CIV.3
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10056 F
Pourvoi n° B 17-11.247
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Bernard X...,
2°/ Mme Raymonde Y..., épouse X...,
domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2016 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Joël Z..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de Marie-Madeleine A..., épouse Z...,
2°/ à Marie-Madeleine A..., épouse Z..., décédée,
3°/ à Mme Marie-Joelle Z..., domiciliée [...] ,
4°/ à Mme Eliane Z..., épouse B..., domiciliée [...] ,
5°/ à M. Christian Z..., domicilié [...] ,
pris tous trois en qualité d'héritiers de Marie-Madeleine A..., épouse Z...,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme C..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de M. et Mme X..., de Me D..., avocat des consorts Z..., ès qualités ;
Sur le rapport de Mme C..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer aux consorts Z..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision.
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le fonds X... supporte une servitude de passage au bénéfice du fonds Z... qui passe sur le chemin dit «[...]», ce afin de desservir leurs terres agricoles et accéder à la voie communale n° 26, dit que cette servitude n'est pas éteinte par le non-usage, dit en conséquence que Monsieur Bernard X... et Madame Raymonde Y..., son épouse, devront ôter tous obstacles empêchant le libre passage sur la voie ;
AUX MOTIFS QUE « Par acte du 19 janvier 2007 reçu par Maître Bernard E..., notaire à [...], Bernard F..., agriculteur, vendait à M. Bernard X... et Mme Raymonde Y... son épouse, retraités, une parcelle de terrain à bâtir en nature de vigne située lieudit Le [...]. Aucune mention n'est stipulée à cet acte, toutefois selon acte notarié du 3 février 1882 passé en l'étude de Maître François G..., notaire à [...] (pièce n° 3 Z...) portant vente entre de N... et F..., leur auteur, il est vendu : "Une pièce de terre nature de vigne sise lieu-dit [...] commune de [...] section de [...] de la contenance de quatre-vingt-douze ares environ, confrontant du levant à terre de [...] au couchant à terre de [...], de midi à chemin de [...] compris dans la vente mais grevé de passage au profit de H... et O...". Pour leur part, les consorts Z... sont propriétaires depuis le 28 et 30 juin 1956, selon acte passé devant Maître René I..., notaire à [...] (32), aux termes duquel Louis H..., agriculteur, a vendu, d'une part à François Z... et Marie J..., son épouse, l'usufruit de sa propriété, et d'autre part à M. Alfred Z..., époux de Mme Marie Madeleine A..., la nue-propriété d'un ensemble immobilier maison et parcelles situé [...] . Aucune mention n'est stipulée à cet acte. Les consorts Z... tirent de l'usage du terme "grevé" porté sur l'acte du 3 février 1882 l'existence d'un droit de passage donné au fonds H... et non à une personne. Le premier juge a estimé que les mentions portées sur le titre du 3 février 1882 ne pouvaient valoir création d'une servitude au sens de l'article 691 du Code civil pour ne pas remplir les conditions de l'article 637 du même code s'agissant à l'espèce d'un droit de passage accordé à une personne et non de l'octroi d'un droit réel au profit d'un fonds déterminé, sauf que c'est à raison que les consorts Z... soulèvent que le terme "grevé de passage" vaut titre recognitif de servitude de passage, pour être suffisamment clair de l'intention des parties, quand bien même par une rédaction approximative il n'y a pas été mentionné les fonds servants et les fonds dominants » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ; que la cour d'appel, pour retenir comme étant établie l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds appartenant aux consorts Z..., au respect de laquelle le fonds appartenant aux époux X... était tenu, en sa qualité de fonds servant, se contente d'énoncer qu'il résultait d'un acte du 3 février 1882, passé par les auteurs respectifs des parties en cause, que l'acte dont s'agit faisait état d' « une pièce de terre nature de vigne sise lieudit « [...] » commune de [...] section de [...] de la contenance de quatre-vingt-douze ares environ, confrontant du levant à terre de [...], au couchant à terre de [...], de midi à chemin de [...] compris dans la vente mais grevé de passage au profit de H... et O... », d'où elle a déduit l'existence d'une servitude de passage ; qu'en statuant de la sorte, quand la clause litigieuse ne faisait référence ni à une servitude, ni à un fonds dominant qui aurait été lui-même bénéficiaire du droit de