SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller le
plus ancien faisant fonction de président
Décision n° 10100 F
Pourvoi n° Z 16-24.765
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'association Les Ateliers du Val-de-Selle, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 août 2016 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à Mme Sophie X..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présents : Mme Farthouat-Danon, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association Les Ateliers du Val-de-Selle, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Les Ateliers du Val-de-Selle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Les Ateliers du Val-de-Selle à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision.
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'association Les Ateliers du Val-de-Selle.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Mme Sophie X... par l'association Ateliers du Val de Selle a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte et d'avoir condamné l'association à verser à Mme Sophie X... la somme de 17.211,60 € en application de l'article L. 1.226-15 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE le courrier du 6 juillet 2013 est libellé comme suit :
« Suivant avis d'inaptitude en date du 1er mars 2013, vous avez été déclarée inapte à votre poste d'animateur-soigneur-accompagnateur tourisme équestre par le Dr Z..., médecin du travail, ceci en ces termes :
« Inapte au poste d'accompagnateur tourisme équestre selon l'article R. 4.624-31 du code du travail.
Reclassement à envisager dans l'entreprise.
capacités restantes : tous postes ne nécessitant pas l'utilisation de machines dangereuses, le travail en force, le port de charges de plus de 5 kgs et les mouvements répétitifs de la main droite.
Un seul certificat car la reprise au poste entraînerait un danger immédiat pour la santé de la salariée.
L'intervention de l'Oeth peut être demandée pour l'accompagnement de la salariée : formation, bilan de compétence... »
Dans un premier temps et, en l'absence de poste disponible au sein de l'association, j'ai interrogé les membres du secteur équestre afin de leur soumettre la possibilité de procéder, sous réserve de l'accord de la médecine du travail, à une permutation entre votre poste de travail et l'un des leurs mais ceci sans qu'aucun des membres interrogés n'accepte cette solution.
Je vous ai par ailleurs proposé de bénéficier d'un bilan de compétences auprès de l'Oeth, vous demandant une réponse rapide afin de tenir compte des délais auxquels notre association était soumise en vue de rechercher une solution de reclassement.
Cependant et, outre le fait que vous avez répondu très tardivement à cette proposition, l'Oeth m'a entre-temps écrit afin de me préciser qu'elle était incompétente afin de rechercher un quelconque poste en vue de votre reclassement, notamment en l'absence de tout poste disponible en interne.
Dans ces conditions, je me suis rapproché à nouveau du Dr Z... afin de susciter de sa part des propositions de reclassement, laquelle m'a confirmé suivant courrier en date du 28 mars 2013 qu'aucun aménagement de votre poste n'était envisageable, sachant que «quel que soit l'aménagement réalisé, le poste resterait en inadéquation avec votre problème de santé ».
Nos délégués du personnel, interrogés par deux fois les 11 mars et 2 avril 2013 quant aux propositions qu'ils pourraient formuler en vue de votre reclassement, ont pour leur part conclu au fait qu'aucun reclassement n'était possible.
Toujours dans une logique visant à rechercher toutes solutions de reclassement possibles, je me suis rapproché de différentes sociétés tierces, ceci afin de recueillir de leur part la liste des postes qui seraient disponibles au sein de leur structure respective, et pouvant permettre d'envisager votre reclassement.
En retour, je n'ai cependant eu que des réponses négatives, tandis qu'aucun poste n'est disponible au sein de notre structure en vue de votre reclassement.
Dans ces conditions, votre reclassement et, par-là même, le maintien de votre contrat de travail, s'avère impossible et je me vois contraint de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude, licenciement qui prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre à votre domicile. »
Quand bien même il reposerait sur une inaptitude physique d'origine professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement ne sera légitime que pour autant que l'employeur aura préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par l'article L. 1.226-10 du code du travail, dont il résulte que :
« Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ».
Ainsi définie, l'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté.
Il résulte en l'espèce des pièces produites par l'association Ateliers du Val de Selle qu'elle a adressé des demandes externes de postes de reclassement auprès de Décathlon, d'Esat, auprès de la Communauté de communes du canton de Conty, de la Sellerie Nortier, des Comptoirs de la Tour.
Elle a également interrogé le comité de pilotage de sa structure sur de possibles permutations de poste entre Mme Sophie X... et un salarié.
Elle soutient qu'en interne aucun poste n'était disponible et indique en justifier en produisant un état d'entrée et de sortie de 5 salariés entre le 1er janvier et le 19 septembre 2013, ainsi que leur contrat de travail.
