait état remontent à l'année 2011 ; qu'à cette époque, les résultats de l'Office étaient bons ; qu'un négociateur a été ainsi recruté en la personne de David H... ; que par ailleurs, Céline I... a été embauchée afin de remplacer Marlène Y... elle-même alors en congé de maternité, puis maintenue dans son emploi ; que force est de constater que cette salariée a fait l'objet d'un licenciement à la même date que l'intimée ; qu'au regard des éléments qui précèdent, la contestation par la salariée de la suppression de son emploi est totalement inopérante, la consultation du registre des entrées et sorties des personnels révélant en outre qu'aucune embauche n'a été effectuée postérieurement au licenciement de Marlène Y... et de Céline I....
ALORS QUE la seule baisse du résultat ne saurait caractériser des difficultés économiques ; qu'en jugeant fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique prononcé à raison d'une baisse du résultat, qui demeurait néanmoins positif et avait connu une forte progression le mois précédant le licenciement, la cour d'appel a violé l'article L.1233-3 du code du travail.
ET ALORS en tout cas QU'en se bornant à retenir que les résultats obtenus au titre de l'année 2013 demeuraient en baisse et que les prévisions fin 2012 d'une dégradation de la situation économique s'étaient révélées exactes, sans donner aucun élément chiffré de nature à confirmer la dégradation alléguée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'articles L.1233-3 du code du travail.