LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 462 du code de procédure civile ;
Attendu que, si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations des parties ;
Attendu, selon le jugement attaqué et les productions, que, par jugement du 15 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Versailles a condamné la société Mister Tea à verser à Mme Z... la somme de 31 663,33 euros à titre de rappel de salaire, heures supplémentaires comprises, pour la période ayant couru à compter du 1er janvier 2013, et une somme de 3 166,33 euros au titre des congés payés afférents ; que la société Mister Tea a présenté une requête en rectification d'erreur matérielle, en invoquant une erreur commise dans le jugement s'agissant du montant de la rémunération mensuelle et la surévaluation subséquente du rappel de salaire accordé ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande et condamner la société Mister Tea à payer à Mme Z... les sommes de 16 286,28 euros au lieu de 31 663,33 euros à titre de rappel de salaire et 1 628,62 euros au lieu de 3 166,33 euros au titre des congés payés afférents, le jugement retient que, dans le dispositif de son jugement du 15 mars 2016, le conseil de prud'hommes a dit que la qualification de la salariée est de niveau 5, échelon 2, de la convention collective des cinq branches industries alimentaires diverses à partir du 1er janvier 2013 et fixé la moyenne des salaires à 2 000 euros, que sur la base d'un salaire de 2 000 euros et non de 2 535,01 euros, le calcul aurait dû être le suivant : pour les mois de janvier à novembre 2013 réel versé : 11 mois x 1 440,87 euros de salaire + 11 mois x 257,31 euros au titre des heures supplémentaires (21 h 66 par mois) = 18 679,98 euros, salaire à plein temps dû : 11 mois x 2 000 euros = 22 000 euros heures supplémentaires dues (21 h 66 par mois) 11 mois x 21 h 66 x (2 000 euros / 151 h 67 x 1.25 = 3 927,27 euros, soit à payer 22 000 euros + 3 927,27 euros - 18 679,98 euros = 7 247,29 euros, pour le mois de décembre 2013 réel versé : (99 h normales et 5 h supplémentaires réalisées) = 784 euros, salaire dû (sur la base de 99 h normales et 6 h supplémentaires) : (99 h x 2 000 euros / 151,67) + (6 h x 2 000 euros / 151 h 67 x 1,25) = 1 405,29, soit à payer 1 387,88 euros - 784 euros = 621,29 euros, pour le mois de janvier 2014 réel versé : 1 445,52 euros en salaire + 258,02 euros au titre des heures supplémentaires pour 21 h 66 = 1 703,44 euros, salaire temps plein dû : 2 000 euros, heures supplémentaires dues 21 h 66 x 2 000 euros / 151,67 x 1,25 = 357,02 euros, soit à payer : 2 000 euros + 357,02 euros - 1 703,44 euros = 653,58 euros, pour les mois de février 2014 à mars 2015 réel versé : 14 mois x 1 445,42 euros de salaire = 20 235,88 euros, salaire temps plein dû : 14 mois x 2 000 euros = 28 000 euros, soit à payer : 28 000 euros - 20 235,88 euros = 7 764,12 euros soit une somme totale de 16 286,28 euros et 1 628,62 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;
Qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes qui, sous le couvert de la rectification d'une erreur matérielle, a procédé à une nouvelle appréciation des éléments de la cause et a modifié les droits et obligations des parties, a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la requête de la société Mister Tea tendant à la rectification du jugement rendu le 15 mars 2016 par le conseil de prud'hommes de Versailles ;
Condamne la société Mister Tea devenue Misterbean aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mister Tea devenue Misterbean et la condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme Y... épouse Z...
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rectifié le jugement du Conseil de prud'hommes de Versailles du 15 mars 2016 en ce qu'il avait condamné la société MISTER TEA à verser à Mme Z... les sommes de 31.663,33 euros à titre de rappel de salaire, heures supplémentaires comprises, à compter du 1er janvier 2013 et de 3.166,33 euros au titre des congés payés y afférents et dit que ces sommes sont remplacées par celles, respectivement de 16.286,28 euros et 1.628,62 euros ;
Aux motifs que « Le jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 15 mars 2016 par la section Industrie du Conseil de prud'hommes de Versailles en premier ressort a condamné la SARL MISTER TEA à verser à Madame Krystyna Z... la somme de 31.633,33 euros à titre de rappel de salaires, heures supplémentaires compris à partir de janvier 2013 et 3.166,33 euros à titre de congés payés y afférents, et a ordonné la remise des bulletins de paie conformes à la présente décision à partir du 1er janvier 2013, le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation Pôle Emploi, outre les condamnations n'ayant pas fait l'objet d'une rectification d'erreur matérielle, il a assorti sa décision de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de la SARL MISTER TEA.
Il s'en suit que l'ensemble de la décision est exécutoire et que l'erreur matérielle porte un préjudice avérée à la partie défenderesse.
Concernant le positionnement de Madame Z... dans la classification de la convention collective, le conseil motivait sa décision de la façon suivante (page 18 du jugement) :
« Attendu que dans le chapitre 5 de la convention collective des cinq branches industries alimentaires diverses, à l'article 5.8, il est mentionné les critères qui définissent le niveau hiérarchique, par des degrés de 1 à 9 en termes de connaissance requises ou expérience équivalente, de technicité et de complexité, d'initiative et d'autonomie de responsabilité, d'animation, d'encadrement et de communication, que la somme de ces degrés définissent les points qui se traduisent en niveau et échelon.
