SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10140 F
Pourvoi n° G 16-16.033
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Guy-Marie Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 23 février 2016 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Bernard Z..., domicilié [...] , en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Y... B...,
2°/ à la société Y... B..., société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , et domicilié chez son liquidateur judiciaire M. Bernard Z..., domicilié [...] ,
3°/ à l'UNEDIC-CGEA de Rennes, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. A..., conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. A..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli le contredit de la société Y... B..., dit que la juridiction prud'homale n'était pas compétente pour connaitre du litige l'opposant à M. Y... et renvoyé l'affaire au tribunal de commerce d'Angers ;
AUX MOTIFS QUE la recevabilité du contredit n'est pas contestée ; que l'article L.1411-1 du code du travail donne compétence à la juridiction prud'homale pour statuer sur les différends individuels qui peuvent s'élever entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient à l'occasion de tout contrat de travail ; que la qualité d'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas exclusive de celle de salarié. ; qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; que l''existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ;que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. Y..., qui n'exerçait pas de mandat social, est écrit ; qu'il a en outre été suivi de la délivrance chaque mois de bulletins de paie ; que ni l'existence d'une prestation de travail ni le paiement effectif d'une rémunération ne sont contestés ; que l'aveu judiciaire n'étant admissible que s'il porte sur des points de fait et non sur des points de droit, peu importent les termes de la lettre du conseil de la société selon laquelle les époux Y... manqueraient "à leurs obligations en qualité de salariés" ; que par ailleurs, la note de service de la gérante du 1er octobre 2012 prévoit notamment que Mme B... organise le planning journalier pour chaque salarié, gère les horaires de travail de chaque salarié, définit les tâches de chaque poste et organise des réunions à sa convenance ; que cette note, qui n'a pas été contresignée par M. Y..., appréciée à la lumière des autres pièces soumises à l'appréciation de la cour, s'analyse comme une tentative pour la gérante de droit d'exercer des pouvoirs d'employeur ; que la communication de ses horaires de travail par M. Y... n'a été réalisée que pour la période à compter du 1er octobre 2010 et dans des conditions manifestement empreintes d'une très vive tension, à en juger par les échanges entre les parties ; que c'est dans ces conditions que M. Y... a été licencié ; qu'en cet état, le licenciement étant le seul moyen pour la société de rompre le lien de droit l'unissant à M. Y..., la notification d'un licenciement pour faute grave est en soi insuffisante pour empêcher la constatation de l'inexistence d'un lien de subordination ;
Que pour rapporter la preuve de l'inexistence d'un lien de subordination entre les parties, la société produit essentiellement :
- le bail conclu entre la SCI des 4 moulins représentée par Mme Y..., bailleur, et M. Y..., preneur, portant sur un ensemble immobilier à usage de commerce d'articles funéraires, de bureaux et de garages situé ZA de la Gare, la Cigale à [...] et conclu le 1er octobre 2000 ; que cette adresse correspond à l'adresse personnelle des époux Y... ;
- l'acte de cession de fonds artisanal et de commerce conclu le 20 mars 2007 entre M. et Mme Y..., d'une part, et la société Y... B..., représentée par Mme B..., d'autre part, portant sur la cession du fonds artisanal et de commerce de taxi, transports publics routiers de personnes au moyen d'un seul véhicule, pompes funèbres, ventes de monuments et articles funéraires pour lequel Y... était immatriculé au registre du commerce et des sociétés ainsi qu'au répertoire des métiers, et exploité au [...] ; l'acte mentionnait en page 10 : "Exonération de la plus-value de cession du fonds artisanal et de commerce : La présente cession de fonds artisanal et de commerce remplit les conditions d'application de l'article 238 quindecies du Code Général des Impôts, ainsi qu'il est ci-dessous énoncé: le prix de vente est inférieur à 300.000 ; le cédant n'exerce pas de contrôle sur le cessionnaire puisqu'il ne détient pas plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux et n'assure pas la direction effective de l'entreprise cessionnaire " ;
