SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10156 F
Pourvoi n° T 16-18.733
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Mauffrey Normandie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 1er juin 2016 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat CGT transports Carpentier Mauffrey, dont le siège est [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Mauffrey Normandie, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat du syndicat CGT transports Carpentier Mauffrey ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mauffrey Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mauffrey Normandie à payer au syndicat CGT transports Carpentier Mauffrey la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Mauffrey Normandie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit l'action entreprise recevable et d'AVOIR enjoint à la société Transports Carpentier du Groupe Mauffrey de mettre en application les dispositions de l'article 7.2 de l'accord d'entreprise relatif à la durée du travail des conducteurs routiers signé par elle le 27 mai 2003 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Transports Carpentier Groupe Mauffrey fait valoir, en deuxième lieu, que le syndicat CGT était dépourvu de qualité pour agir, dès lors que l'article L. 2262-11 du code du travail n'autorise pas un syndicat non signataire ou non adhérent à un accord d'entreprise à en solliciter l'application et qu'en l'espèce, l'accord du 27 mai 2003 a été signé par le syndicat Force Ouvrière ; toutefois, indépendamment de l'action réservée par l'article L. 2262-11 du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels, qu'ils soient ou non signataires, sont recevables à demande, sur le fondement de l'article L. 2132-3 de ce code, l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; le deuxième grief est donc également infondé ; à titre subsidiaire, la société Transport Carpentier Groupe Mauffrey fait valoir, en troisième lieu, qu'il n'a pas été justifié que l'accord dont l'application est demandée aurait été déposé tant après de l'administration du travail (DIRECTE) que du conseil des prud'hommes, de telle sorte qu'il est inapplicable ; elle argue également du fait qu'une erreur affecte l'accord du 27 mai 2003 quant au temps de service qui inclut à tort jours fériés et congés payés ; toutefois, aucune de ces circonstance n'est de nature à s'opposer à l'application d'un accord qui a été signé par la société Transports Carpentier Groupe Mauffrey, dès lors que la sanction de la règle de dépôt n'est pas la nullité de l'acte dont la vocation à s'appliquer subsiste en vertu de l'article 1134 du code civil, quoiqu'il en soit des erreurs pouvant éventuellement l'affecter ; par ailleurs, il n'est pas allégué que l'accord du 23 juin 2003 aurait remis en cause celui du 27 mai, lequel n'a été dénoncé par l'appelante qu'à compter du 29 septembre 2015 avec préavis de trois mois sous réserve de la conclusion d'un nouvel accord à défaut duquel il ne prendrait fin qu'un an après expiration du préavis ; l'appelante soutient en dernier lieu, que le juge des référés s'est contredit en relevant tout à la fois que l'accord du 27 mai 2003 n'avait pas été appliqué pendant douze ans et que son défaut d'application constituait un trouble manifestement illicite, d'autant qu'il souligne que les conducteurs ne respectaient pas l'obligation prévue par l'article IV quant à l'usage du contrôlographe, à quoi s'ajoute le fait, selon l'appelante, que les conducteurs ne respectent pas les articles 3.2.1 et 3.2.2 de l'accord relatifs à la remise des disques et des feuilles de semaine ; toutefois, c'est sans ses contredire que le premier juge a pu considérer, d'une part, aux seules fins d'apprécier le fondement juridique de sa décision, que l'accord datant de plus de douze années, la condition d'urgence posée par l'article 808 du code de procédure civile n'était pas caractérisée, et d'autre part, retenir au regard des critères fixés par l'article 809 du même code, que l'absence d'application de l'accord par l'employeur qui s'y était engagé, pendant une durée aussi longue, constituait un trouble manifestement illicite ; par ailleurs, le premier juge a tenu compte de ce qu'il n'était pas contesté que les conducteurs eux-mêmes ne respectaient pas leurs obligations pour rejeter la demande d'astreinte, mais il ne saurait en être tiré la conséquence que le défaut d'application de l'accord ne constituerait pas un trouble illicite, dès lors que l'employeur disposait des moyens nécessaires à l'application de l'accord, y compris en faisant respecter, par les salariés, les obligations qui leur incombaient ; l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a enjoint à la société Transports Carpentier groupe Mauffrey de mettre en application de l'article 7.2 de l'accord du 27 mai 2003 ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE le requérant, même non partie à l'accord collectif, est recevable à exercer une action pour solliciter l'application de « l'accord d'entreprise relatif à la durée du travail des conducteurs routiers » conclu par la société Transports Carpentier le 27 mai 2003, dès lors que, « conclu pour une durée indéterminée », il n'est nullement établi que les dispositions de l'article VIII relatives à sa dénonciation par l'une ou l'autre des parties signataires aient été invoquées pour y porter un terme ; sur l'application de l'accord ; le présent référé se trouve formé au visa des dispositions des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; il apparaît cependant que seules les dispositions du premier alinéa de l'article 809 du code de procédure civile soient susceptibles d'être invoquées en l'espèce, aucune situation d'urgence ne pouvant être rattachée à l'application d'un accord datant de plus de douze années ; le contenu de l'accord du 27 mai 2003 formant un tout (