Attendu que Madame Krystyna Z... a suffisamment acquis de l'expérience et d'autonomie dans le magasin, en étant dévouée et en ayant une capacité de gestion pour faire vivre la boutique sans pour autant avoir la capacité d'entreprendre et d'avoir un influence sur le résultat du magasin, qu'ainsi le niveau 5, échelon 2 correspond aux critères définis par l'article 5.8, avec un salaire mensuel moyen de 2.000 euros » ;
Dans le « Par ces motifs », le Conseil statuait ainsi (page 23 du jugement) :
« Fixe la moyenne des salaires à 2.000 euros, Dit que la qualification de Madame Krystyna Z... est du niveau 5, échelon 2 de la convention collective des cinq branches industries alimentaires diverses à partir du 1er janvier 2013 » ;
Concernant la demande de requalification en temps plein et le paiement d'heures supplémentaires, le Conseil motivait sa décision de la façon suivante (page 18 et 19 du jugement) :
« Attendu que pour la période antérieure au 1er janvier 2013, les heures effectuées par Madame Krystyna Z... correspondent aux feuilles de paie et que les heures supplémentaires lui ont été réglées.
Attendu qu'à compter du 1er janvier 2013, Madame Krystyna Z... effectuait 173h20 et que sur la même période elle effectuait des heures supplémentaires non payées, alors qu'elle a été payée sur la base de 151h67, cela représente au total 31.663,33 euros auxquels se rajoutent 3.166,33 euros de congés payés afférents, que pour l'ensemble de ces considérations, Madame Krystyna Z... est fondée en sa demande de rappel de salaires, dont le conseil a calculé le montant à 31.663,33 euros et 3.166,33 euros de congés payés afférents et requalifie au niveau 5 échelon 2 de la convention collective des cinq branches industries alimentaires diverses, avec un salaire mensuel de 2.000 euros » ;
Dans le « Par ces motifs », le Conseil condamnait la SARL MISTER TEA à payer à Madame Krystyna Z... (page 23 et 24 du jugement) :
31.663,33 euros à titre de rappel de salaires (heures supplémentaires compris) à partir du 1er janvier 2013 et 3.166,33 euros de congés payés afférents ;
Sur la base d'un salaire de 2.000 euros et non de 2.535,01 euros, le calcul aurait dû être le suivant :
Pour le mois de janvier à novembre 2013 :
- Réel versé : 11 mois x 1.440,878 € de salaire + 11 mois x 257,31 euros au titre des heures supplémentaires (21h66 par mois) = 18.679,98 €.
- Salaire à temps plein dû : 11 mois x 2.000 € = 22.000 €.
- Heures supplémentaires dues (21h66 par mois) : 11 mois x 21h66 x (2.000 €/151h67 x 1,25) = 3.927,27 €.
Soit à payer 22.000 € + 3.927,27 – 18.679,98 € = 7.247,29 €.
Pour le mois de décembre 2013 :
- Réel versé (99h00 normales et 5h00 supplémentaires réalisées) = 784 €.
- Salaire dû (sur la base de 99h00 normales et 6h00 supplémentaires) : (99h00 x 2.000 €/151h67) + (6h00 x 2.000 €/151,67 x 1,25) = 1.405,29 €
Soit à payer : 1.387,88 € - 784 € = 621,29 €.
Pour le mois de janvier 2014 :
- Réel versé : 1.445,52 € en salaire + 258,02 € au titre des heures supplémentaires pour 21h66 = 1.703,44 €.
- Salaire temps plein dû : 2.000 €.
- Heures supplémentaires dues : 21h66 x 2.000 €/151h67 x 1.25 = 357,02 €.
Soit à payer : 2.000 € + 357,02 €- 1.703,44 € = 653,58 €.
Pour les mois de février 2014 à mars 2015 :
- Réel versé : 14 mois x 1.445,42 € de salaire = 20.235,88 €
- Salaire temps plein dû : 14 mois x 2.000 € = 28.000 €.
Soit à payer : 28.000 € - 20.235,88 € = 7.764,12 €, soit une somme totale de 16.286,28 € et 1.628,62 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaires.
En conséquence, le jugement visé comportant dans sa partie « discussion » (pages 18 et 19 du jugement), mention que « pour l'ensemble de ces considérations, Madame Krystyna Z... est fondée en sa demande de rappel de salaire, dont le Conseil a calculé le montant à 31.663,33 € et 3.166,33 € de congés payés afférents », il convient de rectifier le jugement intervenu le 15 mars 2016 en mentionnant dans la discussion et dans le dispositif, la condamnation de la SARL MISTER TEA à verser à Madame Krystyna Z... la somme de 16.286,28 € à titre de rappel de salaires à compter de janvier 2013 et 1.628,62 € à titre de congés payés y afférents » ;
Alors que, si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en décidant, en l'espèce, que le rappel de rémunération, heures supplémentaires comprises à compter du 1er janvier 2013, dû à la salariée s'élève à la somme de 16.286,28 euros et les congés payés y afférents à la somme de 1.628,62 euros, au lieu des sommes respectives de 31.663,33 euros et de 3.166,33 euros, le conseil de prud'hommes a procédé à un nouveau calcul du rappel de salaire en tenant compte d'un nombre d'heures de travail réalisées par la salariée qui ne ressortait pas de la décision rectifiée, sur la base d'un salaire mensuel différent, procédant à une nouvelle appréciation des éléments de la cause et modifiant ainsi les droits et obligations reconnus aux parties par le jugement rectifié, en violation de l'article 462 du code de procédure civile.