CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10054 F
Pourvoi n° G 16-10.927
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société F... Z... - Axel X... - Isabelle G... - Lionel Y... et Thierry Z..., dont le siège est [...] , venant aux droits de la société F... Z... - Axel X... - Jean-Paul A... et Thierry Z...,
contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2015 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à la société Expertises immobilières et associés (EIA), société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme B..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société F... Z... - Axel X... - Isabelle G..., Lionel Y... et Thierry Z..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Expertises immobilières et associés ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société F... Z... - Axel X... - Isabelle G..., Lionel Y... et Thierry Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Expertises immobilières et associés la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société F... Z... - Axel X... - Isabelle G... - Lionel Y... et Thierry Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, rejetant la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, condamné la SCP ... à payer à la société EIA la somme de 906.808,85 euros, outre intérêts et leur capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE la SCP F... Z... , Axel X..., Isabelle G... , Valérie H... et Thierry Z... soutient que l'action de la société EIA se heurte à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 10 juin 1999 ; que cependant cette décision a été cassé notamment en sa disposition l'ayant condamnée à verser à la société EIA une certaine somme, représentant notamment les intérêts, frais et accessoires du prêt ; que la demande de la société EIA ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée résultant de l'arrêt du 10 juin 1999, ainsi que l'a retenu la Cour de cassation dans son arrêt du 9 juin 2011 ;
1° ALORS QUE le jugement a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir de l'action en responsabilité engagée par la société EIA contre la SCP ... , tirée de l'autorité de la chose précédemment jugée, au seul motif que cette action ne se heurtait pas l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 10 juin 1999 dès lors que cette décision avait été cassée notamment en sa disposition ayant condamné la SCP... à indemniser la société EIA, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'action en responsabilité engagée par la société EIA contre le notaire ne se heurtait pas l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu sur renvoi après cassation de l'arrêt du 10 juin 1999, le 26 novembre 2003, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, la SCP... soutenait que l'action en responsabilité engagée par la société EIA à son encontre se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 26 novembre 2003 sur renvoi après cassation de l'arrêt du 10 juin 1999 ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir de l'action en responsabilité engagée par la société EIA contre la SCP... tirée de l'autorité de la chose précédemment jugée, au seul motif que cette action ne se heurtait pas l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 10 juin 1999, la Cour d'appel qui a ainsi méconnu la nature du moyen soulevé par la SCP... a dénaturé ses conclusions en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, rejetant le moyen tiré de la prescription de l'action en responsabilité engagée par la société EIA contre la SCP ... le 13 juin 2007, condamné la SCP ... à payer à la société EIA la somme de 906.808,85 euros, outre intérêts et leur capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE la prescription de l'action en réparation du dommage causé par l'annulation du contrat de vente ne court qu'à compter de la décision passée en force de chose jugée d'annulation de la vente ; qu'en l'espèce, l'arrêt rendu le 10 juin 1999 par la Cour d'appel de Paris qui a prononcé la nullité de l'acte de vente n'est passé en force de chose jugée qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 octobre 2011 ayant prononcé une cassation partielle ne portant pas sur la nullité de la vente ; que ce n'est qu'à compter de cette date que s'est manifesté le dommage pour la société EIA ; que cette dernière ayant assigné la SCP de notaires par acte du 13 juin 2007, son action n'est pas atteinte par la prescription décennale alors applicable ;
ALORS QUE les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la date à laquelle le dommage s'est manifesté à la victime ; qu'en retenant, par principe, que le délai de prescription de l'action en responsabilité de la banque contre le notaire courait à compter de la date à laquelle la décision d'annulation de la vente était passée en force de chose jugée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société EIA n'avait pas connaissance du vice entachant l'acte de vente et de l'annulation qu'il encourait dès avant son prononcé par une décision définitive, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 2270-1 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP... à payer à la société EIA la somme de 906.808,85 euros, outre intérêts et leur capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE sans la faute du notaire, la banque Crédit Chimique, aux droits de laquelle se trouve la société EIA, n'aurait pas libéré les fonds destinés à l'acquisition, puisque le Groupe Copror auquel ont été prêtés les fonds pour acquérir l'immeuble n'aurait pas contracté avec le consorts E... s'il avait eu connaissance de l'omission fautive du notaire ; que le préjudice dont se prévaut la société EIA est en lien de causalité direct avec la faute du notaire et ne constitue pas une simple perte de chance ; que la société EIA a, le 13 juillet 1994, déclaré sa créance privilégiée au passif de la société Groupe Copror pour la somme de 18.848.217,10 francs (2.873.392,17 euros) correspondant au montant du prêt en principal, frais et intérêts, créance arrêtée au 24 avril 1994 correspondant à la date du jugement prononçant le redressement judiciaire de la société Groupe Copror ; que cette créance a été admise définitivement à titre privilégié par ordonnance du Juge-commissaire du 27 avril 1995 ; que les consorts E... ayant été condamnés à restituer à la société EIA la somme de 12.000.000 francs correspondant au prix de vente de l'immeuble, le préjudice résiduel de la société EIA s'élève à 6.848.217,10 francs, soit 1.044.003,97 euros ; que la société EIA justifie par un certificat d'irrecouvrabilité et une lettre du mandataire judiciaire de la société Groupe Copror que le dossier étant impécunieux aucune répartition n'interviendra au profit des créanciers et que sa créance ne sera pas désintéressée ; que si les conventions n'ont d'effet qu'à l'égard des parties, elles constituent néanmoins des faits juridiques dont peuvent être déduites des conséquences en droit à l'égard des tiers ; que le protocole du 2 juin 1995 a prévu que des sommes devant revenir à la société EIA devait être déduite une somme de 900.000 francs (137.195,12 euros) qui était affectée à d'autres créanciers et aux frais de la main-levée ; que cette somme doit être déduite du montant de l'indemnisation sollicitée, puisque la société EIA aurait, en toute hypothèse, vu la somme lui revenant être imputée de ce montant que la condamnation doit en conséquence être fixée à 1.004.003,97 euros - 137.195,12 euros, soit 906.808,85 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui fixe la créance indemnitaire ;
1° ALORS QU'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en condamnant le notaire à indemniser la société EIA de la perte des intérêts, frais et accessoires prévus par le prêt accordé à la société Groupe Copror, auxquels elle n'aurait pourtant pu prétendre si, sans la faute imputée au notaire, la vente n'avait pas été conclue et le prêt n'avait pas été accordé, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, lorsque la situation dans laquelle se serait trouvée la victime sans le fait dommageable est incertaine, son préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance; qu'en jugeant que le préjudice dont se prévalait la société EIA ne constituait pas une simple perte de chance mais un préjudice entièrement consommé, quand, à admettre que la société EIA ait pu se prévaloir de la perte des intérêts que lui aurait procurés la somme qu'elle avait prêtée à la société Groupe Copror si, sans la faute du notaire, elle l'avait prêtée à un autre emprunteur, elle ne pouvait invoquer, à titre de préjudice, qu'une perte de chance d'être remboursée et réglée des intérêts par cet autre emprunteur dont l'obtention était nécessairement aléatoire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3° ALORS QU'il convient de prendre en compte les avantages que la victime a pu tirer d'une situation dommageable pour apprécier son préjudice ; qu'en s'abstenant de tenir compte, comme elle y était pourtant invitée, des intérêts produits par les sommes qui avaient été versées à la société EIA en exécution de l'arrêt du 13 décembre 2012, avant que cette décision ne soit cassée, pour fixer le montant de son préjudice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.