), le requérant est fondé à solliciter une application entière de l'accord dont la non application de l'ensemble de ses dispositions apporte un trouble manifestement illicite aux intérêts de la profession qu'il représente et, par voie de conséquence, une application, en particulier, des dispositions de l'article 7.2 de l'accord se rapportant à la prise des « JR » (repos récupérateur) ; cette application, compte tenu de l'ancienneté de l'accord, se doit d'être immédiate, dès la signification de la présente décision ;
ALORS QU'un syndicat non signataire d'un accord d'entreprise dépourvu de force obligatoire au sein de l'entreprise en raison de l'absence de dépôt légal ou de commencement d'exécution dans l'entreprise, ne peut en solliciter l'exécution en se prévalant d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en retenant que le syndicat CGT, non signataire de l'accord d'entreprise du 27 mai 2003 qui n'avait pas fait l'objet d'un dépôt légal, était recevable à en solliciter l'exécution sans constater que cet accord, dont il était soutenu qu'aucune de ses dispositions n'avait été exécutée au sein de l'entreprise, ni par l'employeur, ni par les salariés, avait fait l'objet d'un commencement d'exécution lui donnant force obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1134 du code civil et L. 2261-1 du code du travail, ensemble les articles L. 2262-11 et L. 2132-3 du code du travail.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR enjoint à la société Transports Carpentier du Groupe Mauffrey de mettre en application les dispositions de l'article 7.2 de l'accord d'entreprise relatif à la durée du travail des conducteurs routiers signé par elle le 27 mai 2003 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE à titre subsidiaire, la société Transport Carpentier Groupe Mauffrey fait valoir, en troisième lieu, qu'il n'a pas été justifié que l'accord dont l'application est demandée aurait été déposé tant après de l'administration du travail (DIRECTE) que du conseil des prud'hommes, de telle sorte qu'il est inapplicable ; elle argue également du fait qu'une erreur affecte l'accord du 27 mai 2003 quant au temps de service qui inclut à tort jours fériés et congés payés ; toutefois, aucune de ces circonstance n'est de nature à s'opposer à l'application d'un accord qui a été signé par la société Transports Carpentier Groupe Mauffrey, dès lors que la sanction de la règle de dépôt n'est pas la nullité de l'acte dont la vocation à s'appliquer subsiste en vertu de l'article 1134 du code civil, quoiqu'il en soit des erreurs pouvant éventuellement l'affecter ; par ailleurs, il n'est pas allégué que l'accord du 23 juin 2003 aurait remis en cause celui du 27 mai, lequel n'a été dénoncé par l'appelante qu'à compter du 29 septembre 2015 avec préavis de trois mois sous réserve de la conclusion d'un nouvel accord à défaut duquel il ne prendrait fin qu'un an après expiration du préavis ; l'appelante soutient en dernier lieu, que le juge des référés s'est contredit en relevant tout à la fois que l'accord du 27 mai 2003 n'avait pas été appliqué pendant douze ans et que son défaut d'application constituait un trouble manifestement illicite, d'autant qu'il souligne que les conducteurs ne respectaient pas l'obligation prévue par l'article IV quant à l'usage du contrôlographe, à quoi s'ajoute le fait, selon l'appelante, que les conducteurs ne respectent pas les articles 3.2.1 et 3.2.2 de l'accord relatifs à la remise des disques et des feuilles de semaine ; toutefois, c'est sans ses contredire que le premier juge a pu considérer, d'une part, aux seules fins d'apprécier le fondement juridique de sa décision, que l'accord datant de plus de douze années, la condition d'urgence posée par l'article 808 du code de procédure civile n'était pas caractérisée, et d'autre part, retenir au regard des critères fixés par l'article 809 du même code, que l'absence d'application de l'accord par l'employeur qui s'y était engagé, pendant une durée aussi longue, constituait un trouble manifestement illicite ; par ailleurs, le premier juge a tenu compte de ce qu'il n'était pas contesté que les conducteurs eux-mêmes ne respectaient pas leurs obligations pour rejeter la demande d'astreinte, mais il ne saurait en être tiré la conséquence que le défaut d'application de l'accord ne constituerait pas un trouble illicite, dès lors que l'employeur disposait des moyens nécessaires à l'application de l'accord, y compris en faisant respecter, par les salariés, les obligations qui leur incombaient ; l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a enjoint à la société Transports Carpentier groupe Mauffrey de mettre en application de l'article 7.2 de l'accord du 27 mai 2003 ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE le présent référé se trouve formé au visa des dispositions des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; il apparaît cependant que seules les dispositions du premier alinéa de l'article 809 du code de procédure civile soient susceptibles d'être invoquées en l'espèce, aucune situation d'urgence ne pouvant être rattachée à l'application d'un accord datant de plus de douze années ; le contenu de l'accord du 27 mai 2003 formant un tout (