passage, la cour d'appel a violé les articles 637 et 691 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE « Sur la prescription de l'usage de la servitude Selon l'article 707 du Code civil la prescription trentenaire : "commence à courir, selon les diverses espèces de servitude, ou du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues, ou du jour où il a été fait un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes continues". Les servitudes du fait de l'homme s'éteignent par le non-usage trentenaire, qu'elles soient continues ou discontinues. La charge de la preuve concernant la prescription extinctrice dépend de la nature de la servitude. Le droit de passage étant une servitude discontinue, il incombe au propriétaire du fonds dominant de rapporter la preuve qu'il a usé depuis moins de trente ans de la servitude qu'il revendique. Le point de départ du délai de la prescription extinctrice court à compter du jour du dernier acte de son exercice. La querelle est née dans les années [...] lors de l'achat par les époux X... de la propriété F..., Bernard F... attestera au bénéfice des époux X... et dira "il n'y a jamais eu de servitude et je n'ai jamais vu passer M. Z... sur le soi-disant passage". Les consorts Z... versent pour leur part aux débats une attestation de : - Jean-Claude K... en date du 2 novembre 2012, retraité, lequel indique "pendant plusieurs années, j'ai vendangé chez M. ET Mme Z... au [...] à [...]. Je peux attester avoir vu M. Z... utiliser le chemin "dit de [...]" pour amener la vendange au chai ou vers la cave coopérative" ; toutefois l'attestant n'indique pas la date des faits. Il complétera son attestation le 8 avril 2013 en précisant : "de 1970 à 1975, j'ai vendangé chez M. et Mme Z......, je peux attester avoir utilisé le chemin dit "[...]". - Roger L... en date du 13 octobre 2002, retraité, lequel indique : "à ma connaissance, la famille Z... a toujours utilisé le chemin de [...]. Travaillant chez eux, il m'est moi-même arrivé d'y passer à pied ou avec des engins agricoles". Il précisera dans son attestation du 2 avril 2013 avoir travaillé chez eux de 1968 à 1972. - Denise M... dans son attestation du 30 septembre 2013 ne dira pas autre chose, elle indique que lors des vendanges elle garait son véhicule dans le chemin. A l'évidence, les consorts Z... utilisent le chemin notamment lors des vendanges, ce que confirment les vendangeurs. Il convient de relever que selon mentions portées sur l'acte de vente du 19 janvier 2007, Bernard F... y est déclaré comme vivant au lieudit [...] et non au lieudit [...], ce qui affaibli l'attestation selon laquelle il n'a pas vu passer sur le chemin les consorts Z..., puisqu'il ne vit exactement au même endroit, que les contestations élevées par les consorts Z... dès l'arrivée des époux X..., lesquels ont planté une haie et barré l'accès à la voie publique, renforcent d'autant tant plus la preuve d'un passage régulier par les consorts Z... sur le chemin dit "[...]", de sorte que les consorts Z... ayant suffisamment démontré l'usage de la servitude depuis moins de 30 ans, cette dernière ne s'est pas prescrite par le non usage. Par suite, les époux X... devront laisser libre le passage, toutefois aucune astreinte ne sera prononcée faute de précision sur la nature des obstacles obstruant le passage » ;
ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans ; qu'il incombe au propriétaire du fonds dominant de démontrer que la servitude de passage, dont il n'a pas la possession actuelle, a été exercée depuis moins de trente ans ; qu'il doit donc faire état de faits d'usage de la servitude revendiquée datant de moins de trente ans à compter de son assignation ; qu'en l'espèce, pour retenir que la servitude litigieuse n'était pas atteinte par la prescription, la cour d'appel s'est fondée d'une part sur une attestation établissant que « de 1970 à 1975 » l'auteur de ladite attestation avait vendangé chez Monsieur et Madame Z... en utilisant le chemin litigieux, d'autre part, sur une autre attestation émanant d'une personne attestant avoir travaillé chez les époux Z... de 1968 à 1972 en utilisant le chemin litigieux, et enfin, sur une autre attestation dans laquelle son auteur n'indiquait pas à quelle date il aurait été conduit à utiliser le passage litigieux ; qu'en déduisant néanmoins de ces éléments l'absence de prescription extinctive, cependant qu'aucune de ces attestations ne faisait état de faits d'usage du passage survenus moins de trente ans avant l'assignation du 26 décembre 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706 du Code civil.