SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10158 F
Pourvoi n° K 16-22.176
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Joaquim I... Y..., domicilié chez M. et Mme Z...[...] ,
contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2016 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Gambro industries, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Marc Lévis, avocat de M. I... Y..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Gambro industries ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. I... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour M. I... Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. I... Y... de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement ;
AUX MOTIFS QUE l'appelant soutient qu'il a souffert d'une inégalité de traitement au cours de son évolution professionnelle alors qu'il avait été engagé à l'origine en 1998 sur le site de [...] puis avait été muté à l'établissement de Roussillon en 2001, sans bénéficier d'aucune formation sur la technicité de son poste mis à part des actions ponctuelles de sensibilisation destinées à l'ensemble du personnel de l'atelier ; qu'il n'a pas obtenu de mutation pour revenir à [...] en raison de son lieu de résidence et qu'il a dû attendre juillet 2007 pour bénéficier d'un avancement rétroactif à compter du 1er janvier précédent et a bénéficié d'un nouveau changement de coefficient le 1er juillet 2009 ; qu'il estime avoir bénéficié du coefficient 730, le plus élevé de la catégorie des ouvriers, alors qu'il aurait dû être promu à un poste de technicien et avoir été ainsi bloqué dans sa carrière au niveau du salaire ; que cependant que les premiers juges ont relevé au regard des entretiens d'évaluation des années 2009, 2010 et 2011, que M. I... Y... avait bénéficié d'une évolution professionnelle constante et régulière et qu'il ne justifiait pas de ce qu'il aurait été victime d'une discrimination professionnelle et salariale par rapport à ses collègues exerçant une fonction identique, que lui-même reconnaît avoir atteint le plus haut coefficient de la catégorie des ouvriers sans justifier d'éléments particuliers qui lui auraient permis d'accéder aux fonctions de technicien ; qu'en effet, par lettre du 6 juillet 2005, l'employeur informait M. I... Y... de certaines difficultés devant donner lieu à une amélioration ; que néanmoins il a bénéficié d'une élévation de coefficient par lettre du 12 juillet 2007 puis par lettre du 26 octobre 2009 avec la qualification sur l'emploi de conducteur de machine niveau 3 ; qu'il n'en résulte aucune inégalité de traitement et que sur ce point le jugement entrepris sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur I... Y... a été embauché par la SAS GAMBRO INDUSTRIES à compter du 05 décembre 1998 en qualité d'opérateur, coefficient 145 ; qu'à compter du 1er avril 2002, Monsieur I... Y... était promu coefficient 170 ; qu'en 2003, son poste d'opérateur a évolué vers celui de conducteur de machine ; que dès juillet 2005, la SAS GAMBRO INDUSTRIES relevait des insuffisances dans les connaissances de Monsieur I... Y... afin de tenir son poste de conducteur de machine ; qu'en octobre 2005, afin de pallier à ces insuffisances, la SAS GAMBRO INDUSTRIES proposa à Monsieur I... Y... un plan d'action lui permettant de progresser sur les différents points relevés ; qu'à compter du 1er janvier 2007, Monsieur I... Y... est passé conducteur de machine niveau 2, coefficient 720 ; qu'à compter du 1er juillet 2009, Monsieur I... Y... est passé conducteur de machine niveau 3, coefficient 730 ; qu'au regard des entretiens d'évaluation 2009, 2010 et 2011, Monsieur I... Y... s'implique dans les objectifs, les atteints et satisfait aux attentes de la SAS GAMBRO INDUSTRIES ; qu'au regard des éléments précités, apparait au Conseil que Monsieur I... Y... a eu une évolution professionnelle constante et régulière ; qu'au regard des éléments aux dossiers, que Monsieur I... Y... ne justifie pas qu'il aurait été victime d'une discrimination professionnelle et salariale par rapport à ses collègues exerçant la même fonction ;
1/ ALORS QUE le salarié qui invoque une méconnaissance du principe d'égalité de traitement est seulement tenu de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement, à charge pour l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; que M. I... Y... faisait notamment valoir qu'en quatorze ans d'ancienneté, son unique évolution était d'être passé conducteur machine en 2003, que la quasi-totalité des salariés situés au niveau 720 avait bénéficié du niveau 730 avant lui, qu'il n'avait bénéficié d'aucune formation, que son évolution professionnelle avait été volontairement freinée par son supérieur hiérarchique avec lequel il entretenait des relations difficiles et que Messieurs B..., C..., D... et E..., embauchés postérieurement aux mêmes fonctions que lui, avaient bénéficié d'un salaire supérieur ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande, que son évolution professionnelle avait été constante et régulière et qu'il « ne justifiait pas de ce qu'il aurait été victime d'une discrimination professionnelle et salariale par rapport à ses collègues exerçant une fonction identique », la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS, en outre, QU'en ne recherchant pas si les éléments de fait invoqués par M. I... Y... au soutien de sa demande constituaient un ensemble d'éléments susceptibles de caractériser une différence de traitement dont l'employeur devait justifier par des raisons objectives et pertinentes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;
3/ ALORS, au demeurant, QUE l'employeur ne peut valablement invoquer la prétendue médiocre qualité de travail du salarié pour justifier une inégalité de traitement si cette appréciation ne résulte pas d'un système d'évaluation reposant sur des critères objectifs et matériellement vérifiables ; qu'en retenant que l'évolution professionnelle de M. I... Y... ne révélait pas d'inégalité de traitement, notamment au regard des difficultés relevées par l'employeur dans une lettre du 6 juillet 2005, sans rechercher, comme cela lui était pourtant demandé, si les appréciations négatives de sa hiérarchie n'étaient pas purement subjectives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;
4/ ALORS, en outre, QU'il incombe à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à son obligation de formation et d'adaptation des salariés ; que pour dire qu'aucun traitement défavorable n'avait été infligé au salarié, l'arrêt retient que M. I... Y..., qui reconnaît avoir atteint le plus haut coefficient de la catégorie des ouvriers, ne justifie pas d'éléments particuliers qui lui auraient permis d'accéder aux fonctions de technicien ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si l'employeur avait effectivement satisfait à ses obligations en matière de progression de carrière du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 6111-1 et L. 6321-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. I... Y... reposait sur une faute grave et, en conséquence, débouté M. I... Y... de toutes ses demandes indemnitaires à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'il convient de relever au préalable, que la lettre de licenciement est particulièrement bien motivée et circonstanciée avec un maximum de précisions et détails ; qu'il est reproché à M. I... Y... d'avoir le 15 novembre 2012 vers 3h30, alors qu'un incident avait arrêté la chaîne de production de films destinés à des traitements de dialyse rénale, utilisé une règle métallique de bureau pour nettoyer le tambour sur lequel s'était répandu du collodion, alors que le nettoyage ne peut avoir lieu qu'à l'aide de serviettes imbibées d'eau déminéralisée ; que l'examen du tambour a révélé des défauts de type rayures résultant d'un frottement métallique sur le chrome de la surface du tambour comme l'a confirmé le test effectué avec une solution diluée d'acide phosphorique qui a révélé un halo brunâtre autour des rayures attestant la présence à cet endroit d'un dépôt d'origine métallique ; que lors de l'entretien préalable au licenciement, M. I... Y... avait reconnu, toujours selon la lettre de licenciement avoir utilisé, pour retirer le collodion une règle en matière plastique et non pas une règle en aluminium ; que l'employeur cite le témoignage de M. F..., coéquipier de M. I... Y... ledit jour, qui a décrit avec beaucoup de détails le nettoyage du tambour et l'usage par son coéquipier d'une règle métallique (pièce 37 de l'intimée) ; que dans ses conclusions, M. I... Y... conteste avoir utilisé une règle métallique de même qu'une règle en plastique en expliquant que c'était M. F... qui était intervenu en se brûlant la main et qu'il avait rayé le tambour avec son alliance ; qu'il maintient que seul M. F... est intervenu et qu'il n'a pas lui-même tenté d'enlever le collodion ; que M. I... Y... explique que l'espace dans le tambour est étroit et qu'il serait impossible d'y passer la main sans se brûler