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31/01/2018 | FRANCE | N°16-22.323

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 31 janvier 2018, 16-22.323


SOC.

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 janvier 2018




Rejet non spécialement motivé


Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10116 F

Pourvoi n° V 16-22.323







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la soc

iété Sporting Club Bastia, société anonyme, dont le siège est [...]                             ,

contre l'arrêt rendu le 15 juin 2016 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), da...

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 janvier 2018

Rejet non spécialement motivé

Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10116 F

Pourvoi n° V 16-22.323

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Sporting Club Bastia, société anonyme, dont le siège est [...]                             ,

contre l'arrêt rendu le 15 juin 2016 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Medhi Y..., domicilié [...]                       ,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 décembre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Sporting Club Bastia, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. Y... ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sporting Club Bastia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sporting Club Bastia à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Sporting Club Bastia

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la rupture du contrat de travail de M. Y... n'est pas fondée sur une faute grave et d'avoir en conséquence condamné la société SPORTING CLUB de BASTIA au paiement des sommes de 96.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 1243-4 du code du travail, de 14.693,16 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire avec incidence de congés payés, outre une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que « Par application de l'article L. 1243-1 du Code du Travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure, ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, M. Y... a été licencié pour les motifs suivants : « agression physique volontaire d'un supporter à l'issue d'un match de Coupe de France Marignane/ SC Bastia le 22 novembre 2009. Il s'agit d'un comportement inacceptable et prohibé par la Charte du Football Professionnel à laquelle vous avez pourtant adhéré... » (...) « Votre attitude rend impossible la poursuite de votre activité professionnelle sans mettre en péril la sérénité du club ».

Il convient de rappeler que c'est à l'employeur qu'il incombe de rapporter la preuve de la faute grave.

Pour établir les faits qu'il reproche à son joueur, le Sporting Club de Bastia produit la plainte déposée le 22 novembre 2009 à 19H10, par Bastien A... âgé de 17 ans, supporter du SC BASTIA, qui déclare : « Après le match, on avait le droit d'aller devant les vestiaires et on a fait comprendre notre mécontentement suite au résultat de notre équipe. Le joueur Medhi Y... est sorti le premier et s'en est pris à un supporter, il l'a frappé, moi je me suis mis au milieu pour séparer et à la suite de ça, il m'a dit « qu'est-ce que tu viens faire là » et il m'a frappé, il m'a mis un coup de poing sur le visage pommette gauche. Un autre joueur s'est également battu avec des supporters, il s'agit de Salim B.... Ensuite, la sécurité est intervenue ».

Le certificat médical de M. A... fait état de « douleurs cervicales dans toutes les amplitudes, raideur antalgique de la nuque, se déplace en bloc, hématome + oedème péri-orbitaire gauche, choc émotionnel ». Une ITT de deux jours a été retenue.

Le Club n'indique pas quelle a été la suite donnée à cette plainte déposée à Aix-en-Provence, de sorte qu'il y a lieu de penser qu'il n'y a pas eu de poursuites pénales.

Les éléments d'enquête éventuels ne sont pas davantage produits.

On ne dispose notamment ni de l'audition ni même d'une attestation de l'autre supporter évoqué par M. A... auquel M. Y... s'en serait pris en premier, ni de celle du joueur Salim B....

Le Sporting Club de Bastia produit l'attestation de M. Jérôme C..., aux termes de laquelle Medhi Y... « s'en est ouvertement pris à un jeune supporter en lui assenant un coup de poing, alors même que ce jeune n'avait affiché aucun signe de violence ni même d'agressivité physique ou verbale ». M. C... est cependant salarié du club, ce qui n'invalide pas son attestation, mais doit conduire à en apprécier la valeur probante avec prudence.

Or ce témoignage interne à l'entreprise est le seul élément qui vienne appuyer la plainte du supporter A....