- des pièces dont il résulte que M. Y... était le mandataire depuis le 6 juin 2007 du compte bancaire ouvert avec le libellé "taxi Maulevrais", au même titre que Mme B..., en était caution solidaire et était en outre le titulaire d'une "business card" au moyen de laquelle il a, à tout le moins durant les années 2008 à 2012, réglé des dépenses de carburant, hôtellerie, restauration et effectué des retraits ;
- un courrier adressé à la société Y... B... - M. Y... - par la société BouyguesTelecom le 8 août 2009 et confirmant la résiliation d'un contrat d'abonnement correspondant à diverses lignes téléphoniques ;
- divers bons de commande de véhicules signés de M. Y..., soit, le bon de commande d'un véhicule neuf Volkswagen Sharan d'une valeur de 36 039 €
TTC signe le 27 janvier 2011, un bon de commande de l'aménagement d'un véhicule funéraire pour un montant de 12 223,12 € TTC du 28 février 2012 ainsi qu'un bon de commande d'un véhicule d'occasion Mercedes-Benz d'un prix de 36 514 € TTC devant être mis à disposition en avril 2012 et paraphé "GMF"
- une déclaration de cession d'un véhicule Peugeot signée le 31 octobre 2011 pour l'acquéreur, les "pompes funèbres Y... B... " : "Y... Guy gérant" ;
- des factures, bons de commande ainsi que des contrats d'assurance automobile signés de M. Y... durant les années 2011 et 2012 ;
- un relevé de messages téléphoniques échangés sur un téléphone portable avec "Bernadette" le 15 octobre 2012 dont il résulte que les époux Y... avaient confié à leur conseil juridique les archives du dernier exercice tandis que la gérante réclamait les documents dont il s'agit ;
- des échanges entre les parties par mails : on note que M. Y... , en "tant qu'associé (...) exige" dans un mail du 27 octobre 2012 le retour d'un véhicule au siège social ainsi que la remise des clés de divers véhicules ;
- un courrier émanant de M. Y... en date du 19 novembre 2012 mentionnant que depuis la création de la société, les différents véhicules appartenant à celle-ci étaient stationnés gracieusement dans des garages lui appartenant et situés sur sa propriété ;
- une attestation de M. C..., gérant des pompes funèbres marbrerie C... à [...] (49), selon laquelle M. Y... "a toujours été le seul interlocuteur des pompes funèbres Y... de [...] avec lequel je travaillais depuis avril 2010. M. Y... gérait seul et prenait toutes les décisions (...). J'ai commencé à avoir des demandes d'intervention de Mme Sylvie B... dès décembre 2012" ;
Qu'il résulte de ces éléments que M. Y..., après la cession du fonds de commerce dont il était le propriétaire pour l'avoir créé 18 ans auparavant, a exercé une activité positive de gestion et de direction de la société Y... B... , engageant celle-ci et se comportant vis-à-vis des tiers, notamment des fournisseurs, comme le gérant de l'entreprise ; qu'il a ainsi continué à travailler en toute liberté et indépendance, de façon continue et régulière, hors d'un réel lien de subordination vis à vis de la gérante, laquelle était à l'époque la compagne de son fils ; qu'il est établi que dans les faits, pendant 5 années, la prestation de travail n'a pas été accomplie sous l'autorité de la gérante de droit de la société, laquelle n'avait pas le pouvoir - effectif - de donner des ordres et des directives et d'en contrôler l'exécution ; que dans ces conditions, il convient de retenir l'incompétence de la juridiction prud'homale, par voie d'infirmation du jugement et, par application des dispositions de l'article 86 du code de procédure civile, de renvoyer l'affaire au tribunal de commerce d'Angers ;
1°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'il résultait du contrat de travail de M. Y... dont il n'était pas contesté qu'il était effectivement exécuté, que le salarié exerçait des fonctions de chauffeur de taxi et d'employé pompes funèbres, suivant des modalités (article 2) une répartition de l'horaire de travail sur la semaine (article 4) et des directives de la société Y... B... (article 5) qui pouvaient varier en fonctions des nécessités de l'organisation de l'entreprise et que M. Y... s'engageait à respecter ; qu'il résultait des constatations de la cour d'appel qu'à la demande de Mme B..., M. Y... lui avait communiqué à compter du 1er octobre 2010, le détail de ses horaires de travail ; qu'il avait été contraint de se soumettre à une note de service du 1er octobre 2012 établie par les soins de Mme B..., suivant laquelle elle « organise le planning journalier pour chaque salarié, gère les horaires de travail de chaque salarié, définit les tâches de chaque poste et organise des réunions à sa convenance » et qu'à la suite du refus du salarié de signer cette note, Mme B... l'avait mis à pied à titre conservatoire le 31 octobre 2012 puis licencié pour faute grave le 30 novembre 2012 ; qu'en écartant l'existence d'un contrat de travail salarié quand il résultait de ses constatations que M. Y... était soumis aux directives de Mme B... dans l'exécution de ses prestations, dont elle contrôlait le respect et sanctionnait les éventuels manquements, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il s'évinçait que M. Y... accomplissait son travail dans un lien de subordination avec la société Y... B..., a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE constitue l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur le fait de sanctionner un salarié en raison de l'irrespect des règles et des directives quotidiennes qu'il lui a fixées dans le cadre de l'exécution de ses fonctions ; qu'en écartant l'existence d'un contrat de travail, au motif que le licenciement pour faute grave de M. Y... aurait été « le seul moyen pour la société de rompre le lien de droit l'unissant à M. Y... » quand il était motivé par son refus de se soumettre aux directives de Mme B... dans l'exécution de ses prestations et caractérisait ainsi la manifestation du pouvoir disciplinaire de l'employeur, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE dans l'hypothèse d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en invoque le caractère fictif d'en apporter la preuve ; qu'en reprochant à M. Y..., en dépit du constat des directives qui lui étaient données dans l'accomplissement de ses tâches et du pouvoir de sanction exercé par Mme B... à son endroit, de ne pas suffisamment établir l'existence d'un lien de subordination juridique quand, disposant d'un contrat de travail salarié, de bulletins de paie et d'une déclaration auprès de l'Urssaf en qualité salarié, il bénéficiait d'une présomption de salariat qu'il incombait à la seule société Y... B... de combattre en apportant la preuve contraire, la cour d'appel qui a méconnu la charge de la preuve a violé les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent retenir la qualité de gérant de fait d'une personne qui accomplit des actes positifs de gestion et de direction de la société, que s'il résulte de leurs constatations qu'elle a agi en toute liberté et en toute indépendance de la société en cause ; qu'en retenant que M. Y... aurait toujours été le gérant de fait de la société Y... B... au vu de la procuration dont il disposait sur un compte bancaire de la société, des bons de commandes qu'il avait signé de son propre nom et du fait qu'il était le seul interlocuteur connu des fournisseurs, sans avoir recherché si, comme M. Y... le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, il n'aurait pas accompli ces tâches à la demande et sous la subordination effective de Mme B..., laquelle lui avait retiré la procuration bancaire (production n°6), effectuait seule les règlements effectifs des commandes qu'il passait et lui avait demandé, dans l'exercice de ses fonctions « employé pompes funèbres » (production n°2), de demeurer l'interlocuteur privilégié des fournisseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légales au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°) ALORS QUE le statut d'associé ne se confond pas avec le statut de gérant ; qu'en retenant la qualité de gérant de fait de M. Y... au vu des informations qu'il détenait sur les comptes bancaires de la société, de la mise à dispositif de la société, à titre gratuit, d'un garage dont il était le propriétaire et de la demande faite à la gérante de droit que les biens mobiliers – les voitures – de la société demeurent localisés dans ses locaux, autant d'actes qui relevaient non pas d'une gestion mais d'un contrôle des actifs sociaux, la cour d'appel qui a confondu le statut de gérant et d'associé a violé par fausse application les articles L. 223-1 et suivants du code de commerce ;
6°) ALORS, à tout le moins, QUE la qualité de gérant minoritaire n'est pas exclusive de l'exercice d'une activité salariée, dès lors que le gérant exerce des fonctions techniques distinctes de son mandat social dans un lien de subordination juridique avec la société ; qu'en écartant la qualité de salarié de M. Y... au seul motif qu'il aurait été gérant de fait de la société Y... B... sans avoir recherché s'il n'aurait pas exercé ses fonctions techniques distinctes de « chauffeur de taxi » et « d'employé pompes funèbre », sous le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de Mme B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
7°) ALORS QU'après avoir retenu la qualité de gérant de fait de M. Y..., la cour d'appel qui a exclu l'existence d'un contrat de travail salarié en raison uniquement des liens familiaux qui l'unissait à Mme B..., sa belle-fille, a statué par un motif impropre à exclure l'existence d'un lien de subordination juridique entre eux et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail.