CIV. 1
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10039 F
Pourvoi n° Q 16-26.918
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2016 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à la ligue régionale de taekwondo de Polynésie française, dont le siège est [...] , [...], [...],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de la fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées, de la SCP Leduc et Vigand, avocat de la ligue régionale de taekwondo de Polynésie française ;
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées aux dépens ;
Vu l'article 700 code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la ligue régionale de taekwondo de Polynésie française la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la Fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées de ses demandes tendant à voir juger que la Ligue régionale de taekwondo de Polynésie française avait une cause et un objet illicites, de voir constater la nullité de ladite association et de prononcer sa dissolution ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de dissolution de la Ligue régionale de taekwondo de Polynésie française, au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution, il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association ; que ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; qu'en vertu de ce principe, les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; que l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 prévoit que « toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite contraire aux Lois (...) est nulle et de nul effet ; qu'en cas de nullité la dissolution est prononcée par le tribunal de grande instance » ; qu'en l'espèce, l'appelante, la Fédération tahitienne de taekwondo, a été fondée le 1er avril 1996 avec pour objet d'organiser et de promouvoir l'enseignement et la pratique du Taekwondo en Polynésie française ; qu'il n'est pas discuté qu'elle a reçu un agrément en application de la délibération 99-176 APF du 14 octobre 1999 relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives en Polynésie française ; que le 3 avril 2012, l'association querellée, régie par la loi du 1er juillet 1901, la Ligue régionale de taekwondo de Polynésie française a été créée par les clubs ci-après dénommés : l'association de taekwondo, l'association [...], l'association de taekwondo de [...], l'association de Taekwondo [...], l'association de Taekwondo [...], l'association de Taekwondo de [...], l'association de Taekwondo de [...] l'association de Taekwondo [...], l'association de Taekwondo de [...], l'association sportive [...]
, l'association Taekwondo [...];
qu'il ressort de la publication au journal officiel de la Polynésie française du 19 avril 2012 que la Ligue régionale de taekwondo de Polynésie française est « un organe déconcentré de la Fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées (FFTDA) », dont l'objet est de « participer à la gestion et au développement du Taekwondo dans son ressort géographique définis par la FFTDA », et qui a pour objectif « la continuité et le renfort des liens existants entre les associations sportives de Polynésie française et la FFTDA » ; que l'appelante, la Fédération tahitienne de taekwondo, entend faire prononcer la dissolution de cette association dont l'intitulé, l'objet et la cause sont selon elle illicites et de nature à tromper le public ; que force est de relever qu'en l'espèce, d'une part, la Ligue régionale de taekwondo de Polynésie française a pour objet d'organiser la pratique de sport de plusieurs clubs, ce qui en soit n'est pas illicite étant observé qu'elle ne bénéficie pas des mêmes avantages que la Fédération tahitienne de taekwondo dont elle n'utilise au surplus pas le nom ; qu'il n'y a rien d'illicite d'autre part, à la participation à des compétitions sportives dans un cadre distinct de la Fédération tahitienne de taekwondo dans le respect des articles 9 et suivants de la délibération susvisée ; que s'il est manifeste, que la Fédération tahitienne de taekwondo fait de son agrément des prérogatives de puissance publique rappelées aux articles 8 et suivant de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 en matière de pouvoir disciplinaire et de délivrance de titre notamment, elle n'a toutefois pas le monopole de la pratique sportive ou des relations avec la fédération française ; qu'il n'est pas justifié par ailleurs d'une obligation pour les associations sportives et par extension pour la ligue, de s'affilier à la fédération tahitienne, étant relevé que celles qui ne le font pas ne pourront pas bénéficier des prérogatives réservées aux fédérations agrées ; qu'il n'est pas davantage justifié enfin d'une interdiction pour les associations sportives d'entretenir des relations directes avec la fédération nationale, dans le cadre du respect des compétences exclusives de la Polynésie française en matière sportive ; que s'agissant de l'attestation de M. Roland Z... « entraîneur » du club de taekwondo [...] produite en cause d'appel pour justifier l'affirmation selon laquelle la Ligue régionale se substituerait à la fédération dans l'exercice du pouvoir disciplinaire en violation des dispositions de la délibération susvisée, il sera relevé que celle-ci se borne à indiquer que les membres de la ligue régionale de taekwondo ont entendu lui imposer de ne plus participer à l'encadrement des jeunes sportifs en raison de sa consommation d'alcool ; qu'il ne s'agit pas de l'usage du pouvoir disciplinaire au sens des prérogatives de puissance publique prévues par la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 mais relève de l'exercice normal des prérogatives d'une association lui permettant de réguler le comportement de ses membres et n'établit pas la preuve d'une immixtion illicite ; qu'il est également reproché à la Ligue régionale de taekwondo d'envoyer des sportifs concourir dans des compétitions internationales au nom de la Polynésie française et en lieu et place de la fédération ; que l'appelante produit à l'appui de ses assertions des articles de presse ; que ces affirmations sont contestées par l'intimée qui soutient que si, la ligue a pu permettre à ses adhérents et aux jeunes pratiquants de participer à des compétitions internationales, elle ne l'a fait pas en usurpant le nom de la Fédération tahitienne mais en se bornant à indiquer que ces déplacements étaient organisés par la Ligue régionale de taekwondo et que les jeunes compétiteurs sont originaires de la Polynésie française ; que ces circonstances postérieures à la constitution de l'association, exposées par la Fédération tahitienne, ne sont pas étayées et sont dès lors insuffisantes à elles seules, pour établir que la Ligue régionale de taekwondo aurait développé une activité essentielle illégale visant à entrer en concurrence directe avec la Fédération tahitienne de taekwondo dans le domaine de la compétition et de l'organisation de manifestations fédérales en empiétant sur les prérogatives de celles-ci, laquelle alors constituerait son véritable objet et justifierait que soit prononcée sa dissolution ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 3 de la loi de 1901 dispose que « toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs , ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire nationale et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet » ; que l'objet de l'association est l'activité pour laquelle l'association a été constituée ; qu'en l'espèce, l'association requérante ne démontre pas le caractère illicite de l'activité de la Ligue régionale de taekwondo de Polynésie française qui a pour objet d'organiser la pratique de sports de plusieurs clubs ; que l'objet sportif de l'association n'est pas illicite tant qu'il n'interfère pas avec le monopole en matière disciplinaire, en matière de délivrance de titres, en matière d'organisation de manifestation fédérales, de la Fédération tahitienne de taekwondo et disciplines associées ; que cette allégation d'interférence ou de tentative de tromperie et d'immixtion n'est démontrée par aucun élément ;
1°/ ALORS QUE les juges doivent faire respecter et respecter eux-mêmes le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce qu'il n'était pas justifié d'une obligation pour les associations sportives et, par extension, pour la ligue de s'affilier à la Fédération tahitienne dans le cadre du respect des compétences exclusives de la Polynésie française en matière sportive, sans provoquer les explications des parties, la cour d'appel a violé les articles 6 du code de procédure civile de la Polynésie française et 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la Fédération soutenait que l'appellation de « ligue régionale » et sa désignation comme organe déconcentré de la Fédération française de taekwondo en Polynésie française, en ce qu'elle sous-entendait qu'elle englobait officiellement toutes les associations de taekwondo de Polynésie française, était illicite comme trompeuse en raison de la confusion entretenue avec la Fédération (conclusions, p.2, §§7-11) ; qu'en se bornant à retenir que la Fédération n'avait pas le monopole de la pratique sportive ou des relations avec la fédération française de Taekwondo, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3°/ ALORS QU'en outre, dans ses conclusions, la Fédération soutenait que la Ligue procédait, en méconnaissance de la délibération du 14 octobre 1999, à la sélection territoriale de joueurs de Taekwondo dont elle assurait le transport en vue de la participation aux championnats locaux et internationaux (p.2, deux derniers §§ et p.3, §1) ; qu'en se bornant à retenir que la Fédération reprochait à la Ligue « d'envoyer des sportifs concourir dans des compétitions internationales au nom de la Polynésie française et en lieu et place de la fédération », sans répondre au moyen relatif à la sélection des joueurs, la cour d'appel a, derechef, méconnu l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
4°/ ALORS QU'il résulte de l'article 8 alinéa 5 de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999, que seules les fédérations sportives ont un pouvoir disciplinaire, dans le respect des principes généraux du droit, à l'égard des groupements qui leur sont affiliés et de leurs licenciés et font respecter les règles techniques et déontologiques de leurs disciplines ; que la cour d'appel a constaté que Ligue avait entendu « imposer » non pas à un de ses membres, mais à l'entraîneur du club polynésien de taekwondo de [...] de ne plus « participer à l'encadrement des jeunes sportifs » en raison de sa consommation d'alcool ; qu'en retenant néanmoins que cette circonstance constituerait l'exercice normal des prérogatives d'une association lui permettant de réguler le comportement de ses membres, la cour d'appel a violé le texte susvisé.