CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10048 F
Pourvoi n° A 16-27.526
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 juin 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Christian Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2016 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme Christelle X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Mansion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. Y..., de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de M. Mansion, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la SCP de Chaisemartin et Courjon la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. Christian Y... à payer à Mme Christelle X... épouse Y... une prestation compensatoire d'un montant de 40 000 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des articles 270 et 271 du Code civil, l'un des conjoints peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend notamment en considération : la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite ; que Mme Christelle X... épouse Y... est âgée de 47 ans et M. Christian Y... de 51 ans ; que leur mariage a duré 26 ans et la vie commune 20 ans ; que le couple a eu deux enfants, aujourd'hui majeurs ; que Mme Christelle X... épouse Y... dispose d'un diplôme d'aide-soignante, métier qu'elle a exercé après la séparation du couple (décembre 2010 à juillet 2011, CV pièce 184) ; que durant le mariage, elle a principalement travaillé sur l'exploitation agricole avec son époux, et ce, durant 15 ans sans disposer d'aucun statut durant 5 ans uniquement, puisque selon acte sous seing privé en date du 20 septembre 1994, elle a acquis 581 parts de l'EARL LE CROCHET, devenant ainsi exploitante-associée ; qu'à ce titre, elle bénéficie, selon l'avis complet d'impôt sur les revenus le plus récent produit, soit l'année 2013 (pièce 141), de revenus fonciers (3 946 €) et agricoles (6 255 €), quand bien même ceux-ci ne sont pas versés à cette dernière (soit 850 €/mois) depuis la séparation du couple en novembre 2009, à l'exception d'un versement de 10 000 €, effectué le 12 novembre 2012 (pièce 59), mais sont inscrits au crédit de son compte courant d'associé ; que de ce fait, elle a actuellement, pour seules ressources réellement perçues, la pension versée au titre du devoir de secours par son époux d'un montant mensuel de 500 €, puisqu'elle démontre par les pièces produites que l'existence de revenus agricoles l'exclut du dispositif RSA (pièce 157) ; qu'enfin, ses charges s'élèvent à la somme de 330 € pour sa participation au loyer et charges de la personne qui l'héberge, ainsi que des frais d'assurance (149 €/mois), de cotisations URSSAF et impôt sur le revenu (967 €/an, pièce 148) ; que quant à Monsieur Y..., il est exploitant agricole et a déclaré (revenus 2013) la somme de 25 863 € au titre des revenus agricoles et celle de 4 518 € au titre des revenus fonciers, lesquelles s'élèveront respectivement, pour l'année 2014 (pièce 75), à 22 299 € et 4 211 €, soit un revenu moyen de 2 209 € ; qu'il est aussi intéressant de relever que le Grand livre comptable de l'EARL du Crocher (année 2014, pièce 72), fait état des prélèvements effectués par ce dernier sur les comptes de la société pour un montant total net de 48 366,50 euros (p. 32-33) étant aussi noté que le bilan 2014 démontre un accroissement exponentiel des comptes d'associés dont le solde s'élève à 81 989,35 € contre 13 810,44 € en 2011, ce qui corrobore le fait que l'appelante ne perçoit pas ses revenus ; que concernant ses charges, il ne supporte pas de frais de logement et se limite à affirmer, sans le démontrer, que sa situation financière est exsangue, alors qu'il produit seulement un décompte datant de l'année 2012 (pièce 64, tableau et annexe de 39 pages) ; que toutefois, il convient d'observer que Jeremy, fils du couple, né le [...] , est en terminale au Lycée agricole [...](pièce 77) et rentre,
chaque soir, chez son père, qui en assume toutes les charges d'entretien ; que de plus, il résulte du rapport d'expertise de Monsieur A... que l'actif de l'EARL et le foncier bâti et agricole sont évalués à la somme de 528 581 €, soit 315 837,98 € pour Monsieur Y... et 212 743,02 € pour l'appelante, eu égard à leurs doits sociaux respectifs ; qu'il sera rappelé qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des espérances successorales des époux ; que concernant la situation de retraite et l'état de santé des époux, la cour fait siens les constats effectués par le premier juge sur ces points en l'absence de nouveaux éléments ; qu'en effet, Madame ne produit aucune pièce justifiant que son état de santé n'est pas susceptible d'amélioration et qu'elle ne sera pas en mesure, à court ou moyen terme, de reprendre une activité professionnelle à temps complet en qualité d'aide-soignante ; qu'au regard de ces éléments d'appréciation, il convient de constater l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respective des époux, laquelle condition, nécessaire et suffisante, justifie qu'il soit accordée à l'appelante une prestation compensatoire dont le montant sera justement fixé à la somme de 40 000 €, la décision étant, par conséquent, infirmée sur ce point (arrêt, pp. 4-6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins et les ressources des époux, et notamment de leur patrimoine estimé ou prévisible, en tenant compte de l'évolution de la situation dans un avenir prévisible ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir dans ses écritures d'appel (p. 6, al. 1-4) que Mme X... était héritière de ses parents, respectivement décédés [...] et dont le patrimoine se composait d'une maison, de onze garages et d'un terrain, outre des liquidités ; que M. Y... soutenait (ibid.) que Mme X... n'ayant qu'une soeur, les délais de liquidation de la succession de ses parents avaient pour seule vocation d'éviter l'accroissement de son patrimoine disponible, mais que ladite succession constituait pour cette dernière un droit prévisible, excluant toute disparité de situation entre les époux ; qu'en se contentant d'énoncer qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des espérances successorales des époux, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de M. Y..., si Mme X... n'était pas effectivement héritière d'un patrimoine conséquent ayant appartenu à ses parents, décédés avant le prononcé du divorce par le tribunal et, a fortiori, avant l'instance d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 270 à 272 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir dans ses écritures d'appel (p. 6, al. 1-4) que Mme X... était héritière de ses parents, respectivement décédés [...] et dont le patrimoine se composait d'une maison, de onze garages et d'un terrain, outre des liquidités ; que M. Y... soutenait (ibid.) que Mme X... n'ayant qu'une soeur, les délais de liquidation de la succession de ses parents avaient pour seule vocation d'éviter l'accroissement de son patrimoine disponible, mais que ladite succession constituait pour cette dernière un droit prévisible, excluant toute disparité de situation entre les époux ; qu'en énonçant cependant, par une motivation laconique, qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des espérances successorales des époux, la Cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen, pourtant déterminant, invoqué par l'exposant dans ses conclusions, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE les décisions de justice doivent motivées et que le juge ne saurait se déterminer par voie de considération générale et abstraite ; qu'en affirmant seulement qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des espérances successorales des époux, la Cour d'appel a statué par un motif général et abstrait, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.