), le requérant est fondé à solliciter une application entière de l'accord dont la non application de l'ensemble de ses dispositions apporte un trouble manifestement illicite aux intérêts de la profession qu'il représente et, par voie de conséquence, une application, en particulier, des dispositions de l'article 7.2 de l'accord se rapportant à la prise des « JR » (repos récupérateur) ; cette application, compte tenu de l'ancienneté de l'accord, se doit d'être immédiate, dès la signification de la présente décision ;
1°) ALORS QUE ne saurait constituer un trouble manifestement illicite l'inexécution d'un accord d'entreprise n'ayant fait l'objet d'aucun dépôt légal et n'ayant jamais été exécuté au sein de l'entreprise ; qu'en retenant que l'inexécution de l'article 7.2 de l'accord d'entreprise du 27 mai 2003, qui n'avait pas fait l'objet d'un dépôt légal, constituait un trouble manifestement illicite, sans que l'inexécution de cet accord pendant plus de douze ans au sein de l'entreprise ne puisse lui enlever ce caractère, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile, ensemble l'article L. 2262-11 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'inexécution d'une obligation contractuelle ne saurait constituer un trouble manifestement illicite lorsque le contrat contenant des obligations interdépendantes à la charge des parties n'a jamais fait l'objet d'un commencement d'exécution ; qu'en retenant, après avoir relevé que l'accord d'entreprise du 27 mai 2003 avait vocation à s'appliquer en application de l'article 1134 du code civil, que l'absence d'exécution par les salariés conducteurs de leurs obligations résultant de l'accord d'entreprise n'était pas de nature à retirer à l'inexécution par l'employeur de l'article 7.2 dudit accord son caractère de trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR enjoint à la société Transports Carpentier du Groupe Mauffrey de mettre en application les dispositions de l'article 7.2 de l'accord d'entreprise relatif à la durée du travail des conducteurs routiers signé par elle le 27 mai 2003 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelante soutient en dernier lieu, que le juge des référés s'est contredit en relevant tout à la fois que l'accord du 27 mai 2003 n'avait pas été appliqué pendant douze ans et que son défaut d'application constituait un trouble manifestement illicite, d'autant qu'il souligne que les conducteurs ne respectaient pas l'obligation prévue par l'article IV quant à l'usage du contrôlographe, à quoi s'ajoute le fait, selon l'appelante, que les conducteurs ne respectent pas les articles 3.2.1 et 3.2.2 de l'accord relatifs à la remise des disques et des feuilles de semaine ; toutefois, c'est sans ses contredire que le premier juge a pu considérer, d'une part, aux seules fins d'apprécier le fondement juridique de sa décision, que l'accord datant de plus de douze années, la condition d'urgence posée par l'article 808 du code de procédure civile n'était pas caractérisée, et d'autre part, retenir au regard des critères fixés par l'article 809 du même code, que l'absence d'application de l'accord par l'employeur qui s'y était engagé, pendant une durée aussi longue, constituait un trouble manifestement illicite ; par ailleurs, le premier juge a tenu compte de ce qu'il n'était pas contesté que les conducteurs eux-mêmes ne respectaient pas leurs obligations pour rejeter la demande d'astreinte, mais il ne saurait en être tiré la conséquence que le défaut d'application de l'accord ne constituerait pas un trouble illicite, dès lors que l'employeur disposait des moyens nécessaires à l'application de l'accord, y compris en faisant respecter, par les salariés, les obligations qui leur incombaient ; l'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a enjoint à la société Transports Carpentier groupe Mauffrey de mettre en application de l'article 7.2 de l'accord du 27 mai 2003 ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE le présent référé se trouve formé au visa des dispositions des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; il apparaît cependant que seules les dispositions du premier alinéa de l'article 809 du code de procédure civile soient susceptibles d'être invoquées en l'espèce, aucune situation d'urgence ne pouvant être rattachée à l'application d'un accord datant de plus de douze années ; le contenu de l'accord du 27 mai 2003 formant un tout (
), le requérant est fondé à solliciter une application entière de l'accord dont la non application de l'ensemble de ses dispositions apporte un trouble manifestement illicite aux intérêts de la profession qu'il représente et, par voie de conséquence, une application, en particulier, des dispositions de l'article 7.2 de l'accord se rapportant à la prise des « JR » (repos récupérateur) ; cette application, compte tenu de l'ancienneté de l'accord, se doit d'être immédiate, dès la signification de la présente décision ;
ALORS QUE si le juge des référés peut ordonner l'exécution d'un accord d'entreprise qui, même dénoncé, continue à produire ses effets, il ne peut, sans excéder ses pouvoirs, ordonner cette exécution sans y fixer un terme certain ; qu'en ordonnant l'application de l'accord d'entreprise du 27 mai 2003 après avoir constaté que cet accord avait été régulièrement dénoncé par la société Transports Carpentier, sans fixer de terme certain à la mesure qu'elle ordonnait, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile.