SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10113 F
Pourvoi n° Z 16-17.497
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Céline Y..., domiciliée [...]                                               ,
contre l'arrêt rendu le 18 mars 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre B), dans le litige l'opposant à la société JBM, société civile de moyens, dont le siège est [...]                                ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 décembre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Y..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société JBM ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par le président et Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande tendant au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et des congés payés y afférents.
AUX MOTIFS QU'en droit, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'au soutien de sa demande tendant à obtenir la somme de 614,07 € correspondant à un rappel d'heures supplémentaires de 11 heures au titre de l'année 2010 et de 33 heures au titre de l'année 2011, la salariée produit deux tableaux qu'elle a établi mentionnant les heures supplémentaires effectuées, les heures récupérées et les majorations dues, en 2010 et 2011, sans préciser les horaires effectivement réalisés ; que ces documents n'apparaissent pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée qui a débouté la salariée de sa demande de rappel d'heures supplémentaires.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'il ressort des pièces fournies aux débats que les secrétaires du cabinet SCM JBM avaient une large autonomie en matière d'organisation de leur temps de travail ; que les employeurs n'imposaient donc pas, de manière obligatoire, d'effectuer des heures supplémentaires ; que la concluante sera donc déboutée de sa demande.
ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme Y... produisait à l'appui de sa demande deux tableaux mentionnant les heures supplémentaires effectuées, les heures récupérées et les majorations dues, en 2010 et 2011 ; qu'en déboutant Mme Y... de ses demandes de ce chef sans exiger de l'employeur qu'il justifie les horaires effectivement réalisés par lui, la cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du code du travail.
ET ALORS QU'en se fondant éventuellement sur les motifs du jugement tirés de ce que Mme Y... aurait eu une large autonomie en matière d'organisation de son temps de travail et de ce que les employeurs n'imposaient donc pas, de manière obligatoire, d'effectuer des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 3111-10 et suivants du code du travail
QUE, ce faisant, en ne recherchant pas si les heures accomplies l'avaient été avec l'accord ou du moins la connaissance de l'employeur, elle a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions
QUE de surcroît, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à dire, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu'il ressort des pièces fournies aux débats que Mme Y... aurait eu une large autonomie en matière d'organisation de son temps de travail pour en déduire que les employeurs n'imposaient donc pas, de manière obligatoire, d'effectuer des heures supplémentaires, la cour d'appel qui n'a pas précisé les pièces dont elle entendait tirer de telles conclusions n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes tendant au paiement d'un rappel de rémunération, des congés payés y afférents.
AUX MOTIFS QUE l'article 1184 du code civil permet à l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique d'en demander la résolution judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat ; que les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante ; qu'au soutien de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, la salariée invoque une inégalité de traitement entre elle-même et sa collègue, Mlle Vanessa A... ; qu'il résulte du principe "à travail égal, salaire égal", dont s'inspirent des articles L.1242-14, L.1242 -15, L.2261-9, L.2271-1 et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'en application de l'article L.1134-1 du code du travail, s'il appartient au salarié, qui invoque une atteinte à ce principe, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, l'employeur est une société civile de moyens qui regroupe cinq kinésithérapeutes au sein d'un centre de rééducation fonctionnel ; qu'à compter du mois de mars 2009, les tâches administratives et de secrétariat ont été gérées par la salariée et Mlle Vanessa A... ; que la différence de rémunération entre ces deux employées est incontestable, dans la mesure où la salariée percevait un salaire mensuel brut de 1 486,37 €, alors que le salaire mensuel brut de Mlle A... s'élevait à 1 788,72 € ; que Mlle A... a été embauchée cinq mois après la salariée, le 2 mars 2009, initialement dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, pour assurer le remplacement de Mme Céline Y... puis, en septembre 2009, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'il apparaît cependant que Mlle A... possédait plus d'expérience dans la fonction et dans le fonctionnement du cabinet que l'appelante, puisqu'elle avait déjà travaillé au sein de la société pendant une période de 3 ans et 3 mois (du 1er avril 2003 au 30 septembre 2004, du 8 juin au 9 novembre 2005 et du 1er mars 2000 6 au 31 août 2007), ce qui n'est pas contesté ; que l'employeur établit ensuite que les deux salariées n'avaient ni les mêmes compétences, ni les mêmes diplômes ; que c'est ainsi que Mme Céline Y... est titulaire d'un BEP "carrières sanitaires et sociales", d'un CAP "préparateur en pharmacie", du niveau Brevet Professionnel "préparateur en pharmacie" et qu'à la suite d'une reconversion professionnelle, elle a suivi une formation en mai 2008 de secrétaire assistante spécialisée médico-sociale ; que de son côté, Melle A... est titulaire à la fois d'un bac STT option informatique de gestion et d'une formation Internet et installation de réseaux ; que ses compétences lui ont permis de gérer je pôle informatique de la société et d'assurer la maintenance, la gestion des bugs et la gestion du logiciel du cabinet ; que c'est ainsi que Mlle A... a attesté en ces termes : « En mars 2009, mes employeurs pour qui j'avais déjà travaillé quelques années en arrière m'ont contactée pour me proposer un poste au sein de l'entreprise, Lorsque j'ai repris mon poste, il y avait un gros problème informatique (perte de la base de données du logiciel de gestion du cabinet). J'ai pu grâce à mes connaissances en informatique récupérer les données perdues. Quelques mois plus tard, nous avons changé de logiciel de gestion. Mme Céline Y... et moi-même avons été formées ensemble à ce nouveau logiciel. [