M. Y... conteste cette version des faits, et soutient qu'il a reçu des insultes, dont certaines à caractère raciste, et des menaces, de la part de 4 supporters qui se trouvaient devant les vestiaires, et que lorsqu'il s'est approché d'eux pour leur demander des explications, il a reçu des coups, auxquels il a riposté par d'autres coups. C'est du moins ce qu'il affirme dans la plainte qu'il a déposée à Bastia le 23 novembre 2009. Il produit un certificat médical du 24 novembre 2009, faisant état d'un traumatisme du coude gauche sur le plan clinique, avec traumatisme psychologique à type d'angoisse et d'insomnie. Une ITT de 3 jours a été notée par le médecin.

Ses propos sont corroborés par les attestations de deux témoins, M. Halim D..., et M. Tayeb E..., qui précisent qu'avant l'échange de coups, M. Y... s'est fait traiter de « sale arabe », et s'est entendu dire « va ramasser les clémentines » « tu vas finir dans un cercueil ».

Mais surtout, la police municipale de Marignane qui se trouvait le 22 novembre 2009 en poste rue du Stade, lorsqu'elle a été appelée par le président du club de Marignane, lui signalant des troubles entre les supporters et l'équipe de Bastia, a établi un rapport.

Ce rapport mentionne que « les supporters sont entrés dans le vestiaire, et après des insultes en viennent aux mains. Des coups sont échangés entre les protagonistes, et à notre arrivée, les supporters se dirigent vers l'extérieur de l'enceinte du stade, en continuant à insulter les joueurs. Nous prenons position entre les parties, et faisons évacuer les joueurs par une sortie éloignée des supporters. Ceux-ci essaient de revenir vers le bus des joueurs en les insultant encore une fois, et stoppent devant nos effectifs qui s'interposent. Faisons quitter les lieux au bus des joueurs de Bastia, en l'escortant pour faire cesser les troubles ».

Le rapport donne ensuite une description physique des deux supporters les plus virulents, suite à la demande qui lui a été faite par le Service Départemental d'Information de Corse (renseignements généraux) : « un jeune homme d'environ une vingtaine d'année, 1,70 m, de type européen, (...) et un autre d'une trentaine d'année, 1M60, pas de cheveux de type européen ».

Il résulte de ce rapport de la police municipale que les supporters étaient particulièrement virulents, et insultant. Par ailleurs les policiers municipaux ne décrivent pas d'agression physique par un joueur du club de Bastia.

Ainsi, en l'état des éléments contradictoires produits de part et d'autre, la réalité des faits reprochés à l'appelant dans la lettre de licenciement, à savoir l'agression physique volontaire d'un supporter, n'est pas établie de façon certaine par les pièces du dossier.

A cet égard, la sanction sportive prononcée à l'encontre de Medhi Y... en octobre 2012, soit 3 ans plus tard, pour une bagarre sur le terrain, ne peut être prise en compte pour apprécier la réalité et la gravité des faits du 22 novembre 2009.

Par ailleurs, si aux termes de l'article 129 des Règlements Généraux de la Fédération Française de Football, le club recevant a la responsabilité de l'organisation matérielle du match, de la police du terrain, et des désordres qui pourraient résulter avant, pendant, ou après le match du fait de l'attitude du public, des joueurs, et des dirigeants, le club visiteur est responsable des désordres causés par ses joueurs, dirigeants, et supporters.

D'autre part, ces règles ne font pas disparaître l'obligation de sécurité qui pèse sur chaque employeur à l'égard de ses salariés, qui même si elle doit être appréciée de façon atténuée, subsiste en cas de déplacement pour un match à l'extérieur.

Or l'échange de coups a été précédé d'insultes et de menaces par des supporters manifestement très énervés qui avaient pu librement se poster sinon dans les vestiaires, du moins à l'entrée de ceux-ci.