Il sera relevé que cet état ne constitue pas un registre d'entrée et de sortie du personnel suffisant en ce qu'il n'est ainsi pas justifié de la composition de l'intégralité du personnel de l'association Ateliers du Val de Selle, de l'absence de poste vacant ou de recrutement à l'époque du licenciement sur des postes susceptibles de répondre aux préconisations du médecin du travail alors que la salariée, aux termes de ses écritures, soutient qu'elle aurait pu être reclassée sur un poste en cuisine, mais également dans la restauration, la ferme pédagogique, l'accueil, ainsi qu'elle l'indique dans un courrier reçu le 18 mars 2013 par l'association Ateliers du Val de Selle qui le verse aux débats.
Ainsi, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux autres moyens et arguments invoqués par Mme Sophie X... au soutien de sa seule demande au titre d'un licenciement illégitime, il sera désormais constaté que son licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte.
Par application de l'article L. 1226-15 du code du travail, la salariée qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaires.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'employeur n'a pas l'obligation d'assurer au salarié déclaré inapte une formation à un métier différent du sien ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Mme X... prétendait qu' « il existait des postes disponibles en cuisine qui auraient pu être proposés à Mme X..., au besoin en les accompagnant d'une formation » (conclusions d'appel de Mme X..., p. 8, alinéa 4) et qu'il s'agissait dès lors d'un moyen inopérant ; que la Cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur le véritable moyen soulevé par Mme X..., a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le juge qui soulève un moyen mélangé de fait et de droit nouveau, doit inviter les parties à s'expliquer contradictoirement à cet égard ; qu'en l'espèce, en évoquant d'office une possibilité prétendue de reclassement « dans la restauration, la ferme pédagogique, l'accueil, ainsi que (Mme X...) l'indique dans un courrier reçu le 18 mars 2013 par l'association Ateliers du Val de Selle qui le verse aux débats », mais qui n'était nullement invoquée par Mme X... dans ses écritures, la Cour d'appel a soulevé un moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, supposant l'existence prétendue de postes disponibles et susceptibles de convenir aux préconisations médicales du médecin du travail au sujet de l'inaptitude de Mme X... ; que, faute d'inviter au préalable les parties à s'expliquer contradictoirement sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, dans ses conclusions d'appel, après avoir décrit de façon précise la composition de son personnel (p. 3), l'association Ateliers du Val de Selle a notamment fait valoir qu'à la suite du courrier de Mme X... en date du 16 mars 2013, reçu le 18, elle avait interrogé à nouveau le médecin du travail sur les possibilités de reclassement de la salariée (p. 15) et en a cité intégralement la réponse en date du 28 mars 2013 concluant notamment que « quel que soit l'aménagement réalisé, le poste resterait en inadéquation avec le problème de santé de la salariée » (p. 16) ; que, par ailleurs, l'extrait du livre d'entrées et de sorties du personnel, produit à l'appui de ses écritures, concernant l'année 2013, année du licenciement de Mme X..., fait ressortir : d'une part, l'emploi, par contrat à durée déterminée et à temps partiel de salariés dont les tâches supposaient un diplôme d'enseignement dont ne disposait pas Mme X... (M. Sylvain A..., employé comme « instructeur » pendant une période d'essai du 17 juin 2013 au 4 août 2013 ;
M. Thibault B... et Mme Isabelle C..., embauchés les 17 septembre et 19 septembre 2013, en qualité de « formateurs », le 1er pour neuf mois à raison de 10 heures par semaines et la seconde pour neuf mois à raison de trois heures par semaine) ; d'autre part, l'embauche de salariées exerçant précisément les tâches pour lesquelles Mme X... a été déclarée inapte (Mme Agnès D..., employée en qualité d' « animatrice formation » pendant une période de deux mois du 11 janvier 2013 au 15 mars 2013 ; Mme Alexandra E..., engagée par un contrat d'avenir de 36 mois du 16 juillet 2013 au 15 juillet 2016, à raison de 20 heures par semaine, en qualité d' « animateur en centre équestre ») ; que la Cour d'appel qui a affirmé que l'association Ateliers du Val de Selle ne justifiait pas de la composition de son personnel et ne justifiait pas de l'absence de poste vacant susceptible de convenir à Mme X..., sans s'expliquer sur ces éléments de nature à établir l'absence de tout poste vacant susceptible de convenir à Mme X... à raison de son inaptitude et, par suite, l'impossibilité de reclassement de Mme X... en interne, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par le médecin du travail sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ; qu'il en est de même des précisions apportées par l'enquête de l'inspecteur du travail sur recours du salarié contre la décision d'inaptitude du médecin du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur les préconisations du Dr Z..., médecin du travail, exprimées par courrier du 28 mars 2013 à la demande de l'association Ateliers du Val de Selle, ni sur les conclusions de l'inspecteur du travail à l'appui de sa décision du 3 juin 2013 confirmant l'inaptitude de Mme X... déclarée par le médecin du travail et précisant avoir constaté l'impossibilité de reclassement en interne, a privé à nouveau sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-15 du code du travail.