] » ; que l'employeur démontre également que les deux salariés n'exerçaient pas les mêmes fonctions et que seule Mlle A... avait pour mission de tenir la comptabilité des cinq kinésithérapeutes de la société, à l'exception d'une période comprise entre mars et août 2011, au cours de laquelle l'appelante s'est occupée de la comptabilité de deux des cinq kinésithérapeutes ; que Mlle A... relate dans son attestation les faits suivants : «En janvier et février 2011, à la demande de mes employeurs, j'ai expliqué à Mme Céline Y... la marche à suivre pour effectuer la comptabilité. Du mois de mars 2011 à fin août 2011, j'effectuais la comptabilité de trois kinésithérapeutes et Mme Céline Y... celle de deux kinésithérapeutes. Fin août/début septembre 2011, Mme Céline Y... a cessé de faire la comptabilité, j'ai donc repris celle des cinq kinésithérapeutes. [...] » ; que le fait que Mlle A... s'occupait seule de la comptabilité est confirmée par Mme B..., laquelle a remplacé l'appelante pendant son arrêt maladie, ainsi que Mlle A... ; qu'en effet, celle-ci a attesté qu'elle n'avait pas appris à faire le pointage des règlements effectués par la caisse de sécurité sociale et les mutuelles (comptabilité du centre) car seule Mlle A... accomplissait cette tâche ; qu'il est ainsi établi que la comptabilité était dévolue à titre principal à Mlle A..., sauf pendant une période de 6 mois, entre mars et août 2011, au cours de laquelle l'appelante a géré la comptabilité de deux kinésithérapeutes, Mlle A... s'occupant de la comptabilité des trois autres ; que Mlle A... exerçait donc une charge de travail et des responsabilités supplémentaires qui n'incombaient pas à l'appelante ; que les différences relevées ci-dessus justifient la différence de rémunération entre les deux salariés, de sorte que le manquement reproché à l'employeur par la salariée n'est pas établi ; qu'il convient par conséquent de réformer la décision entreprise qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et alloué à la salariée un rappel de salaire, les indemnités de rupture, outre des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et pour rupture du contrat équivalente en ses effets en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QUE l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ; que l'expérience professionnelle et les diplômes ne peuvent justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche ; qu'en l'espèce, il était constant et acquis aux débats qu'ainsi que l'a relevé le jugement dont la confirmation était sollicitée, la différence de traitement salarial n'avait commencé qu'au mois de mars 2010, soit 12 mois après l'embauche de la salariée à laquelle Mme Y... se comparait et 17 mois après sa propre embauche ; qu'en jugeant que l'expérience de secrétariat et les diplômes de la salariée à laquelle se comparait Mme Y... justifiaient le traitement plus favorable qui lui était fait quand cette expérience et ces diplômes ne pouvaient être pris en considération qu'au moment de l'embauche, la cour d'appel a violé les articles L.3221-2 du code du travail et 1134 du code civil.
ALORS en outre QUE la seule différence de diplômes, ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée ; qu'en déduisant l'utilité des diplômes de la salariée à laquelle se comparait Mme Y... de la circonstance qu'elle avait pu, grâce à ses connaissances informatiques, récupérer des données perdues, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si ce dépannage ne présentait pas un caractère ponctuel, en sorte qu'il n'était en toute hypothèse pas de nature à justifier une différence de traitement permanente, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
ET ALORS QUE l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ; que seuls des critères pertinents peuvent justifier une différence de traitement ; que ne saurait constituer un élément objectif justifiant la différence de traitement constater l'exercice de fonctions supplémentaires par le salarié auquel se compare l'intéressé, quand l'exercice de ces mêmes fonctions par lui ne lui ouvre pas droit au même traitement ; que Mme Y... faisait état d'une différence de traitement continue couvrant les périodes au cours desquelles elle assurait la comptabilité ; qu'en retenant que la tenue de la comptabilité par la salariée à laquelle se comparait Mme Y... participait à la justification de la différence de traitement constatée, après avoir pourtant relevé que Mme Y... avait elle-même tenu la comptabilité sans pour autant bénéficier du même traitement que cette salariée, la cour d'appel a violé l'article L.3221-2 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
AUX MOTIFS énoncés au deuxième moyen
ET AUX MOTIFS encore qu'il convient par conséquent de réformer la décision entreprise qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et alloué à la salariée un rappel de salaire, les indemnités de rupture, outre des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et pour rupture du contrat équivalente en ses effets en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen entrainera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du rejet des demandes de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat, indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement non causés, rejetés sur le fondement de l'absence de différence de rémunération.