Même en considérant que Medhi Y... a porté un coup à Bastien A..., les quelques éléments de preuve apportés de part et d'autre sur les circonstances dans lesquelles il a fait ce geste ne permettent pas de considérer cet acte comme rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Les faits ne pouvant être qualifiés de faute grave, il convient de condamner la SA SPORTING CLUB DE BASTIA à payer à Medhi Y... en application de l'article L. 1243-4 du Code du Travail, des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

Il convient d'évaluer cette somme à 96.000 euros, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire net était de 15.934 euros, et qu'à la date du licenciement, soit le 23 décembre 2009, seuls 6 mois de salaire restaient dus, puisque le contrat courrait jusqu'au 30 juin 2010 (total de 95.604 euros).

Il convient également de condamner le SC BASTIA à payer à M. Y... la somme de 14.693,16 euros bruts, au titre du salaire de décembre 2009 correspondant à la durée de la mise à pied conservatoire qui n'était pas justifiée, et les congés payés afférents à ce mois de salaire, soit la somme de 1.469,93 euros bruts.

M. Y... ne justifie pas d'un préjudice moral qui justifierait une indemnisation supplémentaire et distincte de celle qui lui a été allouée au titre de la rupture prématurée du contrat.

Par ailleurs, le préjudice de carrière qu'il allègue, consistant à n'avoir pas pu être sélectionné en équipe nationale algérienne parce qu'il ne jouait plus en club, et d'avoir de ce fait été empêché de participer à la Coupe du Monde 2010 n'est qu'hypothétique : Il n'est pas certain que même s'il avait continué à jouer à Bastia, il aurait été sélectionné dans son équipe nationale, puisque les critères de choix sont d'abord ceux de la performance sportive, et que même dans le cas, il l'aurait été pour participer à la Coupe du Monde.

Il sera également débouté de sa demande de ce chef.

Partie perdante, le Sporting Club de Bastia devra supporter les dépens d'appel et de première instance.

Il n'est pas inéquitable de condamner le Sporting Club de Bastia, partie tenue aux dépens, à payer à M. Y... la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;

Alors que le salarié admettait expressément, dans ses conclusions d'appel, être l'auteur de violences physiques à l'encontre, au moins, d'un supporteur du SPORTING CLUB de BASTIA, écrivant « que pour se défendre, M. Y... a été contraint de faire usage de la force, étant seul face à plusieurs supporteurs particulièrement violents » (p. 3 de ses conclusions), qu'il « n'a en aucun cas agressé gratuitement un supporteur, mais a uniquement tenté de se défendre » (p. 13), qu'il « n'a usé que de la force strictement nécessaire pour se défendre » (p. 14) et se contentait d'invoquer « l'excuse de provocation » (p. 8 de ses conclusions d'appel) pour tenter de dénier le caractère de gravité aux faits qu'il avait commis ; qu'après avoir relevé que M. Y... a reçu des coups, auxquels il a répondu par d'autres coups, la cour d'appel a cependant considéré que l'agression physique volontaire d'un supporteur n'est pas établie de façon certaine et, ce faisant, a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors, en outre, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motif ; qu'en relevant tout à la fois, d'une part, qu'il ressort de la plainte déposée par le salarié le 23 novembre 2009 qu'il a porté des coups lors d'une altercation avec des supporteurs le 22 novembre 2009, et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que le salarié a agressé physiquement un supporteur, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, en tout état de cause, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que constituent une telle faute les violences physiques au temps et au lieu du travail de la part d'un salarié, nonobstant les provocations qu'il a pu subir ; qu'en retenant que l'échange de coups a été précédé d'insultes et de menaces par des supporters qui avaient pu librement se poster sinon dans les vestiaires, du moins à l'entrée de ceux-ci, pour dénuer tout caractère de gravité à la faute du salarié qui a asséné un coup à un jeune supporteur, la Cour d'appel a violé l'article L. 1243-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 16-22.323
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 31 jan. 2018, pourvoi n°16-22.323, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22.323
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