sur la paroi du tambour chauffée à plus de 80° ; que ce contexte explique toutefois pourquoi, ainsi que l'a relaté M. F..., M. I... Y... a utilisé une règle métallique pour enlever le collodion, la règle étant un instrument plus étroit que la main et évitant de se brûler ; que le fait que M. F... se soit brûlé la main n'exclut nullement que M. I... Y... soit également intervenu avec une règle métallique ; que la lettre de licenciement fait expressément état de la découverte des rayures le jour même par M. F..., ce qui est confirmé par l'intervention le lendemain de MM. G... et H... ; que la production a été interrompue jusqu'au 19 novembre 2012 mais que les rayures avaient été découvertes dès le 15 novembre et qu'en remettant la production en route à partir du 19 novembre, il a pu être constaté que les rayures marquaient le film à chaque tour de tambour ; que l'employeur ne se contredit pas puisqu'il explique l'impossibilité d'utiliser une règle en plastique, laquelle aurait fondu par l'effet de la chaleur et aurait été opacifiée par le collodion alors qu'aucune règle en plastique n'était présentée par M. I... Y... avec des traces de son intervention, ce qui explique pourquoi, en cause d'appel, il conteste même l'usage d'une règle en plastique, contrairement à ce qu'il avait reconnu lors de l'entretien préalable au licenciement ; que les témoignages recueillis et les vérifications techniques confirment qu'en utilisant une règle métallique, M. I... Y... a bien occasionné des rayures sur le tambour destiné à produire les films, même si M. F... a pu lui-même provoquer d'autres rayures avec son alliance ; que la faute éventuelle de M. F... n'est pas de nature à effacer la faute de M. I... Y... ; que s'agissant de la production d'objets destinés à la santé humaine en salle blanche, en l'espèce des produits destinés à la dialyse rénale et hépatique, il est évident que le processus de fabrication et les règles de sécurité doivent être strictement appliquées et d'une manière très scrupuleuse compte tenu des incidences sur la santé humaine pouvant résulter d'une mauvaise fabrication ; que tout bricolage est à juste titre formellement proscrit, au profit de règles de nettoyage scrupuleusement codifiées, et qu'il convient seulement d'apprécier l'existence d'une faute et de sa gravité indépendamment des conséquences en résultant, dès lors que la société Gambreo Industries a de toute évidence pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de produire des films nuisibles à la santé humaine et a dû interrompre la production pendant trois jours ce qui constitue en soi un préjudice pour la société ; qu'en l'espèce l'employeur a bien établi l'exactitude des faits imputés à M. I... Y... dans la lettre de licenciement et qu'il démontre en outre qu'en raison de leur impact sur la santé humaine, ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; qu'en conséquence, il convient de retenir la faute grave à l'encontre de M. I... Y..., ce seul grief justifiant son licenciement ;
1/ ALORS QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel a retenu que l'attestation de M. F... établissait que M. I... Y... avait utilisé une règle métallique ayant occasionné des rayures sur le tambour destiné à produire les films ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si du fait du positionnement de M. F... par rapport à la machine lors de l'incident, de la forme des rayures, et de ce que celui-ci était amené à remplacer M. I... Y... à son poste en cas d'éviction de ce dernier, M. F..., seule personne présente au moment de l'incident, n'était pas l'auteur de l'intégralité des rayures constatées sur le tambour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2/ ALORS, à tout le moins, QU'en ne répondant pas aux conclusions de M. I... Y... invoquant l'absence de bonne foi de M. F..., seule personne présente au moment de l'incident, et qui était amené à remplacer M. I... Y... à la suite de l'éviction de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS, en toute hypothèse, QUE la faute grave, qui s'apprécie in concreto, résulte de la violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant qu'une telle faute était caractérisée, cependant que, pour un salarié ayant près de quatorze ans d'ancienneté, auquel n'incombait pas la responsabilité de garantir l'absence de nuisibilité du produit fini à la santé humaine, la tentative de résoudre un incident machine, auquel il avait pu être remédié, n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.